David Belle, le brun, est le créateur du "Parcours", un art du mouvement urbain qu'il a développé avec les Yamakasi. Il fait dans Banlieue 13 ses grands débuts au cinéma après quelques petits rôles, chez Brian De Palma notamment. Cyril Raffaelli, le blond, est un "vieux de la vieille" : expert en arts martiaux, cascadeur, chorégraphe, il a été des aventures Dobermann, Jeanne d'Arc, Astérix et Obélix : mission Cléopâtre, Le Pacte des loups ou Les Rivières pourpres 2. Réunis par Luc Besson, ils deviennent rapidement ami et concrétisent cette complicité avec Banlieue 13 où ils campent les deux rôles principaux tout en assurant des cascades périlleuses souvent tournées sans sécurité. Rencontre avec deux acrobates des banlieues dont on n'a sans doute pas fini d'entendre parler...
AlloCiné : ce premier "premier rôle au cinéma", c'était une étape logique dans votre parcours ?
Cyril Raffaelli : Pour moi, oui. Je suis parti de tout en bas et j'ai gravi les échelons petit à petit puisque j'ai commencé comme cascadeur, ensuite doublure, chorégraphe puis régleur cascades, avant de m'essayer à quelques petits rôles. Inévitablement, la prochaine étape était un rôle conséquent.
David Belle : Je prends ça comme une opportunité plutôt qu'une véritable vocation. Bien sûr, plus jeune, j'avais envie d'être Indiana Jones... Mais le cinéma est un peu arrivé par hasard dans ma vie. Beaucoup de gens de mon entourage me disaient que ce que je faisais en terme de cascades pourrait être transposé dans un film, mais ce n'est pas parce que tu sautes un mur que tu es acteur... Après, et je pense que ça rejoint un peu ce que disais Cyril, quand on ne connaît pas quelque chose, le mieux est de s'y confronter. Je me suis donc dit que je n'avais rien à perdre : si ça marche tant mieux, sinon je prends une autre route.
Mais vous aviez forcément une envie de comédie...
David Belle : Bien sûr. J'étais attiré par le fait de s'extérioriser, parce que dans ma discipline, que je pratique depuis quinze ans, il n'y a pas besoin de parler, c'est uniquement physique. On est très renfermé, on garde tout en soi. Et là, on me demandait de tout sortir...
Cyril Raffaelli : Pour ma part, j'ai tellement fait de cascades et de scènes d'action qu'il me manquait vraiment un truc. Je pouvais effectivement avoir fait des scènes très connues de Taxi ou Les Rivières pourpres 2, on ne me voyait pas forcément : j'intervenais au moment où on ne voyait plus l'acteur et je disparaissais quand on le revoyait. Et là on me donnait l'opportunité de palier à ce manque : plus personne n'intervenait, et je faisais l'avant, le pendant et l'après de l'action. Quand on le vit enfin, c'est une sacrée réjouissance.
C'est Luc Besson qui a organisé votre rencontre. Et à l'écran, on sent une vraie alchimie entre vous...
Cyril Raffaelli : En ce qui me concerne, c'était presque inespéré de rencontrer quelqu'un comme David. J'étais arrivé à un niveau dans mon domaine où plus grand monde n'arrivait à me suivre. Je ne dis pas ça par prétention, mais quand on est seul à répéter, qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il fasse nuit noire, vous êtes seul. Quand j'appelais les copains, il n'y avait plus personne... (Rires) Quand j'ai rencontré David, j'ai trouvé mon double dans un autre domaine en quelque sorte. Je ne voyais pas le film sans cette amitié. Je pense que j'aurais eu du mal à mettre en place les chorégraphies sans le connaître aussi bien : je savais ce qu'il voulait et ce qu'il aurait envie de montrer.
Justement, vous êtes chacun expert dans un domaine bien particulier, donc comment vous êtes-vous partagés le travail sur les séquences d'action ?
David Belle : Sur certaines choses, c'était indispensable que je travaille avec Cyril parce qu'il a une vision cinématographique et sait dans quelle scène placer tel ou tel mouvement. Je sais m'adapter, mais j'avais trop l'habitude de travailler pour moi et moi seul et il me manquait ce regard de cinéma sur l'action.
Cyril Raffaelli : C'est un peu normal, car je viens du cinéma. Quand j'ai vu David, c'est quelqu'un qui était à fond dans son truc et qui ne le faisait pas pour le cinéma : parfois il me montrait un mouvement qu'il sentait bien et qu'il souhaitait placer dans le film, mais ça ne marchait pas " visuellement " parlant. Et à partir de là, on modifiait ensemble les mouvements pour les rendre plus visuels. Je pense par exemple à la scène où il doit se faufiler dans une toute petite lucarne au dessus de la porte. Au départ, il avait peur de ne pas pouvoir passer, mais nous avons répété avec des tendeurs qu'on rapprochait petit à petit pour rétrécir le passage, et ça a très bien marché. C'est le genre de choses que David n'avait pas l'habitude de faire parce que dans sa discipline, le but est d'aller le plus vite possible d'un point A à un point B, et pas par quarante chemins : sur cette scène, je lui demandait une cascade qui n'est pas la plus rapide à faire, mais qui est vraiment efficace à l'écran.
Propos recueillis par Yoann Sardet - Montage : Nicolas Chazot