Ne dites pas à Jonathan Breck qu'il est un "suit performer" (endosseur de costumes), il risquerait d'être déçu. Jonathan Breck se voit avant tout comme un acteur classique, et jamais il n'aurait imaginé devenir célèbre dans un costume de monstre en latex, celui du Creeper de la saga Jeepers Creepers en l'occurence. Alors que Jeepers Creepers 2 vient de sortir en salles, il confie pour AlloCiné ses sentiments sur cette expérience douce-amère aux limites de l'endurance physique...
AlloCiné : Votre séance de casting pour le premier Jeepers Creepers est devenue une légende hollywoodienne...
Jonathan Breck : Vous voulez parler de la façon dont je me suis mis dans la peau du monstre pour humer mes victimes ? (sourire) Quand j'ai reçu l'appel de mon agent pour le casting de Jeepers Creepers, j'ai eu quelques jours pour réfléchir au rôle. J'ai tellement pris ça au sérieux que j'ai même fait des rêves du Creeper. Je me suis finalement dit que ce qui faisait la spécificité de la créature, c'était son soin à choisir ses victimes. Il n'y a qu'une chose qui compte dans son existence : trouver de nouvelles victimes et de nouveaux organes. Je l'ai donc envisagé à la fois comme un fin gourmet et comme un puissant prédateur sexuel, même s'il n'a pas une sexualité comparable à la nôtre. Sa sexualité, c'est sa jouissance à choisir des organes humains. J'ai donc envisagé le rôle sous l'angle du désir ; une fois qu'il a trouvé l'organe parfait, il le désire à un point tel qu'il fera absolument tout pour l'avoir. Et rien ne pourra l'en empêcher.
Vous êtes donc entré dans la pièce de l'audition, et vous avez commencé à renifler les gens avec une expression d'absolue férocité sur le visage. Je crois que vous les avez pas mal effrayés...
C'est vrai ! (rires) C'est ce qu'ils ont dit en tout cas ! De plus, j'avais complètement rasé mes cheveux pour cette audition. Aux Etats-Unis, c'est considéré comme quelque chose de très courageux et de risqué, un vrai sacrifice, car il faut plusieurs mois avant de retrouver sa chevelure et le choix des rôles devient forcément limité. Mais je sentais très fortement que le personnage devait être chauve. C'était avant que j'apprenne que le personnage du Creeper serait en fait un monstre couvert de prothèses en latex... Je pensais qu'il aurait une apparence humaine et que je pourrais l'interpréter tel quel. Et je m'imaginais vraiment le Creeper chauve... Quand on ressent quelque chose aussi profondément en tant qu'acteur, il ne faut pas hésiter à suivre son instinct. J'ai donc rasé mon crâne, et je crois que cela a beaucoup déstabilisé l'équipe du film. Ils ne s'attendaient pas du tout à cela ; d'une certaine manière, quelqu'un d'autre est entré dans la pièce ce jour-là ; j'étais devenu le Creeper... Et ils étaient très effrayés, c'est vrai, ils ne savaient pas ce que j'allais faire une fois entré dans la pièce ! (rires) Victor Salva m'a dit que ce que j'ai fait était totalement inattendu.
Selon vous, le Creeper, même sous son apparence actuelle, possède encore des facettes humaines ?
Oui, absolument. Ses origines sont peut-être humaines... En l'observant bien, vous le verrez parfois éprouver des émotions humaines, même fugacement. Je le vois beaucoup plus comme un personnage proche de l'humain que comme une créature radicalement extra-terrestre.
Quand Victor vous a vu dans le costume du Creeper, il a été tellement enthousiasmé qu'il a tenu à donner plus de temps d'écran à la créature. Dans "Jeepers Creepers 2", vous en avez encore plus. J'imagine que le tournage a été un véritable parcours du combattant ?
Oui, ce tournage était une véritable torture. J'ai appris sur le premier film que lorsqu'on tourne 20 heures par jour dans un costume de latex, on en ressort complètement à plat. Au bout de deux mois d'un travail aussi épuisant, on s'écroule physiquement. Avant le deuxième film, je suis donc allé suivre un entraînement militaire très dur dans un camp de marines, à Venice Beach en Californie ! Je me suis levé tous les jours à 5 heures pour suivre cet entraînement intensif, pendant 2 mois. Cela m'a donné beaucoup d'endurance physique et psychologique pour le tournage. Cela m'a vraiment sauvé, car jamais je n'aurais pu faire ce tournage sans une telle préparation.
Quand vous avez appris que l'interprétation Creeper nécessiterait en fait le port d'une combinaison de latex, cela vous a-t-il en fait déstabilisé, effrayé ?
J'étais très déçu... Pour moi, c'était mon premier gros film hollywoodien. Je pensais que j'allais être la star du film, moi, Jonathan Breck, dans un film de Victor Salva produit par Francis Ford Coppola ! (sourire) Quand j'ai obtenu le rôle, j'ai exulté en me disant : "Je suis enfin récompensé de toutes ces années de dur travail !!!" Mais plus le tournage approchait, plus j'étais recouvert de latex, jusqu'à ce que l'apparence finale du Creeper fût mise au point. J'ai donc dû surmonter une forte déception... Mais maintenant, je n'éprouve plus aucun sentiment négatif. Car finalement, les choses ont ironiquement bien tourné pour moi. Vu le succès de la saga Jeepers Creepers, c'est peut-être mieux que je sois méconnaissable sous ce costume de latex. Si j'avais joué le monstre sous ma propre apparence, je serais désormais physiquement associé au Creeper, un peu comme Robert Englund l'est à Freddy. Mais moi, je veux avoir une carrière longue et diversifiée, je veux jouer dans des comédies, toutes sortes de films. Je détesterais être limité dans mes choix à cause de ce rôle. Par conséquent, je peux continuer à jouer dans d'autres Jeepers Creepers sans que cela déteigne sur mes ambitions d'acteur.
Propos recueillis par Robin Gatto et Yannis Polinacci