Allociné : Quel est le point de départ de ce documentaire ?
Neil Young : Je connaissais Jonathan, nous avions failli collaborer sur un autre projet. Quand est venu le moment d'enregistrer mon nouvel album, je l'ai recontacté. C'est un coup de chance, le genre de situation dans laquelle on se dit qu'on se trouve au bon endroit au bon moment. A la fin de l'enregistrement, je lui ai envoyé les textes des chansons, on en a discuté et on a commencé à choisir les titres qu'on voulait inclure dans le film.
Vous avez participé à tant de films... D'où vient cette passion ?
En fait, pour moi, la musique et le cinéma ne font qu'un. J'ai pas mal d'idées de films mais au bout du compte, je n'en fais pas tant que ça, parce qu'en général il me faut 20 ans pour venir à bout d'une idée ! Ce qui me passionne, c'est de raconter des histoires, d'exprimer ce que je ressens, qu'il s'agisse d'une chanson ou d'un film. C'est le même objectif. Si je ne fais pas beaucoup de films, c'est aussi parce que ça coûte beaucoup d'argent et donc je me sens à chaque fois la responsabilité de faire le meilleur film possible. Et puis je veux être sûr que j'ai quelque chose à dire. Il m'est aussi arrivé de faire l'acteur. Dans l'un d'eux, Bienvenue au paradis, je jouais un chauffeur routier... Jouer la comédie me plaît tout autant que réaliser ou produire.
Qu'est-ce qui vous plaît au cinéma ?
J'aime l'idée de me perdre dans un film. Un film est bon quand il vous emmène ailleurs. Et quand vous avez une musique, une chanson dans un film, c'est comme un double transport dans un monde lointain...
Parlez-nous de votre collaboration avec Jonathan Demme, qui avait déja réalisé un film musical avec les Talking Heads ("Stop making sense")...
C'est un réalisateur incroyable. Un vrai passionné. Quand je l'ai appelé pour lui parler de textes de mes chansons, il avait aussitôt des images dans la tête, des idées de tournage pour le film. Au départ, on avait d'ailleurs l'intention de tourner des plans de nature au Canada et de les mélanger aux séquences de concerts. Mais on s'est dit ensuite que le plus important, c'était mon amour pour l'instrument. Par conséquent, on a pensé que le mieux était de me filmer en train de chanter, entouré de mes musiciens, chacun avec son instrument, et que les paroles des chansons inspireraient toutes sortes d'images aux spectateurs. On a aussi pensé ce film en terme de personnages, on voulait exprimer des émotions à travers les personnages qu'on rencontre dans mes chansons
Le film fini correspond-il à ce que vous aviez imaginé ?
Complètement. Nous avons utilisé des longues focales, on me voit de très près mais en même temps je suis filmé de loin, donc c'est comme si le spectateur se retrouvait projeté sur scène. Parfois je ne voyais pas la caméra. Il fallait que je projette ma voix au loin, comme pour tout concert. Ce qui est formidable, c'est qu'il y a certaines nuances que seul un film, des images peuvent exprimer, et pas un disque : je fais passer certaines choses à travers mes émotions, mes silences, les changements de positions de ma guitare, mes déplacements sur scène...
L'image est très belle, très riche...
Nous avons eu la chance d'avoir un grand chef-opérateur, mais c'est aussi le travail de notre costumier. Ce film n'est pas un simple concert filmé comme on en voit habituellement : nous avons pris le temps d'éclairer la scène le plus joliment possible, et chaque chanson a sa propre mise en scène, son propre éclairage. Donc même si on a l'impression d'assister à un vrai concert, ça n'en est pas vraiment un. C'est très construit.
Propos recueillis à Sundance par Emmanuel Ithier