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    "Street dancers" : le meilleur film hip-hop ?

    Rencontre avec Sidney, figure emblématique et pionnière de la culture hip-hop en France et ambassadeur de l'explosif "Street dancers", en salles ce 2 juin.

    Souvenez-vous. C'était en 1984. "Hip Hop", la première émission de rap au monde, présentée par Sidney, le premier animateur noir en France, voyait le jour sur le petit écran. L'émission devient rapidement culte pour toute une génération. Vingt ans après, à l'occasion de la sortie de Street dancers ce 2 juin, Sidney, l'Ambassadeur et porte-parole du film, a longuement répondu aux questions d'AlloCiné. Rencontre.

    AlloCiné : Sidney, pourquoi avoir choisi de soutenir "Street dancers" ?

    Sidney : Tout d'abord parce que c'est un film qui défend bien la culture hip hop. Il exprime bien le fait que le hip hop est plus que présent -et non pas omniprésent- dans tous les milieux et classes sociales. Il représente aussi ce que je vit actuellement en tant que présentateur de Battles (défis de danse)... Donc ce film est un peu mon actualité. J'ai accepté parce que cela fait non seulement la promotion du film, mais aussi pour promouvoir les Battles. J'avais ainsi organisé et présenté la coupe du monde de hip hop au Zénith et la coupe de France en 2003 : en ce sens, ce film relance ce processus et représente pour l'année 2004 le fer de lance de la culture hip hop.

    Pour "Street dancers", vous faites allusion à "une bande sonore plus puissante que jamais". Pourriez-vous préciser pour les oreilles novices ce que vous entendez par là ? Faites-vous allusion au groupe B2K ou à Lil'Kim ?

    Pas vraiment. Ni à B2K ni à Lil'Kim. Parce qu'on les connaît, ce sont des acteurs, des chanteurs. C'est surtout pour la bande-son, qui est faite par des DJs connus : des gens comme Tim Baland sont vraiment les producteurs actuels du gros son hip hop, ils font un carton aux Etats-Unis et vendent des milliers de disques. Cela créé une bande-son très actuelle, très futuriste aussi pour les sons à venir et pour la danse, parce qu'on ne peut pas danser sans avoir quelque chose de puissant. On entend ainsi les titres que les DJ passent habituellement dans les boîtes de nuit et dans les Battles : avec ce film, on est vraiment dans l'actualité, pas dans une sorte de réalité virtuelle.

    Lorsque vous évoquez la danse, vous faites aussi allusion au travail chorégraphique de Dave Scott, à la fois à l'écran mais aussi sur scène?

    Ah oui ! Comme je le dit souvent, les chorégraphies sont vraiment Funky Fresh ! (rires). C'est vraiment très nouveau. Les jeunes qui aiment le hip hop iront peut-être voir le film plusieurs fois parce qu'il y a vraiment de nouveaux pas de danse. C'est un mouvement en pleine créativité. Le réalisateur Christopher B. Stokes a vraiment su filmer ce nouveau style que l'on appelle New Style hip hop. Ca donne la pêche grave ! (rires) Entre la bande-son et les effets, c'est mortel !

    Les B2K se sont formés tous seuls, ils ont appris à danser dans la rue...

    Effectivement, on apprend à danser le hip hop dans la rue, par soi-même. J'ai moi-même appris à danser avec des copains. Le hip hop est quelques chose de très interactif... C'est ce qui fait sa force d'ailleurs, parce que chaque street dancer apprend seul ses pas de base et crée son propre style en y mettant sa propre personnalité. Dans le hip hop, il doit y avoir la même énergie, la même synchronisation pour tout le monde, mais chacun son style. C'est ça qui est fort.

    En quoi considérez vous ce film comme le "miroir de la danse hip hop" ? Il existe pourtant beaucoup de films sur le sujet réalisés dans les années 1980, comme "Wild Style" qui est devenu un classique depuis...

    Je trouve que l'on n'a pas assez eu de films sur le hip hop. On a effectivement eu les prémices de la culture hip hop avec Wildstyle, Beat Street ou Breakin'84. On a aussi eu beaucoup de clips, ce qui est effectivement très porteur. Pour ce qui est de la danse, il n'y a quand même pas vraiment eu beaucoup de films. Street dancers est donc pour moi LE film des années 2000. Il y a bien sûr eu Le Défi en France de Blanca Li, et il faut aussi rendre hommage à tous ceux qui font du cinéma sur la danse... Mais actuellement, il n'y a plus rien eu d'autre. Il y en a beaucoup qui me disent: "Tiens, le hip hop , c'est quoi ? Ca marche encore ça ? Qu'est-ce que c'est devenu ?" Street dancers leur montrera que le hip hop est encore bel et bien présent.

    Justement, vous parlez de clichés, d'aspects parfois mal compris que l'on peut avoir sur l'attitude "B.Boys". Quels sont-ils ?

    Le cliché qui nous embête le plus, ce sont ceux qui disent : B.Boys = Bad Boys, parce qu'on pense que ce sont des mecs qui sont dans la rue. Alors que ça n'a rien à voir. B.Boys, ça veux dire Breaker Boy, quelqu'un qui danse sur une boucle musicale que l'on appelle un Break. On entend aussi : "Oui, dans la banlieue, ils ont cassé, ce sont des zoulous". Il n'y a pas de mauvais zoulous. Les gens qui font parti de ce consortium qu'est la "Universal Zoulou Nation" créé par AFRIKA BAMBAATAA en 1973 -dont je fais parti- véhiculent un message positif de la culture de la rue : le respect, la non violence... Quelqu'un qui se prétend zoulou, c'est quelqu'un qui est Peace and Love, qui respecte son prochain, et même en principe qui ne fume pas et ne boit pas. Cela fait partie des codes de la "Zoulou Nation".

    Les grosses maisons de productions n'ont-elles pas aussi contribué à véhiculer cette notion d'agressivité, notamment à travers le "nasty marketing" qu'elles ont beaucoup développé ces dernières années ?

    Pas vraiment. A partir du moment où l'on parle de Nasty Marketing, ou de Gangsta rap ou de choses comme ça -surtout pour les labels de rap-, ils ne véhiculent pas vraiment une image de rap. Ils dénoncent des choses agressivement. Effectivement, il y a des groupes qui se prétendent d'abord et avant tout agressifs et virulents. Cela fait parti du gestuel, du comportement sur scène de donner une certaine pêche, parce qu'ils ont un texte à faire "avaler". Si le texte possède un caractère social ou politique, il faut que ce soit percutant. Ils ont donc aussi besoin d'avoir une musique qui rentre dans le vif du sujet.

    Vous avez évoqué "Le Défi". Est-ce pour vous un essai transformé, ou bien LE film français sur le hip hop reste-t-il encore à faire ?

    Il y a toujours à faire. Je pense que ce n'est qu'un début. Beaucoup de choses ont déjà été faites, notamment des documentaires. Il manque encore dans le monde du hip hop des réalisateurs de films sur la danse hip hop. Même si cette culture est encore jeune, il y a un vrai public pour ça. En France, on est toujours timide pour faire un vrai film sur la danse hip hop, et il y a malheureusement encore une vraie frilosité. C'est tout le problème en France, je ne cesse de le dire : on ne cesse de nous mettre de côté, on n'ose pas faire les choses parce que ç'est le hip hop et que ça vient donc de la banlieue. On se masque le visage, comme à l'époque du rock'n'roll où l'on disait que les chanteurs étaient des casseurs. Pour le hip hop c'est la même chose, sauf que ça fait un moment que cela dure. Il faut arrêter : tout le monde est touché par la culture hip hop, de près ou de loin, même s'ils ne veulent pas se l'avouer... (rires)

    Cela fait maintenant un peu plus de vingt ans que la culture hip hop est enracinée en France. Quel est votre sentiment sur l'évolution de ce phénomène culturel ?

    J'ai toujours été très optimiste. Les Battles et le rap évoluent. Il faut d'ailleurs que les groupes de rap travaillent encore davantage car il y a des choses perfectibles, comme dans toute chose. Je suis encore plus heureux du hip hop d'aujourd'hui que celui d'il y a vingt ans. Déjà parce que la génération d'aujourd'hui m'appelle encore pour présenter des Battles : ils me considèrent comme une référence et c'est un honneur pour moi. Je suis l'un de leurs portes-paroles, parce qu'ils me renvoient cette considération. Il y a vingt ans, on ne pensait même pas que ce phénomène culturel durerait ! Je fais vraiment partie de cette famille.

    Propos recueillis par Olivier Pallaruelo

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