Il y a trois ans, c'était un "anonyme" à Hollywood. Depuis le triomphe mondial de la trilogie du Seigneur des anneaux, c'est une star planétaire. Cette gloire soudaine allait-elle changer Viggo Mortensen ? Loin de là. D'une simplicité et d'une humilité désarmantes, l'interprète du preux Aragorn nous reçoit en chaussettes, portant sous le bras un choix de publications dont il est l'auteur pour nous les offrir. Grand seigneur. Posé, réfléchi, engagé, Viggo Mortensen parle, pour la première depuis trois ans, d'un nouveau personnage, le cavalier Frank Hopkins, héros de Hidalgo (en salles ce 24 mars). Dans cette aventure épique et hippique signée Joe Johnston, il s'engage avec sa monture dans une course légendaire dans les contrées désertiques du Moyen-Orient, et se confronte à un autre monde. L'occasion pour le comédien de quitter la Terre du Milieu, de donner la réplique au grand Omar Sharif, et de répondre aux questions des internautes que nous avons pu lui soumettre...
"Hidalgo" est-il selon vous un film-charnière dans votre carrière, dans le sens où tout le monde vous attend après le triomphe du "Seigneur des anneaux" ? (question de slakouze)
Viggo Mortensen : Je pense simplement que c'est une bonne histoire. Maintenant, je comprends ce que vous voulez dire en terme de carrière, mais je n'ai jamais pensé et planifié de la sorte. J'essaye simplement de trouver des histoires intéressantes ou de les aider à me trouver. J'ai un tout petit peu plus de choix maintenant, et je n'aurais certainement pas obtenu le rôle de Frank Hopkins si La Communauté de l'anneau n'avait pas connu un tel succès (Viggo Mortensen a obtenu le rôle principal d'Hidalgo eu après la sortie du premier volet de la saga de Peter Jackson, NDLR). Cela m'a donné, ainsi qu'aux autres membres de la trilogie, plus d'opportunités.
Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce rôle ? (question de Shinji-ham, dreyd, novinous, JAMESDOMB, dalawyn, Azariel, Audd_03 et viggomaniacs)
Ayant désormais cette possibilité de choisir, j'ai réfléchi à ce que je souhaitais vraiment faire, surtout vis à vis d'un gros film de studio comme Hidalgo. Son message et son sens m'importaient beaucoup. J'ai beaucoup aimé le fait que ce soit un film populaire raconté "à l'ancienne". L'histoire témoigne également un véritable respect vis à vis du public, dans le sens où elle lui permet de trouver ‘autre chose' qui n'est pas forcément donné de façon évidente : le film vous montre comment les gens, peu importe leur point de vue et leur culture, peuvent vivre ensemble et ont au final plus en commun que ce qu'ils pensaient. Ce sont des thèmes intéressants pour un film potentiellement vu par des millions de gens alors qu'un documentaire autour de la culture indienne ou arabe, ou autour des chevaux, serait très peu vu au final.
C'est également l'occasion pour le public outre-Atlantique de voir une figure archétypale américaine comme le cow-boy voyager vers un pays du Tiers-Monde. Quand on regarde ce qui a pu arriver en Irak depuis que nous avons terminé le film, c'est particulièrement intéressant de voir un cow-boy américain se rendre dans cette partie du monde sur invitation et d'y agir de manière respectueuse, s'occupant de ses propres affaires tout en restant curieux et ouvert aux choses qu'il ignore : c'est un changement notable, surtout de la part d'un film de studio.
Parlez-nous de votre relation avec votre cheval dans "Hidalgo" : était-ce le même genre de relation qu'avec Brego dans "Le Seigneur des anneaux" ? (question de dalawyn, mallorn et flodog)
Un gentleman qui ne dit jamais un mot plus haut que l'autre ! (rires) Tout comme les hommes, les chevaux sont tous différents... Des deux chevaux que j'ai monté en Nouvelle-Zélande sur Le Seigneur des anneaux, l'un était très sociable et se laissait faire, alors que l'autre –celui avec lequel j'ai le plus tourné- était beaucoup plus farouche et ne laissait pas beaucoup les gens l'approcher, ni même les autres chevaux. Mais nous avons appris au final à nous connaître et nous respecter. Le cheval de Hidalgo ne pouvait pas être plus calme. Il se fichait pas mal de tout ce qui se passait autour de lui. Qu'un étalon se comporte ainsi était vraiment parfait pour tourner... Il était également très intelligent : tout ce que vous voyez de lui dans le film découle de véritables réactions à notre relation. Il était véritablement à l'écoute et cela arrivait trop souvent pour que ce soient de simples coïncidences. Il faisait toujours des trucs appropriés à la scène, que ce soient des regards ou des attitudes de jalousie, de colère ou d'ennui. C'était hilarant de le voir et parfait pour le film. Encore une fois, c'est comme avec les êtres humains : en tant qu'acteur, vous obtenez plus des autres si vous restez courtois et respectueux et que vous les laissez faire selon leurs envies.
Les paysages de Nouvelle-Zélande vous ont beaucoup inspiré par leur beauté et leur diversité durant le tournage du "Seigneur des Anneaux"... En est-il de même avec les paysages désertiques de "Hidalgo" ? (question de Barbara70)
(Viggo Mortensen saisit son ouvrage The Horse Is Good -recueil de photos prises durant le tournage de Hidalgo- pour illustrer son propos) Donc... hum... comme vous pouvez le voir... oui... Voilà, c'était une réponse courte ! (rires) C'était magnifique là-bas. Comme en Nouvelle-Zélande, peu importe les difficultés que vous rencontrez, que ce soient des tempêtes de sable ou de neige comme nous en avons essuyé dans le Dakota du Sud. C'était tellement beau et intéressant d'être là. Il n'y avait pas de quoi se plaindre, mais beaucoup à enregistrer, à écrire ou à photographier...
Depuis le succès du "Seigneur des anneaux", est-il désormais plus facile pour vous d'obtenir un rôle ? De manière plus générale, comment vivez-vous cette nouvelle notoriété ? (question de Silmaril, steph610, fanmortensen et Raiven)
J'ai obtenu ce rôle grâce au succès de La Communauté de l'anneau, donc je dirais oui. Après, si le film marche bien et que les gens l'apprécient, cela dépend de la façon dont vous utilisez cette notoriété... Par exemple, j'ai pu vendre plus de livres et apporter plus de soutien à d'autres artistes, poètes et photographes, à différents causes et institutions... Mais c'est parfois étrange de se balader et de voir que des gens vous suivent ou prennent votre photo. C'est un peu bizarre, mais en même temps je me dis que d'ici deux ou trois ans, on sera passé à quelqu'un d'autre... Parfois, c'est fatigant : la dernière fois que je suis venu en France, j'étais avec des amis et j'étais très fatigué car nous changions de pays tous les jours, et les gens étaient tout autour de nous et je crois que c'est la seule fois où toute cette attention m'a pesé. Mais en même temps, cela signifie que nous avons crée un lien avec les gens.
Pensez-vous aujourd'hui que certains producteurs puissent hésiter à vous confier des rôles au regard de votre engagement politique et pacifiste ? (question de lamadrilene et El_Tocardo)
C'est possible... Vous savez, la vie est courte et la raison pour laquelle je prends des photos, j'écris ou je peints est autant pour capturer quelque chose que pour prêter attention au monde et me poser des questions sur ce qui m'entoure. Une vie informée est plus positive selon moi qu'une existence où vous vous asseyez devant votre télévision en croyant tout ce qui en sort. La réponse courte serait que je ne pense pas vraiment à ce genre de choses...
Propos recueillis par Yoann Sardet - Montage : Michel Weinstein