Quand Walt Disney décida de se lancer dans la création du long métrage animé Blanche-Neige et les 7 nains, tout le monde cria au suicide au sein du studio. Il faut dire que l'intéressé croyait dur comme fer dans sa bonne étoile : il avait carrément hypothéqué sa maison pour mener à bien ce projet complètement fou à l'époque.
Un travail ambitieux et surtout colossal, qui mobilisera pendant quatre ans pas moins de 750 personnes. La seule fabrication du film nécessita à elle seule 18 mois. Des délais extravagants -mais nécessaires- qui firent d'ailleurs logiquement exploser l'enveloppe initiale du film. Budgétés à hauteur de 150.000 $ au départ, les coûts de production s'envolèrent pour atteindre 1,4 millions de dollars.
Le résultat fut heureusement un triomphe en salle : dans ses trois premiers mois d'exploitation, Blanche Neige et les sept nains attira plus de 20 millions de spectateurs. En 1939, Disney reçut même un Oscar spécial pour le film, véritable tour de force technique.
Adriana Caselotti, la voix cristalline de Blanche-Neige
Avec des traits inspirés par la comédienne Hedy Lamarr, le personnage de Blanche-Neige fut incarné par Marge Champion, qui servit de modèle artistique Live aux dessinateurs du studio (un rôle qu'elle reprendra d'ailleurs plus tard pour les besoins de Pinocchio et Fantasia).
Côté vocal, elle fut doublée par une jeune comédienne dotée d'une voix gracieuse et mélodieuse : Adriana Caselotti. Reçue aux studios par le compositeur Frank Churchill, Adriana Caselotti, qui prétend n’avoir que seize ans alors qu’elle en a dix-huit, prend place devant un micro pour réciter les paroles d’Un Jour mon Prince Viendra.
Grâce à un haut-parleur installé dans son bureau, Walt Disney écoute. La jeune femme fait sensation et obtient le rôle. Elle sera payée 970 dollars pour son travail. Très long d'ailleurs, puisqu'il durera trois ans, jusqu'à la sortie du film en salle. Trois ans de travail pour un salaire de 970 $ : c'est dire si Walt Disney avait quelques oursins dans les poches...
"Je suis désolé mais cette voix ne peut être utilisée nulle part ailleurs..."
Si la jeune comédienne est entrée dans l'Histoire au même titre que le film, le revers de la médaille fut douloureux pour elle... Pour préserver la magie autour de ses personnages, et surtout empêcher le public d'associer les voix à de vraies personnes, la firme Disney ne créditait pas les comédiens de doublage au générique. Son nom n'a donc pas été crédité au générique du film, pas plus que les autres talents.
Disney fit la même chose avec Pinocchio, Dumbo et Bambi. Pour Adriana Caselotti, les choses se sont apparemment encore plus gâtée. Il lui fut semble-t-il interdit de dire qu'elle fut la voix de Blanche-Neige. Une lourde rumeur a circulé durant des décennies, selon laquelle Caselotti fut carrément blacklistée par Disney après son travail sur la voix du personnage.
Un article daté de juillet 1993, raconte qu'un animateur de radio à l'époque, Jack Benny, envisageait de recevoir la comédienne, avant que Walt Disney ne mette son veto. "Je suis désolé mais cette voix ne peut être utilisée nulle part ailleurs. Je ne veux pas ruiner l'illusion de Blanche-Neige" aurait répondu le patron de la firme à l'animateur radio.
Une carrière en enfer
Comment poursuivre une carrière sans pouvoir se prévaloir de son expérience passée chez Disney ? La suite de celle-ci pour Adriana Caselotti fut justement plombée par cet état de fait. Dans une triste ironie, elle participa pourtant à la promotion de Blanche-neige, vêtue comme son personnage, mais impossible pour elle de dire quel rôle -crucial- elle avait pourtant joué dans l'aventure.
Elle aura le plus grand mal à rebondir ailleurs dans le cinéma. A part une poignée de rôles, dont un, mineur, dans Le Magicien d'Oz, pour un personnage n'apparaissant que le temps d'une chanson, et celui d'une chanteuse aperçue dans La Vie est belle de Frank Capra.
En 1938, Caselotti, de même que Harry Stockwell, qui prêtait sa voix au prince charmant, tentèrent une action en justice contre Disney. Ils demandèrent respectivement 200.000 $ et 100.000 $ en réparation. Les deux perdirent hélas leur procès.
Ce n'est qu'en novembre 1972, à la faveur d'un show musical tenu par Julie Andrews, et conçu comme un hommage à la musique des films Disney, qu'un semblant de reconnaissance verra le jour pour Caselotti. Des décennies après la sortie de Blanche-Neige.
Ci-dessous, la séquence de l'émission où Adriana Caselotti chante Un jour mon prince viendra...
En 1994, trois ans avant sa mort, Adriana Caselotti fut érigée comme Disney Legend, sur la base d'un programme lancé en 1987 par la Walt Disney Company, pour récompenser les hommes et les femmes qui ont contribué de manière émérite à l'entreprise. Une reconnaissance bien tardive qui ne coûtait surtout pas cher, face aux millions de dollars que Blanche-neige avait rapporté depuis sa sortie...