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    "Mon nom est Tsotsi" : rencontre avec Presley Chweneyagae

    Son nom est Presley Chweneyagae, alias "Tsotsi". Le comédien revient pour AlloCiné sur le film-choc de Gavin Hood, Oscar du Meilleur film étranger 2006...

    AlloCiné : Comment êtes vous devenu acteur ?

    Presley Chweneyagae : Au départ, c'était l'idée de ma mère car j'ai grandi dans un bidonville assez difficile et elle a souhaité m‘éloigner de cet environnement autant que possible. Un jour elle m'a emmené à ces cours d'art dramatique hors de mon bidonville, pour que j'apprenne à jouer. A partir de là j'ai commencé à participer à des pièces pour enfants et c'est comme ça que m'est venue la passion de la comédie.

    Pouvez-vous nous parler de votre enfance dans l'Afrique du sud post-Apartheid ?

    Dans le bidonville ou j'ai grandi, tout le monde regardait les matchs de foot le week-end et buvait beaucoup. Bien que l'ambiance soit assez chaleureuse, le bidonville renfermait aussi des criminels dont tout le monde avait peur et c'est de ce genre de personnages dont je me suis inspiré pour jouer Mon nom est Tsotsi. Néanmoins la vie était un peu différente pour moi parce que j'étais très occupé ; j'allais à l'école le matin puis aux cours d'art dramatique l'après-midi jusqu'à 19h avant de rentrer pour faire mes devoirs et aller dormir. J'étais dans une certaine routine qui m'a quelque peu préservé de l'environnement dans lequel j'ai vécu.

    Comment avez-vous rencontré Gavin Hood, le réalisateur et scénariste de "Tsotsi" ?

    En fait je jouais Hamlet au théâtre public d'Afrique du sud, ma première pièce en tant que professionnel, et c'est là que mon agent m'a repéré. C'est comme ça que j'en suis venu à lire le script puis à rencontrer Gavin pour parler du projet. J'ai d'abord passé l'audition pour un rôle secondaire, celui de Boucher, puis j'ai demandé si je pouvais faire les essais pour le rôle de Mon nom est Tsotsi et il a accepté.

    Donc celui qui est devenu votre agent connaissait déjà Gavin Hood...

    Oui, en fait il se trouvait être le directeur de casting de Mon nom est Tsotsi.

    Dans quelle mesure le rôle de "Tsotsi" est-il proche de votre propre expérience ?

    Le bidonville dans lequel j'ai grandi n'était pas aussi pauvre que celui du film, on habitait dans de vraies maisons en briques avec l'électricité etc... mais nous vivions néanmoins dans un ghetto, on côtoyait des criminels, on entendait leurs histoires et il était très facile d'en venir à les idolâtrer car ils portaient de beaux vêtements, parce qu'ils avaient l'air cool, et qu'ils avaient de l'argent. Je me suis beaucoup inspiré des gens qui passaient leur temps assis toujours au même coin de rue à raconter qu'un tel avait fait ci ou ça et refusant de prendre leurs vies en main. Les gens auxquels je pense sont d'ailleurs probablement à ce même coin de rue à l'heure ou je vous parle !

    Le personnage de "Tsotsi" est extrêmement violent, comment vous êtes vous préparé psychologiquement pour le rôle ?

    Je suis allé dans les endroits où l'on a tourné pour mieux me mettre dans la peau du personnage. Il fallait vraiment que je me mette à sa place car l'enjeu du film était de faire sortir les émotions du plus profond des personnages. Plutôt que d'exprimer des émotions, le but était de les ressentir.

    Combien de temps s'est écoulé entre le moment où vous avez été engagé pour le rôle et le moment où vous avez commencé à tourner ?

    Je ne sais plus exactement... Quelques semaines. Durant ce laps, de temps je me suis enfermé chez moi pour être sûr que rien ne m'arriverait avant le tournage (Rires).

    Avez-vous éprouvé des difficultés à vous mettre dans la peau de ce personnage ?

    Et bien oui, c'était assez difficile. Il s'agissait d'un vrai défi pour moi car chaque scène était très chargée en émotions. Il y a néanmoins des éléments sur lesquels j'ai pu m'appuyer. Par exemple lorsque le personnage de Tsotsi doit s'occuper du bébé ; le fait que la famille ait énormément d'importance pour moi était un atout même si à l'heure actuelle je ne me sens pas capable de m'occuper moi-même d'un bébé. En fait pour chaque scène, je me suis demandé ce que moi-même je ferais dans une telle situation, comment je réagirais dans de telles circonstances. J'ai cherché à éviter la facilité; j'aurais pu travailler d'avantage l'aspect physique, me faire mettre de faux tatouages, fumer beaucoup etc... mais cela ne m'intéressait pas.

    L'Afrique du sud, et Johannesburg en particulier, sont connus pour être relativement riches par rapport au reste de l'Afrique. Depuis la fin de l'apartheid, beaucoup de noirs sont devenus riches, pensez-vous que cela rend les inégalités plus visibles ?

    Eh bien en fait je pense qu'il s'agit d'un problème universel ; aussi longtemps qu'il y aura des gens riches et pauvres qui vivent chacun dans leurs coins, personne ne sera vraiment content et il y aura toujours des problèmes. Par ailleurs, parmi les noirs riches, beaucoup étaient partis en exil pendant l'apartheid et du coup ils comprennent les difficultés de la communauté noire et font en sorte de les aider autant que possible. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il y a une certaine compréhension entre le père de famille à la recherche de son bébé et Mon nom est Tsotsi, le jeune criminel.

    Quels sont vos projets, les propositions que vous avez reçues ?

    On m'a proposé pas mal de projets mais j'ai du mal à choisir. Ce qui est sûr c'est que je vais jouer dans une pièce de théâtre en Angleterre pour trois mois intitulée Relativity mais je n'ai pas encore de films en préparation.

    Pensez-vous que le succès de "Tsotsi" va contribuer à rendre le cinéma sud-africain plus médiatisé ?

    Avec l'équipe du film, nous avons rencontré Jon Voight à Los Angeles et il nous a félicité pour le film en nous disant que le succès de Mon nom est Tsotsi allait avoir des conséquences bénéfiques pour le cinéma sud-africain et cela m'a beaucoup touché car Jon Voight est quelqu'un d'extrêmement important, une icône de l'industrie cinématographique et je crois profondément en son jugement.

    Un petit mot pour finir à propos de l'Oscar du Meilleur Film étranger attribué à "Tsotsi" et de cette soudaine popularité dont vous bénéficiez...

    Eh bien je suis ravi de l'attention que l'on me porte. En tant qu'acteur notre but est d'être vu par un maximum de gens, si personne ne voit les films dans lesquels on joue alors notre travail perd de son sens. Le but est de parler aux gens, de créer le processus d'identification. Pour moi l'important n'est pas la gloire ni la célébrité mais de s'améliorer, de devenir un meilleur acteur et une meilleure personne.

    Propos recueillis par David Rich à Paris le 21 juin 2006

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