Ça parle de quoi ?
Incarcéré à la prison de Sing Sing pour un crime qu’il n’a pas commis, Divine G se consacre corps et âme à l’atelier théâtre réservé aux détenus. À la surprise générale, l’un des caïds du pénitencier, Divine Eye, se présente aux auditions…
Être ou ne pas être émouvant
On ne vantera jamais assez les qualités de Colman Domingo, acteur capable de faire basculer une scène par sa seule présence. Souvent cantonné au second plan, sur grand comme sur petit écran, il fait partie de ces "character actors" (interprètes marquants que l'on voit rarement en haut de l'affiche) les plus aimés d'Hollywood.
De Fear the Walking Dead à Euphoria (qui a oublié cet épisode spécial, minimaliste mais poignant, face à Zendaya ?), en passant par Candyman, La Couleur pourpre ou Si Beale Street pouvait parler, il a fait sien l'art de voler les moments dans lesquels il apparaît.
Comme Bayard Rustin, sorti en novembre 2023 sur Netflix, Sing Sing échappe à la règle pour une simple et bonne raison : Colman Domingo en est l'acteur principal.
Dans le film réalisé par Greg Kwedar, il incarne donc un détenu, incarcéré pour un crime qu'il n'a pas commis, et qui se consacre à la réinsertion des siens par les arts, en supervisant l'atelier théâtre.
De ce processus prenant les avis et suggestions de tous les acteurs en compte naît une improbable comédie musicale sur fond de voyage dans le temps, "Breakin’ the Mummy’s Code", qui réunit aussi bien Peter Pan que Shakespeare... et qui a vraiment existé.
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C'est ce que révèle le générique de fin, qui vient ajouter un surplus d'émotion à un long métrage qui n'en manquait pas jusque-là.
Si vous aviez réussi à résister avant, les larmes devraient en effet couler pendant la séquence de la représentation, et reprendre pendant les crédits, face aux images d'archives du vrai spectacle. Et lorsque vous réalisez que la plupart des comédiens qui entourent Colman Domingo sont les vrais détenus de l'histoire, qui reprennent leurs rôles respectifs.
À commencer par l'inquiétant et finalement attachant Clarence 'Divine Eye' Maclin, tandis que le vrai John 'Divine G' Whitfield apparaît dans une scène face à son interprète à l'écran.
Si vous trouvez que Sing Sing (titre parfait, qui désigne aussi bien la prison qui sert de théâtre au récit que le côté musical de leur pièce) possède par moments des aspects documentaires, lors des auditions face caméra des détenus, ce qui n'est donc pas une coïncidence.
Comme dans Jockey de Clint Bentley, son co-auteur ici, Greg Kwedar mêle fiction et réalité dans ce huis-clos qui, s'il est porté par Colman Domingo et son charisme, parvient à mettre chaque détenu en avant, sans tomber dans le stéréotype. Ni jouer la carte de la dramatisation.
Être ou ne pas être nommé aux Oscars
Si l'on peut penser à Un triomphe d'Emmanuel Courcol (En fanfare), également inspiré d'une histoire vraie et qui voyait un acteur en difficulté (Kad Merad) se rendre en prison pour y animer un atelier de théâtre, il n'est pas question d'évasion dans Sing Sing. Un film plein d'espoir qui met l'humanisme sous le feu des projecteurs, non sans pointer du doigt l'injustice au cœur du système carcéral américain.
Passé avec succès par les festivals de Deauville, Toronto et SXSW (où il a reçu le Prix du Public), il débute comme un film indépendant américain classique, mais ne tombe pas dans ses pièges et clichés.
Outre sa sincérité et le talent de son acteur principal, nommé aux Oscars pour sa prestation et capable de nous coller les larmes aux yeux grâce à un regard ou un monologue, c'est aussi grâce à sa simplicité et sa justesse que Sing Sing nous touche en plein cœur.
Et nous rappelle que si on aime autant le cinéma, c'est aussi pour sa capacité à transcender les situations et rassembler des êtres que tout semble opposer.