Nouvelle venue au sein de la famille Blanchet, Marie Denarnaud y a déjà trouvé sa place. Rencontre avec Isis...
AlloCiné Séries : Vous n'aviez pas pu jouer Isis dans la 1ère saison alors que vous étiez le premier choix du réalisateur. Quel effet ça fait de voir une autre actrice créer le personnage ?
Marie Denarnaud : Ça ne me dérange pas du tout. Au théâtre cela se fait tellement souvent de reprendre des rôles. C'est un très beau rôle et c'est très agréable à faire mais ce n'est pas comme si je n'avais pas pu jouer Edith Piaf. En fait les journalistes me posent systématiquement cette question-là et je suis très intriguée. Est-ce pour savoir si les actrices se détestent les unes les autres ? En réalité c'est plus simple : quand une actrice ne peut pas tenir un rôle, quelqu'un d'autre prend le relais, et c'est tant mieux car ainsi tout le monde peut travailler.
Que reprend-on de la création d'un autre acteur ?
Nous sommes deux actrices extrêmement différentes, je n'ai donc rien repris. Le rôle est très écrit, notamment dans ce qu'il a de loufoque, et de toute façon je n'allais pas chercher à imiter quelqu'un d'aussi différent. Je ne me suis pas posée la question de savoir s'il y avait eu une autre actrice avant parce qu'après on triche, on copie et ce n'est plus intéressant.
Vous aviez la liberté artistique de faire ce que vous vouliez ?
Oui, et de toute façon ce sont des conventions : le public accepte que tout d'un coup Isis soit très différente physiquement. Il s'est passé un an entre les diffusions, ce n'est pas comme si d'un plan à un autre l'actrice changeait. Ce sont des films relativement burlesques et les conventions sont proches de celles du théâtre : les gens acceptent tout à fait que Pascale (ndlr : Arbillot, qui joue Isabelle, la mère) et Bernard (ndlr : Yerlès, qui joue Jean-Pierre, le père) puissent avoir 8 enfants et que je sois la fille de Pascale alors que nous n'avons que 10 ans d'écart.
Et est-ce que vous aviez peur de la réaction du public ?
Non, pas du tout, je ne me suis pas posée la question. Je n'ai jamais considéré Merci, les enfants vont bien ! dans un esprit de série ou de télévision. Je travaille sur un rôle, sur un film, je veux qu'il soit beau et que les gens l'aiment et soient transformés parce que le film les a fait rire ou réfléchir ou pleurer. Je ne suis jamais dans la comparaison, ce n'est pas tellement constructif comme attitude et puis ce n'est pas ma nature. J'ai pris le film comme un film, le rôle comme un rôle. Après bien entendu, j'ai envie que ça plaise mais je ne me suis pas dit ça parce que les deux premiers leur avaient plu. Autrement on est tétanisé tout le temps.
Comment définiriez-vous Isis ?
C'est l'"artiste", avec beaucoup de guillemets, de la famille, quelqu'un de très égoïste, qui a énormément de liberté et ne fait que ce qu'elle a envie de faire, c'est-à-dire pas grand chose. En même temps elle a des élans qui en font un personnage malgré tout assez drôle et sympathique. C'est aussi elle qui fait rire et rêver sa famille.
Isis peut être particulièrement individualiste et ne prend généralement pas de pincettes pour dire ce qu'elle pense. Son impulsivité alliée à son caractère bohème en font un véritable détonateur dans une famille très nombreuse. Est-ce que c'est son seul moyen d'exister ?
En effet c'est le seul moyen qu'elle ait trouvé pour exister. Je pense aussi que, parce qu'elle est la deuxième des enfants, elle n'a pas vraiment de rôle défini, elle a donc du mal avec les responsabilités. Elle choisit de faire l'opposé, d'aller contre, et fait en sorte qu'on ne puisse jamais vraiment compter sur elle ou lui demander un service parce qu'on sait qu'elle ne le fera pas, contrairement à sa soeur aînée (ndlr : jouée par Virginie Lanoue) qui est beaucoup plus responsable. Elle ne veut pas vraiment grandir, sans doute parce qu'elle ne sait pas vraiment quelle est sa place.
Au départ on ne sait pas si Isis souhaite se marier par amour pour Benjamin ou par jalousie envers Emma ? Qu'en pensez-vous ? Quelle est sa motivation première ?
Avant la jalousie, je pense que c'est un élan et parce qu'elle est amoureuse de Benjamin (ndlr : joué par Nicolas Gob). Quand Isis se passionne pour quelque chose, elle le fait, sans trop y réfléchir. Après c'est aussi pour attirer l'attention parce que tout est concentré sur sa soeur. Mais elle ne vaut pas simplement faire pareil, ça la tente tout simplement. Isis est fantasque, elle ne réfléchit pas avant de prendre une décision, ce n'est pas trop son truc. Tout à coup elle a envie de faire ça. Je ne suis pas sûre que le mariage ait une grande importance pour elle, même si elle est amoureuse et sincère.
Aura-t-elle de nouveaux élans dans les prochains épisodes ?
Oh oui ! A la fin de l'épisode 4, alors qu'elle essayait d'avoir un bébé, elle part en vomissant... il y a donc de grandes chances qu'elle ait un bébé ! On commence le tournage au mois de mai mais nous n'avons encore aucune date. J'ai eu des premières versions qui ne sont plus au goût du jour. A part le fait qu'Isis a un bébé et du mal à l'assumer, je ne sais pas grand chose.
On reproche souvent aux séries françaises, et plus particulièrement à celles qui traitent du quotidien, d'être déconnectées de la réalité. En quoi "Merci..." serait en prise avec la réalité ?
Cette série est très chouette parce qu'elle est très clairement sur un mode burlesque, de par la façon dont c'est filmé, les personnages, la musique, le côté "13 à la douzaine", les parents dépassés par les enfants... Tout cela n'est pas forcément réaliste, nous sommes au niveau du symbole. A chaque fois il y a une tentative de parler de choses dans lesquelles les gens peuvent vraiment se retrouver. De ce point de vue là je trouve que c'est très réussi. Après en effet le lieu et les personnages sont un peu déconnectés de la réalité mais il leur arrive des choses qui peuvent arriver à beaucoup de gens. C'est plus profond que ça en a l'air. Sous des aspects burlesques, Merci... aborde des idées tout de même un peu compliquées, par exemple dans le 4ème épisode, il y a quand même l'histoire d'une mère et d'une fille se partageant un amant ! A 21h à la télévision française, c'est très intéressant. Sous couvert de rigoler, on fait passer des choses sur la sexualité, l'adolescence, les enfants, l'angoisse d'être mère ou du mariage...
La série parle à tout le monde, aux hommes comme aux femmes...
Le mérite en revient surtout à Pascale et Bernard, les deux acteurs principaux. Sur les deux premiers épisodes, ils ont énormément travaillé, notamment à réécrire et ils sont dans un travail permanent. Dès que l'on sent que quelque chose est trop faux, on essaie autre chose. Nous avons récupéré deux nouveaux scénaristes pour les épisodes 3 et 4, deux filles (ndlr : Camille Pouzol et Diane Clavier) vraiment formidables, drôles et profondes, mais il y a aussi un vrai travail sur le plateau, un investissement de la part des acteurs principaux. Du coup cela change beaucoup de choses parce que l'on se pose beaucoup de questions et on ne fait pas ça à la légère. Sans se prendre au sérieux, on fait les choses sérieusement. Pour être naturel à l'écran, il faut beaucoup travailler.
Mise à part la 3ème saison de "Merci...", quels sont vos projets ?
Je suis en train de terminer Le réveillon des bonnes, un très beau film d'époque pour France 3 en 8 x 52 minutes, qui sera diffusé à Noël 2007. Et puis je fais aussi un très beau film pour le cinéma avec François Cluzet et Guillaume Canet, Les Liens du sang, réalisé par Jacques Maillot, un grand cinéaste qui avait mis en scène des moyens métrages magnifiques et un film vraiment extraordinaire, Nos vies heureuses. Le tournage se termine le 19 avril.
Quelles sont vos séries préférées, d'hier ou d'aujourd'hui ?
Je suis consternante : je n'ai jamais eu la télévision, ni quand j'étais petite, moyenne ou grande (rires) ! Ça ne m'empêche pas d'avoir vu parfois chez des copains ou chez la grand-mère des bouts de séries. J'ai beaucoup ri à Shérif, fais-moi peur ! ou Ma Sorcière bien-aimée. Je ne connais pas Desperate Housewives ou Six Feet Under. Mais j'ai vu en DVD Police district, je l'ai regardé en entier et c'était très beau.
Propos recueillis par Thomas Destouches le 21 mars 2007, à Paris