Depuis 2003, il fait partie de la cour du Roi Arthur et de l'aventure Kaamelott. Présent au générique du court métrage Dies Irae, qui a servi de pilote à l'univers imaginé par Alexandre Astier, le comédien Jean-Robert Lombard a porté la bure austère du Père Blaise dans les six saisons de la série puis dans le premier volet cinéma. AlloCiné l'a rencontré dans le cadre de la convention Paris Manga, qui s'et tenue ce week-end à Villepinte.
AlloCiné : En janvier 2025, on fêtera les vingt ans de la première diffusion de "Kaamelott". Qu'est-ce que cela vous inspire en tant que scribe, si vous deviez raconter cette histoire ?
Jean-Robert Lombard : Le scribe, il n'est pas là aujourd'hui. C'est juste Jean-Robert Lombard qui est là. Comment vous dire ? Vingt ans pour le public, ce n'est pas vingt ans pour moi. Kaamelott est une partie de ma vie, une belle partie de ma vie, mais n'est pas MA vie. Même si les gens me connaissent à travers ça, principalement. Mais je constate en tout cas, au travers des conventions et même ailleurs, que le public est toujours là. Et qu'il est transgénérationnel.
C'est-à-dire qu'on a maintenant trois générations de fans de Kaamelott. Ça part du petit enfant de 7-8-9 ans qui adore et qui a sa lecture de la série, au père de famille trentenaire ou quarantenaire et au jeune vieillard dans la cinquantaine, soixantaine et autres. On a les petits-enfants, les enfants et les grands-parents qui viennent nous voir ou qu'on peut recroiser dans la rue et qui nous disent : "Ça a bercé la jeunesse". C'est quand même assez émouvant. Et je suis certain, d'ailleurs, vu comme la série est intemporelle, que ça peut durer ad vitam aeternam. J'ai parlé en latin. (Rires)
Dans une interview, vous faisiez un parallèle intéressant entre cette aventure créative et l'aventure qui vivent les personnages. Ce son deux quêtes du Graal parallèles finalement...
Etonnamment - ou pas - il y a une sorte de lien entre ce qu'on raconte, cette aventure, cette quête du Graal, et puis la sortie des épisodes de cinéma qui qui ont pris beaucoup de temps, qui ont été même repoussés. Le mysticisme de cette histoire se retrouve dans le réel. Donc, on court après les épisodes de Kaamelott pour savoir si on va arriver au bout. Et au bout de vingt ans, il y a des chances qu'on arrive au bout. A mon avis, d'ici trois-quatre ans.
Vous pensez qu'il y aura une fin ? Est-ce que ça ne serait pas triste, finalement, qu'il y ait une fin à cette aventure ?
Non, ce n'est pas triste. Il y a une fin à tout. À vous, à moi, à tout le monde. Il faut l'accepter. Ce serait un peu infantile de vouloir que ça dure toujours. "Pour toujours" n'existe pas. Donc, à un moment, il faut que ça s'arrête et remercier les choses de s'être passées, que cette production ait pu exister et remercier ceux qui en sont à l'origine. Alexandre Astier, de toute façon, a défini une chute qui arrivera au bout de quatre films. Puisque je crois que la deuxième partie se fait en deux films. Une fois que ceux-ci seront sortis, normalement l'an prochain, il restera un film à faire et ce sera la fin.
Vous m'offrez une excellente transition sur ces deux films qui ont été tournés a priori en secret cet été. Est-ce que vous avez le droit d'en dire quelque chose de ces épisodes 2 et 3 ?
C'est là où le bât blesse : je n'ai pas été convié par la production sur cet opus. Ce n'est pas une blague. Donc je n'ai rien à vous dire. C'est bête, mais ce n'est même pas que je ne veux pas ou que je ne peux pas. Je n'ai vraiment rien à dire là-dessus.
Sachant qu'à la fin du premier film, votre personnage était banni ?
Oui et il partait dans les souterrains avec Christian Clavier, Antoine de Caunes et ce cher professeur Rollin. Je ne sais pas si on partira du 1 pour arriver à la fin. Je sais qu'il y a des camarades qui ont tourné au printemps et cet été, mais moi, je n'en faisais donc pas partie. Le mystère demeure.
Vous parliez de vos camarades : est-ce qu'il y a un esprit de bande autour de "Kaamelott" ? Je vous pose la question naïvement parce qu'on a l'impression que toute cette bande passe son temps ensemble.
Il y a une bande qui sont les proches d'Astier, que ce soit sa famille ou ses amis proches, dont je ne fais pas partie. Mais c'est n'est pas à proprement parler Le Splendid, par exemple. Et puis, Alexandre Astier l'a dit depuis le début : il n'a pas l'esprit troupe. Et c'est son droit. On retrouve souvent chez beaucoup de réalisateurs le fait de retravailler avec tel acteur ou telle actrice pour des raisons X ou Y. Parce qu'ils les apprécient et parce qu'ils ont besoin d'eux à l'écran. Mais ce serait comme, je ne sais pas, demander à un peintre de faire du bleu à chaque fois parce qu'on aime beaucoup ce bleu-là. Non il peut faire autre chose. Le bleu, peut-être qu'on le retrouvera un jour plus tard, s'il est toujours là. C'est comme ça que ça se passe.
Si on remonte le temps, vous avez rencontré Alexandre Astier et tout ce groupe en amont de "Dies Irae" (2003), dans le cadre d'une pièce de théâtre qui vous a amené à rejoindre ce court métrage / pilote de "Kaamelott". Court métrage où vous avez la particularité d'avoir choisi votre personnage ?
Oui, par défaut. J'ai choisi par défaut parce que tout le reste avait été déjà attribué. Comme je le dis à chaque fois qu'on me pose la question : je pensais avoir une épée à deux mains et défoncer du connard mais je n'ai pas pu passer mes frustrations et mes énervements sur de pauvres comédiens en face. Quand Alexandre m'a appelé, il me dit : "Il reste un cureton et un cuisinier. Tu prends quoi ?" Le cureton. Et voilà.
Bon choix.
Bon choix parce qu'en plus, il n'y a plus de cuisiner. Ce n'était pas le tavernier, c'était le rôle du cuisinier du château qui a finalement disparu.
Quelle est votre vision de la "méthode Astier" ? Comment s'orchestre la rencontre entre ce qui existe sur la page et ce que vous amenez ?
On a toujours une liberté d'action, même si Alexandre sait ce qu'il veut. J'aime beaucoup sa façon de travailler parce qu'elle est très synthétique, pragmatique, , rapide. Moi qui suis assez "mentaleux", je n'ai pas le temps de "mentaler", donc c'est très bien. Et puis on travaille vite et bien. C'est ça qui est plaisant. Contrairement, souvent, au théâtre où ça cogite beaucoup trop. Là, au moins, un plus un font deux. On y va. Et puis, on acte. On est des acteurs, donc on acte. Et puis si ce n'est pas bon, ce n'est pas grave, on va la refaire et puis on va trouver quelque chose qui va mieux.
Et même dans le texte, très souvent, je lui ai proposé autre chose et il accepte que son texte soit modifié si la rythmique drolatique est respectée et si ce vers quoi il voulait amener le public est respecté aussi. Si refuse, c'est toujours étayé. Ce n'est pas : "Écoute, j'écris, tu joues, chacun à sa place". Non, il est très souple là-dessus, même dans la mise en scène. Vous êtes comédien, vous n'êtes pas un automate. Donc, ça me permet d'être assez libre dans un contexte donné. C'est ce qui est très agréable aussi.
En ayant été impliqué dès les tout débuts, avec le court métrage donc, il y a quand même cette évolution très étonnante que nous a vécue en tant que spectateurs : on part d'un court métrage, puis on est sur une short com, puis on est sur des épisodes de plus en plus longs et de plus en plus sombres. Est-ce que c'est quelque chose sur lequel Alexandre Astier vous avait prévenu en amont ou est-ce que ça a été une découverte au fur et à mesure ?
Il nous en a parlé à partir du livre IV. Il nous a prévenus qu'il voulait aller vers des formats plus longs, et même plus tard vers le cinéma. Et qu'il voulait aller vers quelque chose de moins drolatique que les saisons 1, 2 et 3. Il voulait amener le spectateur vers quelque chose de plus profond, de plus âpre peut-être, et préparer les films.
Mais ça a été, je pense, un choc pour beaucoup de fans, de gens qui suivaient la série. Il y a eu ceux qui n'ont pas aimé parce que moins drôle, prise de tête, etc... Et puis, beaucoup d'entre eux aussi qui ont dit : "Tiens, on découvre autre chose, une autre facette des comédiens et des personnages". Certes, c'est moins la gaudriole, mais on en a eu pendant trois saisons et là on nous propose autre chose. Si on s'attarde un peu dessus, c'est très bon aussi même si le style est différent.
Honnêtement, mon personnage n'a pas énormément évolué, mais c'est intéressant, au travers d'une série ou d'un film, de pouvoir montrer plein de facettes, de pouvoir faire évoluer un personnage, que ce ne soit pas unicolore ou bicolore seulement. C'est ce qu'il a fait.
Il y a quand même eu une évolution concernant votre personnage. Peut-être pas le personnage en lui-même, parce que finalement, il est fidèle à Kaamelott, mais dans le film, il passe du côté de Lancelot. Ce qui a pu surprendre les fans.
Alexandre a répondu à cette question (dans le commentaire audio du film, NDLR). Techniquement, le père Blaise, il fait partie des murs. Il est là pour relater la légende arthurienne. Peu importe l'identité du Roi, lui, c'est la caisse enregistreuse. Il est la mémoire. Il est les archives. Donc il doit être là. Ce n'est pas parce qu'il est pro ou anti-machin, c'est qu'il doit être là. Tout simplement. Ensuite, le costume a radicalement changé. Je l'ai trouvé super cool. Mais au niveau du développement du personnage, il ne m'en a rien dit. C'est toujours l'omerta chez Alexandre. (Rires)
Au final, quel rapport avez-vous à cette aventure ? On peut imaginer que ça doit être assez gratifiant de faire partie d'une telle œuvre "pop", et en même temps on ne vous ramène qu'à ça. A l'image de cette interview...
Tout le monde me ramène à ça parce que malheureusement, on ne m'a pas proposé grand-chose d'autre au cinéma ou à la télévision. Et c'est bien dommage. J'espère que ce moment viendra et que je pourrais montrer autre chose et notamment des rôles de (il articule en silence, NDLR) f... d. p... Je ne l'ai pas dit !
Effectivement, je n'ai rien entendu.
On est d'accord. Je vous souhaite une bonne soirée.
Propos recueillis au Paris Manga By TGS 2024, le 6 octobre 2024