Avec Maria, pleine de grâce, en salles ce mercredi 8 décembre, le jeune réalisateur Joshua Marston a frappé un grand coup. Son évocation du parcours de Maria, une jeune "mule" colombienne qui ingère de la drogue pour la faire passer aux Etats-Unis, a remporté récompense sur récompense dans les festivals internationaux. Grand Prix à Deauville, Prix d'interprétation féminine à Berlin pour Catalina Sandino Moreno, Prix du public à Sundance : Maria, pleine de grâce a séduit son auditoire aux quatre coins du globe. AlloCiné a interrogé Joshua Marston pour en savoir plus sur ce premier film très remarqué.
AlloCiné : Comment t'es venue l'idée d'un premier long-métrage ayant pour cadre le parcours d'une "mule" ?
Joshua Marston : C'est en rencontrant par hasard l'une de ces femmes, une Colombienne, que j'ai eu envie de traiter ce sujet. Quand j'ai discuté avec elle à New-York et qu'elle m'a raconté cette expérience incroyable, j'étais soufflé. Quand tu y penses, c'est vraiment quelque chose de terrible à vivre. C'était un sujet d'une puissance absolue pour moi, qui me touchait beaucoup. J'ai écrit un premier scénario, puis l'ai modifié sans cesse, pendant deux ans et demi, au fur et à mesure que mes recherches progressaient.
J'ai voulu parler de cet univers brutal, très sombre, tout en faisant un film qui donne de l'espoir. Mon but, outre l'évocation de l'univers des "mules", qui à lui seul est éloquent, était de parler d'une jeune fille qui se cherche, qui veut trouver dans la vie autre chose que ce que son quotidien, dans son petit village de Colombie, lui offre. Je ne voulais surtout pas faire de Maria une victime. Je voulais donner d'elle l'image d'une fille qui agit, en bien ou en mal, mais qui agit. Quelqu'un en qui on peut s'identifier. Et, au travers d'une expérience douloureuse, mettre en images son parcours initiatique.
Comment as-tu préparé le film ? As-tu rencontré des "mules" ?
J'ai rencontré des dizaines de "mules", notamment dans des prisons, aux Etats-Unis et en Amérique du Sud. Elles me racontaient leur quotidien en tant que "mules", bien sûr, mais également leur vie antérieure, le contexte précédant la décision d'accepter cette expérience traumatisante. Pour accepter d'être une "mule", avec ce que cela représente de dangers, de risques, il faut être dans une situation très difficile, il y a des raisons particulières. C'est ce qu'elles ont tenté de me faire comprendre et que j'ai essayé de traduire dans le film. J'ai ensuite fréquenté la communauté colombienne de New-York et passé du temps en compagnie des inspecteurs de la douane new-yorkaise, pour avoir un double point de vue.
Qu'est-ce qui t'as le plus touché chez ces femmes ?
Plus que tout, je crois que c'est le désespoir. Ces personnes que j'ai rencontrées, j'ai senti leur détresse, leur besoin de se confier à moi. Elles sentaient qu'elles avaient fait quelque chose de peu ordinaire, quelque chose de répréhensible mais qu'elles se sentaient dans l'obligation de faire à ce moment-là. Je ressentais une grande responsabilité, il fallait que je sois le plus fidèle possible à l'histoire que ces femmes me racontaient. Par mon biais, j'avais l'impression qu'elles se libéraient d'un poids. Mais au final, je le répète, je n'ai pas seulement voulu montrer leur désespoir. Il était important de faire un film organique qui montre avec beaucoup de réalisme ce que c'est d'être une "mule", mais qui y oppose également une touche d'espoir qui peut vous sauver, même dans les moments les plus difficiles. Une touche de grâce.
Propos recueillis par Clément Cuyer