De quoi ça parle ?
Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.
Ce mercredi, François Ozon revient avec un film de saison, un film automnal, boisé, et une poêlée de champignons qui va semer le trouble dans un foyer. Quand vient l'automne signe le retour du cinéaste vers le genre du thriller, ou plutôt thriller intimiste.
Pourquoi ce genre inspire tant le cinéaste ? Nous lui avons posé la question.
"Le mot thriller est un peu abstrait pour moi, nuance-t-il. Pour ce film, j'avais en tête un peu les romans de [Georges] Simenon. Je ne sais pas si les livres de Simenon sont considérés comme des thrillers, des livres d'atmosphère.
Une histoire dans laquelle le spectateur n'a pas toutes les clés, qui soit un peu comme un puzzle
J'avais envie que ce soit une histoire dans laquelle on n'a pas toutes les clés, qui soit un peu comme un puzzle où le spectateur puisse interpréter, juger les choses en fonction de son propre vécu. Moi, je sais exactement ce qui s'est passé. Je connais tous les rouages de l'histoire, mais il y a une volonté de ne pas tout montrer, de ne pas tout souligner, de laisser une place au spectateur.
Il m'intéressait d'exploiter les thèmes du non-dit
Et aussi de rendre compte de ce qu'on ressent souvent dans la vie, c'est-à-dire qu'on n'a pas tous les éléments, on n'a pas tous les points de vue. Du coup, on peut commettre des erreurs de jugement. On peut tout d'un coup avoir une interprétation fausse des choses, et on se rend compte dix ans plus tard qu'on s'est trompé, que les choses étaient peut-être plus complexes, qu'elles étaient différentes de ce qu'on avait imaginé. Qu'on s'est construit peut-être sur une fausse idée, un mensonge. Tous ces thèmes du non-dit, de ça, c'était quelque chose qu'il m'intéressait d'exploiter."
En 23 longs métrages, François Ozon a souvent adapté des romans ou pièces de théâtre. Il s'est aussi souvent inspiré d'histoires vraies. Quand vient l'automne est un scénario original, mais François Ozon indique avoir puisé dans un lointain souvenir familial pour trouver le point de départ de film.
On fait souvent un film contre le précédent, celui-là l'est
"Après Mon Crime, qui était un film adapté à une pièce de théâtre, qui jouait beaucoup sur l'artifice, dans des décors parisiens, et souvent en studio, j'avais envie de filmer la nature, d'aller vers quelque chose de plus brut. On fait souvent un film contre le précédent, celui-là l'est. Même s'il y a des points communs, puisqu'il y a deux personnages féminins qui sont au centre de l'histoire et qu'il y a un crime, ou en tout cas une mort suspecte.
Et puis j'ai eu ce souvenir que j'ai toujours en moi, un souvenir d'enfance d'une de mes tantes qui avait fait un repas de famille où elle avait invité toute la famille, elle avait ramassé des champignons et elle avait fait un dîner et tout le monde est tombé malade. Certains sont même allés à l'hôpital sauf elle qui n'en avait pas mangé. Et donc moi, enfant, je me suis demandé si ma tante n'avait pas essayé de zigouiller toute la famille, ce qui me plaisait beaucoup.
Moi, enfant, je me suis demandé si ma tante n'avait pas essayé de zigouiller toute la famille !
Avec mon mauvais esprit, cette histoire est restée dans ma tête. Et le film est parti aussi un peu de ça, de faire le portrait d'une femme bien sous tout rapport, une grand-mère, une mamie gâteau à qui on donne le bon Dieu sans confession, qui, sous des apparences idylliques commet peut-être des actes plus complexes, ambiguës. Voilà, c'est parti de là.
Et puis, il y avait la volonté aussi de filmer des actrices plus âgées. Nadia [Tereszkiewicz] et Rebecca [Marder] avaient une vingtaine d'années. Là, Josiane [Balasko] et Hélène [Vincent], 70, 80 ans. J'avais envie de me confronter à la vieillesse, à des femmes qui acceptent leur âge, filmer leur rythme, filmer leur manière de marcher, filmer leur rythme, parce que je trouve que les femmes âgées sont assez invisibilisées dans le cinéma, peut-être un peu moins dans le cinéma français, où il y a quand même des rôles pour beaucoup d'actrices qui vieillissent, mais pas tant que ça, et souvent elles sont rajeunies dans les films. Là, j'avais vraiment envie d'assumer la réalité de leur âge et les filmer dans la beauté de leurs conditions. Hélène et Josiane ont accepté, m'ont fait confiance et se sont abandonnées à ça."
Quand vient l'automne avec Hélène Vincent, Josiane Balasko, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin sort ce mercredi 2 octobre 2024.
Propos recueillis le 18 septembre 2024, à Vincennes