En France, en 2023, on comptait près de 118 000 propriétaires de drones selon le rapport d'activité de la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile (DSAC). Un nombre impressionnant qui ne fait qu'augmenter d'année en année. Pour son premier film, le réalisateur Simon Bouisson s'intéresse à cet engin volant qui suscite autant de méfiance que de fascination. Avec Drone, il en fait un véritable personnage de cinéma.
Émilie (Marion Barbeau), jeune étudiante architecte le jour et camgirl la nuit, découvre qu'elle est observée à la fenêtre de son appartement par un objet volant qui semble analyser chacun de ses mouvements. La machine devient de plus en plus insistante à mesure que les jours passent, mais qui la contrôle ? Et qu'attend-t-elle d'Émilie ?
Simon Bouisson, coscénariste avec Fanny Burdino et réalisateur, est un habitué de l'expérimentation à l'écran. Il est l'auteur d'un film interactif, République, et de la série Stalk qui s'intéresse aux nouvelles technologies. "Le plus dur dans l'ambition de ce projet, c'est de faire passer l'idée que le drone va être l'antagoniste de l'histoire", explique-t-il à AlloCiné.
Réalité dystopique
L'idée est née il y a huit ans lorsque le cinéaste tombe lui-même nez à nez avec un drone qui lévitait dans le ciel. "La première fois que je l'ai vu, je me suis cru dans une dystopie", admet-il. Avec un soupçon de paranoïa, Simon Bouisson met au point un thriller qui interroge sur le regard extérieur et inconnu.
"Ce drone, il matérialise vraiment toutes les terminaisons technologiques qui nous entourent dans nos vies, détaille-t-il. Il vient aussi nous questionner sur qui nous regarde dans la société, qui nous suit, en abordant le sujet du regard masculin."
Le film multiplie les prises de vues impressionnantes réalisées grâce à de véritables engins. L'un des grands défis était de tourner dans lieux autorisés car les drones sont désormais soumis à une importante réglementation en France. Il y a aussi tout l'aspect technique. "Dans le film, il est silencieux, mais dans la vie, c'est une scie circulaire de 10 kilos qui vole dans les airs", ajoute le réalisateur.
Un engin volant à plus de 150km/h
L'équipe s'est équipée de drones FPV - des drones de course - qui allaient jusqu'à 150km/h, comme dans la scène du parking, l'une des plus risquées à tourner. "Pour cette séquence, Marion Barbeau devait faire une confiance folle à la machine, se remémore-t-il. Nous étions tous planqués derrière des poteaux." Aux commandes de ces engins, des pilotes professionnels étaient équipés de casque de réalité virtuelle.
Jamais un thriller n'avait expérimenté un tel équipement en France. C'est ce qui fait la force et la curiosité de Drone. Avec ce film, Simon Bouisson entend proposer une histoire qui s'adresse, en partie, à la jeunesse : "C'est un public qui a besoin qu'on lui montre une société qui réfléchit sur elle-même, qui se déconstruit."
L'objectif premier du réalisateur est de proposer des histoires jamais racontées. "Je ne pourrais pas faire un film qui aurait pu sortir il y a dix ou vingt ans, je n'ai pas du tout cette nostalgie, reconnaît-il. Avec plus de cent ans de cinéma derrière nous, on peut parfois se dire qu'on a fait le tour mais mon obsession c'est de trouver des récits inédits", à l'image de ce Drone.
Tourner face à un drone, c'est comment ?
Pour Marion Barbeau, l'actrice principale du film : "C'est très étrange parce qu'on sent que c'est organique, on sent que ce n'est pas qu'une machine. Il y a un pilote derrière. Il peut aller très vite ou très lentement. C'est comme s'il avait des humeurs différentes. Face à un drone, c'est comme être face à un acteur, je n'avais pas d'autre choix que de lui faire confiance."
Pour Stefan Crepon, acteur du film : "Les répétitions m'avaient terrifié. Au final, quand on était sur le tournage, ça allait. Mais en préparation, il faut imaginer quand même que ça pèse extrêmement lourd. Ça fait un boucan d'enfer. Au-dessus de toi, tu te prends des doses de vent, tu n'entends plus rien autour. Même s'il y a des gens autour qui le contrôle, ça te met dans une espèce de bulle. T'es qu'avec lui, ça peut faire assez peur."
Propos recueillis par Thomas Desroches, à Angoulême, en août 2024.
Drone de Simon Bouisson est à découvrir au cinéma.