Il y a 81 ans, cette bande-annonce était révolutionnaire, et le film qu'elle présente est devenu un chef-d'œuvre
Corentin Palanchini
Du noir & blanc au Technicolor, du format 1:33 au 2:35, il a été initié au cinéma par Robert Mitchum, Bette Davis, Elizabeth Taylor, Henry Fonda, James Stewart, Katharine Hepburn... il se délecte de ces visages inoubliables, qu’il retrouve toujours avec bonheur.

Parmi les bandes-annonces les plus originales de l'histoire du cinéma, on peut compter celle du chef d'œuvre "Citizen Kane" d'Orson Welles.

En 1941, les bandes-annonces comprennent parfois la présence d'acteurs apparaissant dans leur propre rôle afin de vanter aux spectateurs des cinémas que leur prochain film est le meilleur jamais fait. Mais celle qui sort cette année-là pour Citizen Kane d'Orson Welles part de ce même principe pour créer le mystère.

La bande-annonce... d'un micro ?

RKO

En ouverture de cette longue bande-annonce de 3 minutes et 44 secondes (!), un micro est demandé, et surgit de l'extrémité d'une perche. Welles se présente, indiquant qu'il enregistre depuis le Mercury Theater. Il espère que son film est une "attraction à venir" : "Et je trouve que nos acteurs du Mercury en font une attraction. Je voudrais vous les présenter". Chaque acteur est présenté, accompagné d'un petit mot de l'acteur-réalisateur.

Ce début reflète d'abord qu'à l'époque, Orson Welles n'est pas un visage mais plutôt une voix, rendue célèbre par son émission "The Mercury Theatre on the Air", qui adaptait des œuvres littéraires à succès en pièces de théâtre radiophoniques.

Commencée le 11 juillet 1938 alors que Welles n'a que 23 ans, cette émission fait surtout parler d'elle à partir du 30 octobre, car l'adaptation de La Guerre des mondes de H.G. Wells est si réaliste qu'elle crée une panique, certains auditeurs pensant être tombés sur un flash info, d'autres ayant pris la menace au pied de la lettre dans ce contexte de Guerre mondiale.

Orson Welles AGENCE / BESTIMAGE
Orson Welles

La notoriété de l'émission explose alors, ainsi que le succès de sa troupe au théâtre, conduisant Welles à se voir offrir un pont d'or par le studio RKO aujourd'hui disparu, et dont on voit le logo en ouverture de la bande-annonce. Le cinéaste débutant va pouvoir écrire et réaliser un long métrage avec une liberté créative totale et le final cut, des conditions de travail inédites jusqu'alors. Après un ou deux projets qui ne voient pas le jour, il se lance dans Citizen Kane, qui va révolutionner le langage cinématographique.

Et le mystère avant tout

RKO

La seconde partie du trailer s'intéresse plutôt à montrer les personnages comme s'ils étaient au téléphone ou en train d'être interviewés à propos d'un certain Charles Foster Kane et le moins qu'on puisse déduire au terme de leurs entretiens, c'est que cette personnalité divise, et qu'elle est immensément riche.

Welles conclut : "Mesdames et messieurs, je ne sais pas ce que vous penserez de M. Kane, je ne peux l'imaginer car vous savez, c'est moi qui l'interprète. Kane est un héros et un scélérat (...), un type sensass, un bon amant, un grand citoyen américain et un salopard, selon à qui vous demandez. Pour connaître la vérité sur Charles Foster Kane, j'aimerais que vous veniez dans ce théâtre où se jouera Citizen Kane et que vous vous fassiez votre avis."

Joseph Cotten dans la bande-annonce de RKO
Joseph Cotten dans la bande-annonce de "Citizen Kane"

Contrairement à une idée reçue, Citizen Kane propose peu d'inventions formelles, mais combine les idées cinématographiques expérimentales présentées notamment par l'expressionnisme allemand en un seul long métrage, somme de toutes ces audaces formelles. Ce résultat donne un film stupéfiant, qui met tout le monde d'accord pour dire qu'on ne pourra plus faire de film novateur pour l'art cinématographique sans prendre comme base Citizen Kane.

Pour cela, et d'autres bonnes raisons encore, le premier film d'Orson Welles est aujourd'hui toujours noté 4,3 sur 5 par les spectateurs AlloCiné. Une réussite brillante saluée comme un incontournable pour tous les fans du 7e Art.

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