Immense comédien à la fabuleuse filmographie, ayant tourné avec les plus grands, Kirk Douglas a joué des personnages très souvent positifs, même si parfois ambiguës, il a aussi incarné beaucoup plus rarement des figures de salauds à l'écran, en tout cas bien moins sympathiques. Mais dans tous les cas des rôles tout aussi complexes et magnifiques. Une preuve éclatante avec le fabuleux Reptile, que diffuse France 3 ce 30 décembre à 14h30.
L'histoire ? Celle de Paris Pittman, manipulateur et grand charmeur, incarcéré à la prison fédérale d’Arizona pour vol à mains armées. Les 500 000 $ qu’il a cachés avant son arrestation, ainsi que le brillant plan qu’il a mis au point pour s’évader et récupérer son butin, sont pour beaucoup dans sa popularité auprès des autres détenus.
Le nouveau directeur de la prison, Woodward Lopeman (formidable Henry Fonda), a lui aussi des idées derrière la tête : le charisme de Pittman peut l’aider à rallier les détenus à sa cause en vue de réformer l’institution pénitentiaire. Seulement, leur collaboration a des limites. Chacun n’ayant d’autre but que d’assouvir ses propres intérêts…
Une merveilleuse fable picaresque, scatologique et anarchiste
Venant de l'auteur de classiques comme les raffinés L'Aventure de Mme Muir ou encore La Comtesse aux pieds nus, Le Reptile est une oeuvre totalement atypique dans la filmographie de Joseph L. Mankiewicz, et presque atypique tout court. Il livre avec ce film une fable picaresque, cynique, scatologique et anarchiste. Le film est aussi ancré dans une période où des bouleversements esthétiques majeurs s'opèrent au sein de l'industrie cinématographique américaine.
Le genre du western, jusque-là très codifié, subit de profondes mutations, notamment sous l'influence du western transalpin dont Sergio Leone reste l'un de ses meilleurs représentants, signant en 1969 ce qui est considéré comme le western italien définitif : Il était une fois dans l'Ouest.
La même année, la Horde sauvage de Sam Peckinpah constitue une première réponse au western italien, tout en sonnant aussi d'une certaine manière le glas d'un genre. En 1970, toujours dans le prolongement de ces bouleversements esthétiques, Willie Boy d'Abraham Polonsky relate le drame indien, tandis qu'un an après la sortie du Reptile, Robert Altman signe John McCabe, un anti-western.
Toutefois, contrairement à ses confrères, Joseph L. Mankiewicz ne souhaite pas donner à son film une teinte crépusculaire, mais souhaite mettre en exergue une fable sur la vilenie de la nature humaine, peuplée d'escrocs (c'est d'ailleurs le sens premier du titre en VO; "a crook" étant un escroc), où tous les coups (tordus) sont permis pour arriver à ses fins.
Et à ce petit jeu là, Kirk Douglas fait des merveilles, sans oublier une fin délicieusement amorale que nous tairons pour ne pas vous gâcher le film. Fabuleux.
Le Reptile, à voir (ou revoir !) ce 30 décembre sur France 3 à 14h30.