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    "Très souvent à l'écran, on va voir la schizophrénie représentée comme un trouble violent" : un médecin psychiatre décrypte les clichés du cinéma
    Yoann Sardet
    Rédacteur en chef depuis 2003 - Fan de SF et chasseur de faux raccords et d’easter-eggs, cet enfant des 80’s / 90’s découvre avec passion, avidité et curiosité tous types de films et séries.

    A l'occasion de la semaine d'information sur la santé mentale, AlloCiné a rencontré le médecin psychiatre Jean-Victor Blanc pour rectifier les représentations que la fiction peut donner de la schizophrénie.

    Searchlight Pictures
    • Pour plus d’informations sur la semaine de la santé mentale, rendez-vous sur fr.webedia-group.com

    Depuis toujours, le cinéma se trompe. Et nous aussi. La schizophrénie, ce n’est pas Fight Club, Split, Black Swan ou Shutter Island. A l’occasion de la Semaine d’information sur la Santé Mentale, on a demandé à Jean-Victor Blanc, médecin psychiatre et expert en santé mentale pour Dr Good et Culture Pop & Psy, de nous éclairer sur ce trouble très -et même trop- souvent mal représenté à l’écran. Rencontre.

    AlloCiné : Comment définir la schizophrénie ?

    Jean-Victor Blanc : La schizophrénie, c'est un trouble psychiatrique qui concerne environ 1 à 2% de la population. C'est à peu près comme le trouble bipolaire. C'est une pathologie qui va avoir plusieurs types de symptômes qui, globalement, vont refléter une perte d'intégrité psychique. Ça veut dire qu'on va avoir des émotions qui vont être incohérentes avec les idées ou les comportements. Et cela va s'exprimer par plusieurs types de symptômes

    Quels sont les différents types de symptômes ?

    Il y a les symptômes productifs, notamment des hallucinations mais également des idées délirantes, souvent de tonalités persécutives, c'est-à-dire que la personne peut avoir l'impression qu'on lui veut du mal.

    À côté de ça, il y a des symptômes qu'on appelle négatifs qui vont marquer un certain retrait : retrait de la vie affective, retrait de la vie sociale, et des difficultés à rentrer en contact avec l'entourage.

    Enfin, le troisième type, les symptômes de désorganisation ou dissociatif, qui vont marquer justement ce décrochage entre les émotions et les idées. Par exemple, rigoler alors qu'on pense à quelque chose de triste ou avoir un comportement inadapté au contexte.

    Où est-ce que la fiction fait fausse route dans les représentations qui sont faites de la schizophrénie ?

    Très souvent, à l'écran, on va voir la schizophrénie représentée comme un trouble violent, des personnes qui vont être dangereuses. Par exemple, on va avoir un personnage qui va prendre des médicaments, qui les arrête d'un coup et devient un fou meurtrier comme ce qu'on voit dans Joker. Tout ça, c'est évidemment faux.

    On sait que les personnes atteintes de schizophrénie vont être plus souvent victimes de violences plutôt que auteurs de crimes et de violences. On sait également que moins de 5% des crimes sont commis par des personnes concernées par un trouble schizophrénique.

    Ce qu'on voit rarement dans les films, c'est ce qu'on appelle le rétablissement. C'est-à-dire qu'on peut vivre avec un trouble schizophrénique et être équilibré, réussir à avoir une vie sociale, avoir un travail, parfois dans un environnement protégé, mais parfois dans un milieu ordinaire.

    On confond aussi schizophrénie et double-personnalité...

    Oui, très souvent la schizophrénie est confondue avec le trouble dissociatif de l'identité. Le fait d'avoir plusieurs personnalités, c'est ce qu'on voit par exemple dans Fous d'Irène qui est très drôle mais malheureusement pas du tout juste et complètement à côté de la plaque en termes de représentation de la schizophrénie.

    Quels conseils donneriez-vous aux gens qui lisent ces lignes ?

    Mon conseil, lorsque vous regardez un film ou une série qui parle de la schizophrénie, c'est de vous renseigner : est-ce que c'est finalement un tableau juste ou pas ? Parce qu'on sait que voir des films qui vont être stigmatisants peut augmenter cette stigmatisation des troubles psychiques et donc de la schizophrénie.

    Et si vous vous posez des questions, n'hésitez pas à en parler en premier lieu à votre médecin traitant qui pourra, si besoin, vous adresser à un psychiatre pour déterminer si vous avez besoin d'une aide spécifique ou pas. Enfin, il existe des associations comme schizo oui, comme Positive Minders ou encore l'UNAFAM, dont la vocation est d'aider les personnes concernées leur entourage à mieux vivre avec ce trouble.

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