Immense film testament de Sergio Leone, Il était une fois en Amérique fut malheureusement un cuisant échec commercial à sortie américaine, puisqu'il ne rapporta que 2,5 millions de dollars sur un budget colossal pour l'époque, de près de 40 millions.
En fait, cet échec commercial fut en grande partie dû à sa mutilation. Contractuellement, Leone était tenu auprès de Warner de livrer un montage ne dépassant pas les 2h45. Si le cinéaste caressait initialement l'idée de livrer un montage de 6h en deux parties, il livra finalement une version de 4h25. Le studio et le producteur du film, Arnon Milchan, furent horrifiés, et refusèrent naturellement ce montage.
"La version tronquée vide mon oeuvre de son âme"
De son propre chef, Sergio Leone coupa quelques scènes pour aboutir à ce qui deviendra plus tard la version européenne de 3 h 49, version qu'il ne pouvait se résoudre à réduire encore davantage sans que cela n'entrave la logique narrative. La Major et le producteur passèrent outre les souhaits de Leone, et rabotèrent le film jusqu'à une durée de 2h19 pour son exploitation américaine.
Le résultat, critique et commercial, fut un désastre. Non seulement le film fut réduit de moitié, mais tout fut replacé dans l'ordre chronologique, ce qui dénatura complètement l'oeuvre, car c'est aussi ce qui en faisait sa force. Leone en fut logiquement profondément déprimé, comme raconté dans l'ouvrage Conversation avec Sergio Leone de Noël Simsolo, (re)publié en 2024 aux éditions Capricci.
"je tiens à dire combien la version tronquée vide mon oeuvre de son âme. On en a fait un feuilleton de télévision de cent trente-cinq minutes. Tout y est platement chronologique : l’enfance, la jeunesse et la vieillesse. Il n’y a plus le temps. Il n’y a plus le mystère, le voyage, la fumerie et l’opium. C’est une aberration. Je ne peux pas accepter qu’on me dise que la version originale est trop longue. Elle a la durée exacte qu’elle doit avoir" raconte le cinéaste.
"Lui, il fait des films de deux heures qui ont l’air de durer quatre heures"
Ajoutant, et balançant au passage le coup de pied de l'âne au producteur italien Dino de Laurentiis : "Après la projection du Festival de Cannes, Dino De Laurentiis m’a dit que c’était magnifique, mais qu’il faudrait couper une bonne demi-heure. Je lui ai répondu qu’il était mal placé pour me dire cela. Parce que, lui, il fait des films de deux heures qui ont l’air de durer quatre heures, tandis que, moi, je fais des films de quatre heures qui paraissent en durer deux. C’est pourquoi Dino ne peut pas comprendre. J’ai ajouté que c’était la raison pour laquelle nous n’avons jamais pu travailler ensemble".
C'est en Europe, et particulièrement en France, qu'Il était une fois en Amérique fut exploité dès le début dans sa version de 3h49. Mais si les critiques furent pour le coup très élogieuses, le film n'attira que 1,5 millions de spectateurs. Très (très) loin derrière les 15 millions d'Il était une fois dans l'Ouest.
Si cette version de 229 min a été éditée en Blu-ray en 2014, celle-ci est devenue absolument hors de prix. Tout en rêvant à cette version de 4h20 (!) sur laquelle la Cinémathèque de Bologne avait annoncé travailler en 2011, on aimerait beaucoup que le chef-d'oeuvre de Leone sorte déjà en 4k dans nos contrées...