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    Il dessine Godzilla mieux que personne ! Rencontre avec le concepteur des affiches de Ready Player One et de Kong: Skull Island
    Manon Maroufi
    Manon Maroufi
    -Iconographe & BDD séries
    Bien que née après l’âge d’or du Club Dorothée, elle grandit avec d’autres grands classiques du genre comme Death Note et Fullmetal Alchemist. Une passion alimentée plus tard par les Ghibli et les films de Makoto Shinkai.

    Godzilla fête ses 70 ans cette année ! A l'occasion d'une exposition dédiée donnée à la Japan Expo de Paris, l'illustrateur japonais Yuji Kaida est venu nous parler de son processus de création et de son amour pour les Kaiju.

    Invité exceptionnel de la Japan Expo 2024, Yuji Kaida, illustrateur multi-récompensé pour ces travaux autour des monstres issus du folklore japonais, était de passage en France ce mois de juillet pour célébrer les 70 ans de Godzilla.

    Shin Godzilla
    Shin Godzilla
    Sortie : 1 janvier 2024 | 2h 00min
    De Hideaki Anno, Shinji Higuchi
    Avec Hiroki Hasegawa, Satomi Ishihara, Yutaka Takenouchi
    Spectateurs
    3,6
    Streaming

    Réputé pour ses affiches de films emblématique et notamment celle de Kong: Skull Island ou encore Ready Player One, ce célèbre artiste que l'on surnomme "le peintre des Kaiju" est allé à la rencontre de ses fans pour présenter ses œuvres lors d'une exposition consacrée au célèbre Roi des Monstres et à son impact sur le septième art.

    Yuji Kaida est venu à notre micro nous parler de son amour pour le dessin, de l'influence des Kaiju sur le cinéma d'aujourd'hui, de la richesse de sa carrière et de l'avenir de Godzilla et du MonsterVerse.

    Toho Company Ltd.
    Godzilla dans "Shin Godzilla"

    AlloCiné : Qu'est-ce qui vous a donné envie de devenir illustrateur ?

    Yuji Kaida : Mon ambition d'artiste est née des films de Kaiju. Mais à mon époque, ce genre était surtout destiné aux enfants. Alors quand je suis entré à l'université, j'avais du mal à envisager que d'autres personnes de ma génération puissent aimer les Kaiju autant que moi. Pourtant, un jour, je suis tombé sur un magazine de science-fiction, avec le témoignage d'une personne qui proclamait son amour pour les monstres. Nous avons réussi à prendre contact et plusieurs autres fans sont venus se greffer à notre groupe au fil du temps. Réunis entre passionnés, nous avons décidé de créer notre propre magazine consacré aux Kaiju.

    Comment êtes-vous devenu celui que l'on surnomme "le peintre des Kaiju" ?

    Après l'obtention de mon diplôme en école d'art, j'ai quitté Osaka pour me rendre à Tokyo. Là-bas, j'ai rejoins un groupe baptisé le Monster Club qui analysait les films de Kaiju, à un niveau très professionnel, et qui écrivaient des textes destinés aux adultes sur le sujet. Nous avons donc décidé de publier ces textes sous la forme d'un livre, mais les photos d'illustration étaient datées. C'était celles qu'on voyait déjà partout ailleurs. Alors, je me suis demandé comment nous pourrions obtenir de nouvelles illustrations. Et je me suis dit : "Je pourrais les dessiner." J'ai envie de croire que notre mouvement a réenclenché la machine du côté des sociétés de production. Elles ont commencé à produire de nouveaux films de Kaiju et le phénomène Godzilla a été relancé. Il était désormais question de conquérir tous les publics, enfants et adultes. Ça a été la naissance d'un nouveau Godzilla qui s'est retrouvé dérivé en séries télévisées, en livres, ou encore en DVD. J'avais envie de tout dessiner : les affiches, les couvertures, les jaquette, etc., et, par chance, les personnes en charge de toutes ces choses se sont montrées très compréhensives et m'ont laissé faire.

    Comment est né votre amour pour Godzilla et qu'est-ce qui vous plaît tant dans ce personnage ?

    Je suis tombé amoureux du premier Godzilla de 1954. Encore aujourd'hui, il reste mon préféré. J'ai aimé cette impression de lourdeur que les réalisateurs ont réussi à lui conférer. C'est ce qui le rendait si imposant. Mais c'était tellement nouveau comme genre que personne ne savait vraiment comment faire. Tous les films Godzilla de mon enfant étaient intéressants, mais les moyens étaient assez faibles. Les prises étaient tournées sur une petite scène, et si vous leviez trop la caméra, elle montrait le plafond du studio. À cause de ça, certains plans étaient impossibles à réaliser. Et, à l'époque, ils utilisaient un animal en peluche pour faire le monstre. Ce qui est très cool, mais aussi très limité en termes de champs d'actions. Pour ma part, j'ai commencé à travailler comme professionnel à l'ère de la technologie numérique, nous n'avions donc pas d'autre choix que de faire les choses à la main. Par ce biais et motivé par ma passion, j'ai essayé de rendre mon approche de Godzilla encore plus forte et encore plus marquante !

    Quelles sont les différentes étapes d'une création d'affiche de film ?

    J'ai travaillé sur différents supports en tant qu'illustrateur, mais quand on réalise une affiche de film, le processus est bien particulier. Par exemple, lorsqu'on m'a demandé de dessiner celle de Kong: Skull Island, je pensais que je recevrais beaucoup de matériel que je pourrais utiliser comme référence, mais ils ne m'ont rien montré. Il y a beaucoup de confidentialité autour des films hollywoodiens. Ils ne voulaient même pas nous montrer le film en avant-première. Heureusement, il y avait beaucoup de bande-annonce sur internet. Je les ai étudiées et j'en ai extrait toutes les images qui pouvaient me servir de base. J'ai fait une première esquisse, je l'ai soumise à la société de production et j'ai obtenu le feu vert. Ce n'est qu'à partir de là que j'ai reçu des images finies du film de la part des Etats-Unis pour m'aider. Je me suis rendu compte que le rendu final n'était pas si différent de l'image que j'avais en tête, et j'ai donc pu réaliser la version définitive de l'affiche.

    Je pensais que je recevrais beaucoup de matériel que je pourrais utiliser comme référence, mais ils ne m'ont rien montré.

    Le physique de Godzilla a évolué au fil du temps. Est ce que vous adaptez vos œuvres à son design du moment ou vous pouvez gardez la liberté de le représenter comme bon vous semble ?

    Je ne suis pas directement impliqué dans la production des différents films Godzilla, donc je ne constate pas tous ses changements, mais d'après ce que j'ai compris, il n'y a eu de réelle évolution dans son physique qu'entre 1960 et 1980. Lorsque l'univers a été relancé en 1984 avec Le Retour de Godzilla, ils sont délibérément revenus à l'atmosphère et au chara-design de l'original, tout en essayant de moderniser son style. Alors pour Shin Godzilla, j'ai d'abord demandé aux designers de dessiner plusieurs esquisses et de les superposer à celles de l'original. Si elles correspondaient parfaitement, les esquisses étaient retravaillés encore et encore, jusqu'à ce qu'on ait de quoi établir une modélisation, qui était ensuite vérifiée et révisée plus en détails. C'est ainsi qu'on fonctionne.

    Godzilla figure parmi les Kaiju les plus populaires, au même titre que King Kong, mais y a-t-il un autre Kaiju que vous appréciez tout particulièrement ?

    Il y a un très grand nombre de Kaiju dans la culture japonaise et énormément que j'aime ! Mais si je dois me concentrer sur ceux que l'on voit dans les films, je dirais Mothra. J'aime l'idée qu'il évolue dans le ciel. Et c'est surtout mon Kaiju préféré parce que c'est en allant voir le film Mothra de 1961 que j'ai rencontré ma femme.

    Warner Bros.
    Mothra dans "Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire"

    À l’heure où l’intelligence artificielle menace l'avenir des artistes, est-ce important pour vous de faire valoir le travail de l’humain à travers des évènements comme la Japan Expo et la publication de vos livres d'art ?

    Je pense qu'il est bon de laisser l'IA faire ce qu'elle peut faire. Mais il faut bien avoir en tête que l'IA base son travail sur sur un grand nombre de données, et il est donc difficile d'y voir une intention claire. C'est d'abord un humain qui donne l'ordre à l'IA de créer quelque chose, et là seulement, elle s'exécute. En tant qu'illustrateur, je n'arrive pas toujours à juger si le résultat est bon ou mauvais. Néanmoins, lorsque nous nous réunissons de la sorte, à l'occasion de convention, de festival ou d'exposition, et que nous dévoilons des œuvres faites à la main ou que nous voyions des artistes dessiner devant nous, c'est l'importance du fait main et du côté unique de l'œuvre qui est mise en avant. Il est encore difficile de prévoir la façon dont cela affectera notre travail à l'avenir. Peut-être que l'IA supprimera de plus en plus d'emplois humains et que plus personne ne voudra dessiner... Je n'en sais rien. J'espère simplement que la société sera capable de trouver le meilleur équilibre entre l'humain et l'IA.

    Propos recueillis par Manon Maroufi le 13 juillet 2024 dans le cadre de la Japan Expo au Parc des Expositions de Paris Nord Villepinte.

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