AlloCiné : Comment expliquez-vous qu'on vous ait proposé ce rôle de hippie à l'âge de 70 ans ?
Pierre Richard : Ca, il faut le demander à Gérard Bitton et Michel Munz, les réalisateurs ! Je ne sais pas trop. En tout cas, à un niveau personnel, si j'ai voulu participer à l'aventure du Cactus, c'est d'abord parce que le scénario était bon. Si ma scène avait été bonne et que le reste avait été merdique, je ne serais pas venu ! Vraiment, le scénario m'a enchanté et quand j'en suis arrivé à lire ma scène, je me suis dit que c'était court mais très intéressant à jouer. Ca me plaisait bien, car finalement, je ne suis pas très loin de ce personnage de hippie, faudrait pas me pousser ! Je suis resté dix jours à Goa, il n'aurait pas fallu que j'y reste deux mois, j'aurais été foutu d'y rester quatre de plus ! On ne sait pas ce qui ce serait passé après ! (rires)
Vous vous faites assez discret sur grand écran. Une lassitude du métier ?
Pas du tout. Ne croyez surtout pas ça. Au contraire, je connais un vrai renouvellement d'appétit qui me permet avec bonheur de tenter de nombreuses choses, des comédies mais également des films plus sombres et intimistes comme En attendant le déluge. Ce nouvel appétit est dû en partie au fait qu'à ma grande joie, de manière quotidienne, j'apprend que des jeunes réalisateurs ou des jeunes acteurs, comme Clovis Cornillac ou Pascal Elbé par exemple, m'adorent. De la part de ces personnes, je n'attendais pas un tel attachement. Mais c'est normal en fin de compte, car je me sens plus en phase, à mon âge, avec cette génération plutôt qu'avec la mienne. Même dans la vie, d'ailleurs, tous mes potes ont trente, trente-cinq ans. Il y a une espèce de connivence avec les gens d'aujourd'hui qu'avec un comédien de ma génération. Les jeunes font perdurer ma jeunesse d'esprit. Et cette jeunesse se retrouve dans certains de mes rôles, comme celui du Cactus. Je l'ai trouvé très drôle. L'idée de jouer avec ces deux lascars m'enchantait. Et franchement, quand on m'a dit comment je m'habillerais, comment je me coifferais et qu'on m'a annoncé que j'aurais un pétard à la main, j'ai dit "Banco !" (rires)
"Le Cactus" se place dans la grande tradition française des films de tandem, ceux-là mêmes qui vont ont apporté la gloire. En cela, le film vous permet, en quelque sorte, de passer le relais à Pascal Elbé, comme un père passe le relais à son fils...
Tout à fait. Ce n'était pas voulu par moi, qui ne me suis pas dit ça, mais quand je fais l'analyse après, c'est vrai que si Le Cactus avait été tourné il y a vingt ans, Gérard Depardieu aurait fait Clovis et moi Pascal. Et puis on retrouve dans ce film les mêmes profils psychologiques du faible qui, en fin de compte, est d'une force incroyable, et du fort qui vacille peu à peu. Pascal possède cette fragilité mais aussi cette force de ceux que rien n'atteint. Alors que pour Clovis, fort de son poids et de sa situation, tout bascule et, à la fin, c'est lui qui attrape des boutons, qui tremble. On retrouve donc tous les éléments, mais avec un ton plus moderne. Il y a une plus grande liberté avec Le Cactus qu'avec La Chèvre, ne serait-ce que dans le rapport avec les femmes par exemple. Par ailleurs, si il y a trente ans, on avait fait un film sur un type qui couche avec la femme de son meilleur ami, c'était fini l'amitié, il n'y avait pas de pardon possible. Aujourd'hui, pour les jeunes, c'est grave, mais c'est pas trop grave quand même, ça peut se pardonner ! (Pascal Elbé, présent, intervient en s'exclamant : "Ca se voit que tu connais pas ma femme !" Fou rire général !)
Aujourd'hui, on utilise votre nom et votre prénom comme un terme pour qualifier un ahuri, un distrait. Comment vivez-le fait qu'on en vienne à dire qu'une personne est "un Pierre Richard" ?
(rires) C'est vrai, je ne peux pas dire le contraire. C'est marrant, parce que c'était passé pendant vingt ans et puis ça revient aujourd'hui. C'est très flatteur que mes rôles aient tant marqué l'imaginaire des gens au point que mon nom figure dans le vocabulaire ! Je suis de plus en plus aimé et considéré au fil des années. On parlait des jeunes comédiens qui me vouent un fort attachement aujourd'hui, mais cela s'applique également aux jeunes critiques de cinéma. Ceux qui m'assassinaient il y a trente ans tout d'un coup se mettent à découvrir des vertus à mon cinéma. J'ai eu l'incroyable surprise d'avoir de très bon papiers dans Télérama, Les Inrockuptibles ou Les Cahiers du Cinéma ! Des jeunes critiques de trente ou quarante ans me découvrent des vertus que l'on me refusaient il y a trois décennies. C'est merveilleux. J'aime mieux ça que de les avoir après ma mort ! (rires)
Propos recueillis par Clément Cuyer le 29 novembre 2005
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