John Wayne est probablement la plus grande star de l’histoire des westerns. Celui que l’on surnomme le duc a laissé sa marque dans le domaine – et à Hollywood – à jamais. Mais il y a un film du genre en question qu’il a détesté de toutes ses forces, un film qu’on lui a proposé de jouer en premier mais qu’il a refusé – et il a pourtant été celui qui a récupéré l’Oscar au nom de son ami et protagoniste du film, Gary Cooper ! Nous parlons bien évidemment du mythique Le Train sifflera trois fois.
Sorti en 1952 avec Gary Cooper dans le rôle du shérif d’une petite ville dont la vie est bouleversée lorsqu’il découvre qu’un criminel qu’il avait arrêté a été libéré de prison et tente de se venger. Désespéré, il essaie d’obtenir de l’aide, mais personne ne montre le moindre intérêt à prendre son parti.
Le film réalisé par Fred Zinnemann est considéré comme l’un des meilleurs westerns de tous les temps, mais Wayne a été contre le projet dès ses premiers instants. La raison principale est qu’il croyait que le scénario écrit par Carl Foreman était une allégorie contre les listes noires dressées à Hollywood promues par le sénateur Joseph McCarthy. Les listes noires qui ont, jusqu’aux années 60, été des listes d’artistes – communistes ou non – à qui les studios refusaient tout emploi. Des grands noms comme Charlie Chaplin ou encore Orson Welles ont dû quitter les États-Unis à cause de cela.
Il a de plus déclaré que le film était “la chose la plus anti-américaine qu’il ait jamais vue de toute sa vie”, estimant qu’il dépeignait les Américains comme des lâches et peu disposés à affronter le mal, un sentiment totalement en contradiction avec les principes que Wayne chérissait, en particulier dans le contexte de la guerre froide.
Gary Cooper, récompensé
Le rôle s’est finalement retrouvé entre les mains de Cooper, l’ami de Wayne, qui a reçu certaines des meilleures critiques de sa carrière pour son interprétation du shérif Will Kane. À tel point qu’il a fini par recevoir l’Oscar du meilleur acteur pour son travail dans Le Train sifflera trois fois. Le problème est qu’il tournait en Europe et ne pouvait pas assister au gala, il a donc demandé à John Wayne lui-même de le recevoir en son nom. Le duc a alors dû garder le silence sur sa haine envers le film…
“Je suis heureux de voir ce prix décerné à un homme qui non seulement le mérite, mais qui s’est comporté au fil des années dans notre entreprise d’une manière dont nous pouvons tous être fiers. Maintenant que j’ai fini de perdre, je retourne voir mon directeur commercial et mon agent pour savoir pourquoi ils ne m’ont pas donné Le Train sifflera trois fois au lieu de Cooper.”
Un peu d’humour qui allait complètement à l’encontre de ce qu’il pensait vraiment du film. Il a fallu attendre plusieurs années après la mort de Cooper pour obtenir une interview que Wayne a accordée en 1971 au magazine Playboy dans laquelle tout est devenu clair :
“Tout le monde dit que Le Train sifflera trois fois est un super film parce que Tiomkin a écrit une super musique pour le film et parce que Gary Cooper et Grace Kelly y jouent. Donc il a tout pour plaire. Dans ce film, quatre gars arrivent pour abattre le shérif. Il va à l’église et demande de l’aide et les gars disent : ‘Oh, eh bien, oh bon sang.’ Et les femmes se lèvent et disent : ‘Vous êtes des rats. Vous êtes des rats. Vous êtes des rats.’ Alors Cooper sort seul. C’est la chose la plus anti-américaine que j’aie jamais vue de toute ma vie. La dernière chose sur le film, c’est mon vieux Cooper qui met le badge de marshall des États-Unis sous son pied et marche dessus. Je ne regretterai jamais d’avoir aidé Foreman à quitter ce pays.”
John Wayne a été, pendant plusieurs années, le président de la MPA, la Motion Picture Alliance for the Preservation of American Ideals, qui a collaboré activement avec McCarthy concernant les listes noires – d’où son dernier commentaire sur Carl Foreman, le scénariste du film, qui a ensuite passé six ans sans pouvoir travailler à Hollywood, devant s’installer au Royaume-Uni en 1952 pour pouvoir continuer à faire des films.
La réponse de Howard Hawks et John Wayne
De plus, le dédain de Wayne pour ce film a eu au moins une brillante conséquence artistique. Le réalisateur Howard Hawks n’avait pas non plus compris le succès du Train sifflera trois fois : “Je ne pensais pas qu’un bon sherif se comporterait comme une poule décapitée tournant autour d’un village en criant à l’aide pour qu’au final ce soit sa femme Quaker qui le sauve.” Pour lui, voir le shérif demander de l’aide était non seulement irréaliste, mais il considérait également cela comme contraire à l’essence du western.
Ce fut là l’une des forces motrices qui poussèrent Wayne et Hawks à collaborer en 1959 sur Rio Bravo, également considéré comme l’un des meilleurs westerns de tous les temps. Après quatre années d’inactivité, le réalisateur est donc revenu derrière la caméra et a pu ainsi concrétiser son idée selon laquelle un véritable héros américain ne demanderait jamais d’aide et combattrait toute menace avec un petit groupe d’alliés ou seul si cela devait être le cas.
Finalement, nous avons eu droit à deux films acclamés qui partent d’idées complètement opposées, mais qui restent néanmoins des classiques dans le domaine !
Le Train sifflera trois fois et Rio Bravo sont à retrouver en VOD.