Il y a une marée dans les affaires des hommes… ou plutôt un raz-de-marée appelé BTS. Loin du cliché de boys band dépassé que vous imaginez, on parle ici d’un groupe de 7 jeunes hommes avec du talent à revendre. Un groupe composé de chanteurs qui peuvent atteindre des notes insensées, de rappeurs qui peuvent rapper à une vitesse et avec une force viscérale sans pareil, des musiciens, producteurs de musique et paroliers qui peuvent vous faire pleurer avec deux rimes coréennes que vous ne comprendrez intimement que si vous consacrez un peu de temps au message qu'ils veulent faire passer.
Danseurs virtuoses en parallèle, leur musique parle à des millions de fans en quête d’identité : il y a une raison à leur immense succès. Ils parlent de la société et des préjugés, de la santé mentale et l’amour de soi : c’est profond, avec des doubles sens, des jeux de mots et de la poésie chantée.
Un lien avec le cinéma ? Oui, tout à fait !
Vous qui avez découvert les capacités de la Corée du Sud côté série et ciné, sachez que côté BTS, là aussi, débordante est la créativité. Le documentaire RM: Right People, Wrong Place se propose de vous la raconter.
Quel rapport avec le cinéma ou les séries, vous demandez-vous, en tant que lecteurs d’AlloCiné ? Souvenez-vous du “voyage du héros”, ce concept établi par Joseph Campbell en 1949, un classique en narratologie qui aide à construire le voyage initiatique du héros que l’on peut trouver dans de nombreux récits du monde entier, en particulier, dans les œuvres littéraires et l’industrie cinématographique...
Ce héros sous-estimé qui finira par tout transcender, est ici incarné dans ce groupe de musiciens que beaucoup ont tendance à sous-estimer sans jamais même leur avoir donné une chance. Frodon, Sam, les Hobbits… et pourtant, “mes amis, vous ne vous inclinez devant personne” : BTS, c’est un peu la même chose, version grande taille et avec la même volonté.
Attention spoilers ! Le reste de cet article dévoile quelques éléments et citations du documentaire “RM: Right People, Wrong Place.
De quoi ça parle? "O Captain! My Captain!"
Comme dans toute équipe soudée, il y a un capitaine, un leader qui a la lourde tâche de mener le jeu. Pour BTS, ce leader, c’est Kim Namjoon – ou RM de son nom de scène –, un rappeur, chanteur, musicien, producteur et parolier au QI élevé, qui a commencé en tant qu’amateur à l’âge de 15 ans avant de devenir le représentant, un peu avant sa vingtaine, d’un groupe qui a débuté sans-le-sou et a dépassé toutes les attentes. Après tout, même dans leurs rêves les plus fous, ils ne s’attendaient pas à ça : 11 ans de carrière et des succès enchaînés, des millions d’albums vendus et des stades débordants de fans dévoués lors de concerts dans le monde entier, des fans de tous les âges et de tous les genres, inspirés par un groupe qui ne demandait qu’un peu de reconnaissance en Corée du Sud et qui a dépassé les frontières comme si elles étaient faites de papier.
Et avec tout cela, vient la pression, la pression de bien faire et d’être parfait, de représenter son pays à la perfection après avoir reçu, avec ses six frères de fortune, la médaille Hwagwan de l’ordre du Mérite culturel de la Corée du Sud. Ils ont aussi parlé à l’ONU, en plus de se voir munir de passeports diplomatiques le temps d’une mission appointée. Une pression qui a lourdement pesé sur les épaules de ce leader dont on vous parle désormais.
Aujourd’hui, ce jeune homme de 30 ans se livre dans ce documentaire qui n’a rien d’ordinaire – bien qu’il soit, lui-même, une personne ordinaire (il insiste). Pourtant, il a tout d’extraordinaire aux yeux du monde, mais il est évidemment comme nous tous : simplement en quête d’identité.
Les tribulations de quelqu’un de familier : vous, moi, le monde entier
Amateurs de musique et de cinéma, vous serez comblés, et qui sait même stupéfaits. Dépassant la K-Pop (et ses normes) qui l’a fait connaître, c’est un musicien que vous allez découvrir dans ce portrait filmé à la photographie soignée, aux transitions animées vous entraînant dans les confins de l’esprit de ce RM plus naturel que jamais, le tout devant la caméra portée, intime et intrigante de Lee Seokjun qui a mis en avant – et en gros plan, avec photographies argentiques intégrées – la vision floue d’un jeune artiste avec qui il s’est connecté. D’ailleurs tout le groupe itinérant impliqué dans cette recherche de soi, la Team RM de son petit nom, est passionnant à regarder dans ce film qui raconte les 8 mois de production du musicien pour son deuxième album solo, “Right Place, Wrong Person” (oui, c’est l’inverse du titre du film !), et qui capture avec candeur les préoccupations sans fin de la personne appelée Kim Namjoon.
Nous ouvrant les portes de son studio – et de son cœur –, RM, qui respire l’art et la créativité, va au plus profond de son âme, de ses pensées et de ses aspirations. “Je serais curieux de savoir à quel point je peux être fidèle à moi-même, en tant que RM, ou en tant que Kim Namjoon.” Qui se cache derrière ce pseudonyme, derrière le leader du plus grand groupe du 21è siècle ? Pour la première fois, Namjoon se livre sans concession sur son identité, ses goûts, ses désirs. “Pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression d’exister en tant que moi-même”, nous dit-il. Se retrouver à 30 ans sans être sûr de qui on est, ça vous parle ? Déjà, nous on a (ou on a eu) du mal : maintenant, imaginez grandir devant le monde entier…
Avoir la trentaine, un compte en banque blindé pour des générations et tout le succès du monde : vous êtes au sommet mais vous êtes humain avant tout – et les doutes s’installent sans discriminer. Comme il le dit lui-même, il y a beaucoup de “m****” dans sa vie : “J’adore et je déteste en même temps. [...] Une minute, je suis heureux p*****, et la suivante je suis triste p***** !”. Les sentiments co-existent, tout comme Namjoon et RM finalement. “La vie est une question d’équilibre”.
Incertain de sa place dans le monde, RM se questionne et questionne le monde autour de lui. Il n’a pas eu le temps de se trouver dans sa vingtaine, trop occupé à travailler sans relâche avec ses compagnons qui, eux-aussi, ont profité de ce moment en solo pour se chercher. Et si son monde est différent du nôtre, il y a cette incroyable familiarité à ses questions : on s’y retrouve, on connaît. “Quel genre de conteur suis-je”, se demande-t-il. Et voilà que moi qui écris ces lignes, je me pose la même question...
Et pourtant, on a affaire là à un jeune homme d’une sagesse au-delà de son âge qui vous atteint en plein cœur et vous fait réfléchir à votre propre place dans le monde, idole ou pas, qui que vous soyez, peu importe l’âge que vous ayez. Après tout, vous, qui êtes vous ? C’est la question qui est posée. Ce moment d’incertitude, on l’a vécu avant hier ou il y a des années, car au-delà des questions liées à sa célébrité, il se pose des questions d’humanité. Il est temps désormais pour Namjoon de se laisser porter au gré du vent, parfois littéralement : un voyage initiatique et philosophique à l’image de cet amateur et collectionneur d’Art à l’intelligence sublime.
Un album au-delà de tout genre à ne pas manquer
“Tout ceux qui errent ne sont pas perdus”, a écrit Tolkien : des mots qui résonnent lorsqu’on voit ce documentaire d’Art et Essai – avec des moments d’errances réelles dont naissent des chansons comme ‘Lost’ (‘perdu’ en anglais), un titre dont le clip ne cesse d’être récompensé dans les festivals dédiés tellement il est original et décalé, à découvrir absolument pour vous, les amoureux du cinéma, réalisé par le français Aube Perie. C’est décalé et psychédélique, ça rappelle presque Lost la série – le projet Dharma, non ? – et c’est captivant comme jamais. Et puis, on vous recommande aussi “Come back to me” pour sa cinématographie, un clip signé cette fois par Lee Sung-jin, le réalisateur coréen primé à qui l’on doit la série Netflix Beef. C’est toute une histoire de vies parallèles et de temporalité, reflétant les interrogations de notre héros du jour, un héros dans lequel on se reconnaît. Et puis, il y a “Groin” : le style du clip devrait vous enthousiasmer avec ses effets pratiques déments...
Et puis vous savez quoi, on vous recommande l’album complet, une étape essentielle dans la carrière (et la vie) du principal intéressé, une introspection nécessaire, tout comme le documentaire, un album qui a été nommé par de nombreux magazines comme parmi les meilleurs de l’année, dans le monde entier. Le tout a été réalisé avec une deadline serrée, à cause de son passage obligatoire dans l’armée qui l’attendait. “Je n’ai qu’un mois et demi” : une “bénédiction déguisée” comme il le dit. “Tout arrive pour une raison” et là, c’était peut-être pour le succès.
Et son album précédent s’il vous plaît : “Indigo”, de son titre, une autre de ses pièces maîtresses, en plus de son travail avec BTS qu’il retrouvera après l’armée en juin 2025, sans concession et enfin libre de s’exprimer.
Alors, si vous recherchez un peu de soutien et un ami en cette fin d’année, vous savez quoi faire ce 5 décembre, jour de la sortie mondiale de ce chef-d’œuvre. Au programme, des moments de réflexions puissantes, des moments touchants comme jamais, une voix grave a capella qui, pour nous, a résonné dans ce théâtre ouvert où nous avons vu le film en avant-première dans la ville portuaire de Busan en Corée : un moment magique et des frissons qui ne se sont jamais envolés – et cette voix résonnera aussi dans votre cinéma, soyez rassurés.
Sans fioriture, authentique, on en fait peu des stars sans égo démesuré, qui se cherchent simplement – comme nous tous, et ça fait du bien. “Je veux être plus franc, plus moi. [...] Chaque jour est une leçon” : voilà qui est dit. On vous promet qu’à la fin, c’est un nouveau monde musical, artistique et cinématographique qui s’offrira à vous. Et si ça se projette en exclusivité un festival d’une telle qualité, l’approbation est déjà là donc on n’a pas tout à fait tort dans notre tonalité. À un moment donné il y a un impact, RM et BTS dans son intégralité, qu’on ne peut plus nier.
De ce documentaire impressionnant, on en ressort en souriant, avec de l’inspiration à revendre, de l’espoir, et un rêve tout simplement. Merci Namjoon pour ce beau moment.
On vous laisse avec les paroles de sa chanson “Credit Roll” qui, on pourrait l’imaginer à été créée pour ce film, pour cette occasion en particulier. Qui sait ?
When the credits roll do you hang tight?
Do you stay inside or go off to life?
I’m so grateful for everyone’s time
Hope you all had such wonderful night
When the credits roll do you hang tight?
Quand le générique défile, restez-vous ?
Restez-vous à l’intérieur ou partez-vous vivre votre vie ?
Je suis tellement reconnaissant du temps que vous m’avez consacré.
J’espère que vous avez tous passé une merveilleuse soirée.
Quand le générique défile, restez-vous ?
On vous prie de rester. Merci à vous.
RM: Right People, Wrong Place est à voir en salle ce 5 et 6 décembre. Foncez. Il devrait a priori être diffusé plus tard sur certaines plateformes dédiées.