Du Soldat de l'Hiver de Marvel à Donald Trump, il n'y a donc qu'un pas pour Sebastian Stan. Et deux heures de maquillage au quotidien pour celui qui aime les biopics inattendus. Après avoir été Tommy Lee dans la mini-série centrée sur la diffusion de sa sex-tape avec Pamela Anderson, le voici donc dans la peau du 45ème Président des États-Unis, le temps d'un long métrage, The Apprentice, passé par le dernier Festival de Cannes, qui revient sur son ascension et la création du personnage que l'on connaît aujourd'hui.
Lorsque le projet et son interprète ont été révélés, l'annonce a fait son petit effet, tant personne n'attendait Sebastian Stan dans ce rôle. "Il possède cette capacité assez étrange de pouvoir s'emparer de personnages antipathiques et de faire en sorte que vous puissiez les comprendre ou éprouver de la sympathie pour eux", nous explique le réalisateur Ali Abbasi (Les Nuits de Mashhad) au sujet de son choix.
"Il l'a fait à plusieurs reprises : dans Moi, Tonya et A Different Man [présenté à Deauville en septembre mais sans date de sortie française à ce jour, ndlr] ou avec Tommy Lee. Je pense qu'il aime travailler avec cette complexité et cette contrainte. Au-delà d'être très bon techniquement. C'est un acteur très technique, qui n'en reste pas moins intuitif. Et c'était très important."
"Jeremy Strong [qui incarne Roy Cohn, le mentor de Donald Trump, ndlr] est très technique lui aussi, mais il avait une plus grande latitude. Il possédait une plus grande marge d'erreur ou de fabulation, qui permettait de trouver des choses. Pas Sebastian, car son personnage est tellement spécifique que, s'il s'en écarte trop, cela devient faux."
"Le sujet du film, c'est d'étudier l'humanité de Donald Trump"
Et la question de la crédibilité s'est révélée centrale dans le projet. En matière de maquillage, car l'équipe était bien consciente qu'un ratage sur ce plan pouvait transformer le projet en parodie, mais également dans le ton et l'approche du personnage, que l'on croirait lui-même sorti d'un film. "C'est l'une des figures les plus célèbres actuellement, avec Jésus Christ, Hitler ou le Pape. C'est à la fois une icône, une parodie de lui-même et une idole. Il a presqu'un statut de surhomme."
"Si vous ne faites pas attention, vous finissez très vite par tomber dans la parodie ou le sketch façon Saturday Night Live. Mais, d'un autre côte, c'est un personnage très polarisé, que les gens ont du mal à considérer comme un être humain. Et c'était vraiment, pour moi, le coeur du projet : voir ces personnes très complexes, intéressantes, imparfaites, polarisées. Les gens ont des opinions très tranchées à son sujet, et je ne prétends pas qu'il y a des personnes bien dans les deux camps. Il est certain qu'il a fait des choses absolument répréhensibles, mais ce n'est pas le sujet."
"Le sujet du film, c'est d'étudier son humanité. Et c'est là que réside le plus grand danger pour un réalisateur ou un acteur : vouloir tourner l'histoire dans tous les sens pour trouver un récit cohérent . Donald Trump est quelqu'un d'ambivalent selon moi. Si on le compare à votre président, que j'ai rencontré. Je sais qu'il n'est pas très populaire en ce moment, mais j'ai remarqué qu'il paraît être quelqu'un qui sait ce qu'il veut ou veut faire, et l'a probablement su quand il avait 20 ans. Pas Donald Trump."
"Je pense que ce dernier voulait des choses différentes à certains moments de sa vie. L'idée de base est 'Je veux être quelqu'un et faire quelque chose.' Ce qu'est cette chose et ce que la personne qui la fait devient a changé au fil des ans."
Trouver l'équilibre entre la parodie façon Saturday Night Live et le portrait trop humain et complaisant, c'est l'une des forces de The Apprentice. Mais également ce qui a posé quelques soucis : "C'est là que Sebastian et Jeremy, mais aussi Maria [Bakalova, interprète d'Ivana Trump, ndlr] ont fait un beau numéro d'équilibristes. Ils ont eu le même problème, la même question à résoudre, mais ils le font différemment."
"Trouver l'équilibre entre le Saturday Night Live et Sebastian avec une perruque"
"Ils sont tous les trois Donald, Roy et Ivana. Des personnages hauts en couleur, plus grands que nature. Ivana, par exemple, est à la fois un cliché et un anti-cliché, et il nous fallait avoir les deux. Pareil pour chacun des personnages. Certaines actions sont conformes à ce que l'on attend d'eux, car elles sont ancrées en eux. Mais il fallait parfois aller à l'encontre. Et nous avons été très attentifs à cela : être dans le moment présent lorsque nous étions sur le plateau, ne pas se laisser emporter par l'idée que l'on joue quelqu'un."
"Quand vous avez des interprètes du niveau de Sebastian, Jeremy ou Maria, le plus gros du travail est fait. Moi je dois ensuite intervenir pour faire des ajustements. Mais c'est Sebastian qui a trouvé l'équilibre parfait entre le Saturday Night Live et Sebastian avec une perruque : là vous évoquez le personnage, mais vous n'allez pas au bout non plus." Sebastian Stan en Donald Trump, c'est étonnant, et à voir au cinéma depuis le 9 octobre.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 17 septembre 2024