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    "Trois enterrements" : Tommy et Guillermo se confient

    L'acteur-réalisateur Tommy Lee Jones et le scénariste Guillermo Arriaga, tous deux récompensés au Festival de Cannes, se sont livrés à quelques confidences sur le crépusculaire "Trois enterrements", en salles ce 23 novembre. Morceaux choisis...

    Repartis de ce dernier Festival de Cannes avec deux récompenses - le Prix d'interprétation masculine et le Prix du scénario -, l'acteur Tommy Lee Jones, qui signe ici son premier film de cinéma en tant que réalisateur, et le talentueux scénariste Guillermo Arriaga ont refait le déplacement à Paris pour la promotion-marathon de Trois enterrements, un subtil mélange d'intrigue policière et de quête initiatique. Rencontre avec deux personnalités à la croisée des cultures américaine et mexicaine.

    AlloCiné : Parlez-nous de votre rencontre...

    Tommy Lee Jones : Quelque temps après la sortie d'Amours chiennes, j'ai vu le film et j'en ai discuté avec Michael Fitzgerald, qui est par la suite devenu le producteur de Trois enterrements. Je lui ai dit tout le bien que je pensais du scénario que je trouvais très humain. Michael m'a alors proposé d'appeler son auteur, Guillermo, mais je lui ai dit que ça ne se faisait pas. Il a alors pris son téléphone, a appelé Guillermo et a convenu avec lui d'un rendez-vous. Nous nous sommes rencontrés quelques jours après à l'occasion d'un dîner dans ma maison à Los Angeles. C'était très amusant, il y avait Michael Fitzgerald et sa femme, Guillermo et son épouse ainsi qu'Alejandro González Inárritu et sa compagne. Nous avons plaisanté, parlé de politique, de cinéma, des enfants. A la suite de ça, nous avons découvert que nous partagions pas mal de choses en commun, nous sommes devenus amis, avec l'idée ensuite de collaborer sur un film.

    Votre film aborde notamment la question de l'immigration clandestine...

    T. L. J. : Le problème de l'immigration clandestine existe partout, que ce soit au Texas ou à Gibraltar. Je n'ai pas cherché à faire un film didactique, qui enseigne quelque chose. C'est juste une invitation particulièrement élégante à la réflexion, mais on ne peut pas obliger le public à réfléchir de telle ou telle manière. Ce film n'a pas d'autre but que de faire sortir les gens de chez eux et de les inviter à passer un bon moment. Il n'est pas porteur d'un message politique.

    Vous rendez également hommage à la terre de vos origines, le Texas, qui constitue un personnage à part entière dans votre film...

    T. L. J. : Le Texas est un pays délicat qui exige le respect. On peut facilement lui faire du mal, mais en retour on peut facilement s'y blesser. Il y a toujours quelque chose pour vous piquer, vous mordre, vous érafler.

    Guillermo Arriaga : C'est un pays magnifique qui vous absorbe complètement, c'est impossible d'échapper à son influence. il définit votre personnalité quand vous y vivez.

    Pour quelles raisons avez-vous choisi le nom de "Melquiades" ?

    T. L. J. : Il y a trois raisons. Premièrement, Guillermo avait un vieil ami qui s'appelait ainsi. Deuxièmement, ma femme a un oncle qui s'appelle également Melquiades. Et troisièmement, c'est un nom quasiment impossible à prononcer pour une personne anglophone : "Melqui, Melque, Melquiadis, Melquia quoi ?"

    Quel a été le plus gros défi dans l'écriture du scénario ?

    G. A. : L'un des challenges du film était de rester authentique, de préserver l'humanité et les contradictions des personnages et d'éviter tout manichéisme. Je souhaitais écrire une histoire d'amitié dont les protagonistes étaient de cultures différentes. Il fallait que toute la gamme d'émotions humaines soit présente chez chacun d'eux : le bonheur, la joie, la tristesse, la solitude.

    Vous nous faites découvrir les talents d'un acteur sous-employé au cinéma, Barry Pepper. Pouvez-vous nous en parler ? Etait-ce votre choix premier pour le rôle de Mike Norton ?

    T. L. J. : Trouver un acteur pour ce rôle n'a pas été chose facile. Il fallait qu'il soit capable de comprendre le personnage et de faire physiquement ce qu'on lui demandait de faire. Avec Pierre-Ange Le Pogam et Luc Besson, on est donc parti d'une liste d'une centaine de comédiens dits "bankables" qu'on a réduite en prenant compte de nombreux critères comme la disponibilité et le côté bon marché. J'aurais aimé choisir mon ami Morgan Freeman, mais l'acteur en question devait avoir moins de 50 ans et ne pas être noir. Jackie Chan figurait dans cette liste, mais il ne correspondait pas non plus au rôle (rires). Nous avons finalement eu la chance de tomber sur Barry Pepper, encore trop méconnu. Il a donné dans ce film la meilleure prestation de sa carrière, je crois. Il a travaillé tous les jours très dur, tant intellectuellement, émotionnellement que physiquement. Et pour pas grand chose, simplement par amour du film, pour ce qu'il faisait.

    Guillermo, comment définiriez-vous Tommy en tant que cinéaste ?

    G. A. : C'est un excellent réalisateur, très précis dans son travail. Il se soucie de tous les aspects du film, que ce soit des acteurs, du scénario, des optiques ou encore du cadrage. Il sait vous mettre à l'aise dans les scènes. J'ai moi-même tourné une séquence avec Tommy, il m'a dit avoir l'impression d'avoir en face de lui un vrai cow-boy texan.

    Certains metteurs en scène avec qui vous avez collaboré vous ont-ils inspiré dans la réalisation de ce film ? Je pense notamment à Clint Eastwood...

    T. L. J. : Les cinéastes avec qui j'ai travaillé ont beaucoup contribué à mon apprentissage dans le domaine de la réalisation. J'ai été très attentif à ce qu'ils faisaient de bien pour essayer d'en faire de même. J'ai également vu ce qui clochait dans leur travail pour ne pas reproduire les mêmes erreurs. Je n'ai pas tenté de travailler comme le fait Clint Eastwood. Ce que j'apprécie beaucoup chez lui, c'est qu'il veut que tout le monde soit bien préparé avant de tourner une scène, il ne prend pas la caméra pour chercher le plan mais pour le filmer. Si Clint ne procédait pas de cette façon, c'est comme ça que je ferais.

    Vous avez une manière très "poétique" de diriger vos acteurs...

    T. L. J. : De temps en temps, je recommandais aux acteurs de lire tel ou tel livre, comme les nouvelles de Flannery O'Connor, L'Etranger d'Albert Camus ou encore L'Ecclésiaste [dans la Bible], pour élargir leur esprit et leur faire mieux comprendre leur personnage. Cette méthode a permis de rendre certains concepts tangibles, ce qui est en soit assez poétique.

    Revenons sur vos impressions à Cannes... Dans quel état d'esprit avez-vous abordé le Festival ? Qu'espériez-vous ?

    T. L. J. : Nous n'espérions pas remporter de prix. On ne s'attendait à rien, on voulait juste que les gens apprécient notre travail. On voulait aussi être sûr de ne pas trébucher sur une marche et de ne pas tomber de la Limousine. J'ai eu l'impression de revenir en enfance. Et puis, au bout de quelques jours, à force d'être entouré de caméras, de photographes, de gens célèbres, on sature.

    G. A. : Nous étions très honorés que le film soit sélectionné à Cannes. Nous étions très anxieux, mais l'une des plus belles récompenses reste l'accueil du public lors de la projection.

    T. L. J. : C'est le plus grand festival de cinéma du monde. Vous vous retrouvez face à un public de 3 000 personnes qui compte de nombreux professionnels et qui a une très grande faculté de discernement. Dans ce cas-là, on ne s'attend plus à rien, on espère juste de ne pas tomber dans l'embarras ou l'humiliation.

    Tommy, que représente à vos yeux ce Prix d'interprétation masculine par comparaison à votre Oscar du Meilleur second rôle masculin pour "Le Fugitif" ?

    T. L. J. : Je n'ai pas pour habitude de comparer les prix. C'est impossible de leur donner une note sur une échelle de 1 à 10. Mais ces récompenses constituent un grand honneur pour un comédien comme moi, et c'est aussi très bénéfique pour le film.

    Propos recueillis par Guillaume Martin le mardi 15 novembre 2005

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