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    "Hair High" : rencontre avec Bill Plympton

    "Hair High", le nouvel opus de Bill Plympton, est un film d'animation délirant, à l'image de son créateur. Nous avons rencontré ce réalisateur hors du commun.

    Diriez-vous que votre film est un hommage à "Grease", "American Graffiti" et également aux teen movies ?

    Bill Plympton : Un peu oui. C'est surtout une histoire gothique située à la fin des années cinquante, bien que j'aime Carrie au bal du diable - je n'ai jamais vu Grease. En revanche, La Fureur de vivre a un peu influencé ce film. Mais en fait, l'histoire vient d'un rêve que j'ai fait. Il s'agissait d'une voiture au fond d'un lac, deux personnes étaient dans cette voiture. Leur corps se décomposaient, les insectes dévoraient leurs chairs. Je voulais donc que ce soit très gothique. Le contraste entre leur histoire d'amour et ce grotesque gothique et pauvre m'intéressait, je voulais voir si ça pouvait "coller" : peut-on être encore amoureux, même après la mort, même si on se décompose ?

    Et pour vous c'est un rêve ? Et non un cauchemar ?

    Ah... bonne question (rires). Je pense que c'est un cauchemar mais, parcequ'il sont amoureux, cela va au-delà d'un cauchemar, et cela devient quelque chose de romantique.

    Dans ce film, vous racontez une histoire d'amour mais vous avez bien évidemment gardé votre style, et peut-être vos obsessions. Apparemment vous aimez torturer vos personnages, jouer avec leur corps, déformer leur visage, leur nez... Pourquoi cela ?

    Mon style d'humour est visuel. Prendre un corps humain, et faire des choses bizarres avec est très amusant. Parce que tout le monde est obsédé par son propre corps, vous savez : on se regarde dans le miroir, on vérifie notre coiffure, on fait attention à notre poids. Donc faire prendre à un corps humain ces formes étranges, folles, surréalistes, est drôle. Je pense que je m'inspire de l'humour de Chaplin, Buster Keaton. Ils faisaient eux aussi des choses insensées avec leurs corps : voler dans les airs, glisser sur le sol, se prendre des coups à la tête. C'est vraiment de l'humour de base, cette sorte de violence faite au corps humain. Donc je m'inspire de cette idée, je l'exagère, je la pousse jusqu'à l'extrême. De plus, financièrement, je n'ai pas les moyens ou le temps de dessiner un panorama fantastique, avec énormément de personnages, des effets spéciaux... Pour moi, le corps humain est vraiment la chose la plus facile et la plus amusante à dessiner. C'est pourquoi je préfère me concentrer sur lui. Par exemple, dans le film, l'une des scènes les plus drôles, est celle où le méchant, Rod, arrache l'ongle d'un élève. C'est une si petite partie du corps humain... Et pourtant tout le monde était horrifié. C'est comme ça que je trouve mes meilleurs effets comiques. Des petites choses comme celles-là qui font tout de suite réagir fortement les gens. Certaines personnes m'ont même dit : "Oh, vous devez couper cette scène, c'est beaucoup trop violent". Mais c'est juste un ongle qu'on arrache ! (rires)

    Revenons à votre style. Vos dessins, habituellement, sont plutôt "bruts", presque sales parfois. Dans "Hair high" au contraire, les traits sont beaucoup plus lisses, travaillés. Lequel des deux styles, préférez-vous ?

    Pour vous dire la vérité, ce nouveau syle fut plus difficile à dessiner, parceque chaque ligne devait être parfaite. Alors que lorsque je fais des dessins un peu "brouillons", je vais beaucoup plus vite. Je n'ai pas à nettoyer, effacer. Donc je préfère le style "brut". Mais pour ce film, je voulais que ce soit plus beau, plus élégant. Cela correspond au design de la fin des années cinquante quand l'amour était la force la plus puissante. Je me suis également inspiré d'une chanson, Teen Angel, qui était très populaire à l'époque (un couple risquait sa vie pour récupérer la bague de la demoiselle, coincée dans la voiture, bloquée sur une voie ferrée). Je voulais que ce film ait cet esprit. Le style est également inspiré de la cour de Louis XIV. En effet, les héros du film Rod et Cherry sont le roi et la reine du lycée. Et leurs coupes de cheveux sont très travaillées, dans le style de Madame de Pompadour. Très rococo et sophistiquée.De même les fiacres à l'époque étaient recouverts d'or, très baroque. Et dans les années cinquante, les voitures étaient également très élégantes, le travail sur le chrome, les phares... Je voulais faire ce parallèle entre la royauté du 17e siècle et celle des années cinquante. C'est pourquoi j'ai choisi ce style, si propre, et je l'espère plus approprié.

    Selon une théorie freudienne, les hommes qui aiment particulièrement les poitrines (plutôt que les fesses) des femmes seraient plus affectueux, plus tendres (ce serait lié à un complexe d'Oedipe). Dans vos films, vous semblez adorer les poitrines : êtes vous d'accord avec cette théorie ?

    Eh bien... C'est le première fois que j'entends cette théorie. Il faudrait que j'y réfléchisse. Mais si j'étais marié, je pense que ma femme serait d'accord (rires). Je pense que c'est encore lié à mon enfance, durant les années cinquante. C'était l'époque des dimensions éxagérées, du rococo. Les femmes populaires à l'époque étaient Marilyn Monroe, Jayne Mansfield, Anita Ekberg, Brigitte Bardot... Elles étaient toutes très pulpeuses. J'étais très jeune et je me disais "Mon dieu, elles sont si sexy !". C'est la seule chose que je peux expliquer.

    Vous remarquerez que toutes les femmes que vous avez citées, sont blondes...

    Oui c'est vrai (rires). Les blondes sont bien. Mais je ne suis pas si difficile. Une femme n'a pas à être blonde pour m'attirer.

    Si Jeffrey Katzenberg de Dreamworks vous appelait pour travailler sur "Shrek 3" ou "Shrek 4", en vous précisant que vous seriez libre de faire tout ce que vous voulez. Accepteriez-vous cette proposition ?

    Je pense que oui. Hair high a été très coûteux et je me suis endetté pour le faire. J'ai beaucoup de factures à payer. Et ce serait agréable de gagner deux millions de dollars, ou plus, en travaillant pour un grand studio d'animation. De plus, ce serait bien d'avoir un film qui sorte avec une grosse distribution derrière. En Amérique, mes films ne bénéficient pas d'une telle structure. Il n'y a pas d'argent pour la publicité, le marketing. Donc travailler pour Dreamworks serait une bonne chose, parcequ'ils feraient voir le film à tout le monde. Donc pour répondre à votre question, je dirais : oui. Vous êtes étonnée ?

    Oui ! (Bill Plympton a refusé de travailler sur "Aladdin" parce qu'il n'aurait eu aucun droit de regard sur le résultat, ni aucune propriété sur ses idées)

    Non (rires). Je ne travaillerais pour eux que deux ans et ensuite je reviendrais à mes films. J'aurais un peu d'argent en poche et je pourrais réaliser un nouveau film.

    Que pensez-vous des films d'animation sortis récemment, comme "Les Indestructibles" par exemple ?

    J'aime beaucoup Les Indestructibles, c'est un film génial. Je n'aime pas tant que ça Shrek, ni Gang de requins. Mais j'adore Le Monde de Nemo. J'aime beaucoup les films Pixar en général. Ce sont vraiment de brillants artistes, on sent qu'ils adorent l'animation, et tout le processus de création.

    Avez-vous vu "Les Triplettes de Belleville" de Sylvain Chomet, qui semble très inspiré par votre travail ?

    Je suis heureux d'entendre ça. Je suis inspiré par son travail également. Il y a beaucoup de scènes dans Les Triplettes de Belleville qui me rendent jaloux : an particulier la scène à New York avec toutes les voitures, j'étais très impressionné. Et ces grands bateaux qui naviguent sur l'océan. C'est très beau.

    Vous pourriez peut-être travailler ensemble ?

    Non (rires). J'ai mon propre univers, sexy et violent. Lui, est plus poétique, et il a ses propres films à faire.

    Beaucoup de gens ont du mal à prononcer votre nom de famille, alors pourquoi choisir ce titre, "Hair High", qui peut être difficile à prononcer. Est-ce une provocation, une blague ou juste une référence à la coupe de cheveux de vos personnages ?

    Vous devriez demander à mes distributeurs français. Ils voulaient trouver un autre titre, mais ce fut plus difficile à dire qu'à faire ! Mais en anglais, il y a trois significations à ce titre. Le premier sens est effectivement lié aux cheveux des personnages. Le deuxième est pour High School, l'histoire se déroulant dans un lycée américain. Et le troisième sens est pour le mot "high" qui désigne l'état où l'on se trouve après avoir fumé un joint. Trois sens possible, c'est pour cela que j'ai choisi ce titre.

    Propos recueillis par Louisa Amara

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