Un film émouvant et authentique
Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.
Lorsque le réalisateur Eran Riklis découvre en 2009 le roman autobiographique de Azar Nafisi, il a alors l’instinct qu’il y a matière à en tirer un film formidable. C’est en 2016 qu’il débute une correspondance sur Facebook avec l’autrice. Cet échange donne alors naissance à Lire Lolita à Téhéran, un film amplement politique et particulièrement émouvant.

Pour les costumes, les décors et la figuration, Eran Riklis s’est entouré d’experts iraniens afin de retranscrire au mieux le Téhéran des années 80 et 90. Lire Lolita à Téhéran présente donc un réalisme total : les dialogues, les bruits de la rue et la musique plongent le spectateur dans une ambiance aussi oppressante qu’authentique.
Golshifteh Farahani, libre et engagée
“Je n’ai fait aucune concession concernant l’authenticité du casting, affirme le cinéaste qui n’a sélectionné que des acteurs et actrices iraniens exilés. Golshifteh [Farahani] a une histoire très riche, elle a beaucoup souffert, et elle peut s’appuyer sur son passé. Elle a une intuition extraordinaire tout en étant un peu naïve (à moins que…) et elle m’a semblé correspondre parfaitement à Azar. Elle s’est aussitôt imposée dans le rôle à mes yeux.”
Nommée aux César dans la catégorie Meilleur espoir féminin pour son jeu dans Syngué Sabour - Pierre de patience, Golshifteh Farahani avait déjà collaboré avec Eran Riklis dans Le Dossier de Mona Lisa (2017). Mais c’est bien avant, en 2008, que l’actrice originaire de Téhéran se fait connaître à l'international. En effet, dans Mensonges d’Etat de Ridley Scott, elle campe le rôle de l’infirmière jordanienne Ashaï, aux côtés de Leonardo DiCaprio, faisant alors d’elle la première star iranienne à tourner dans une production américaine depuis la révolution islamique de 1979. À son retour dans son pays natal, après avoir été aperçue sans son voile lors de la promotion du film, le régime iranien lui interdit de quitter le territoire durant près de 6 mois. Cet événement la pousse à s'exiler en France, pays dans lequel elle réside aujourd’hui.

Voix emblématique de l’émancipation des femmes en Iran, le rôle d’Azar lui va naturellement à merveille. Libre et courageuse, elle incarne avec justesse et sensibilité cette enseignante qui jamais n’a cessé de lutter contre la dictature islamique. Pour jouer à ses côtés, le réalisateur a sélectionné des actrices tout aussi talentueuses telles que Zar Amir (Tatami), notamment lauréate du Prix d'interprétation féminine pour son rôle dans Les Nuits de Mashhad.
Un portrait de femmes intimiste et politique
Lire Lolita à Téhéran mêle subtilement relations humaines, enjeux politiques et planétaires. Dans ce microcosme marqué par la peur, l’espoir et l’amour permettent une forme de certitude dans un monde ébranlé et la littérature est une fenêtre ouverte vers d’autres possibles.
“Dans tous mes films, je tente de sonder les cœurs et les âmes des êtres à des moments de tension extrême, des moments décisifs, des moments de crise, d’inspiration – et, à chaque fois, dans un contexte de basculement social et politique.”, explique le réalisateur.

Intimiste, Lire Lolita à Téhéran se penche sur les visages creusés et fatigués de ces femmes et ces hommes qui sacrifient leur vie pour leur peuple et leur pays, mais aussi sur les liens affectifs et les amitiés sororales qui permettent de garder espoir.
Politique et touchant, Lire Lolita à Téhéran est un cri d’espoir sublimé par la littérature. Le film est à découvrir en salle dès maintenant.