La Force était avec le Festival de Cannes alors que la 77ème édition touchait à sa fin. À la veille de recevoir une Palme d'honneur, remise par son compère Francis Ford Coppola, venu présenter son Megalopolis quelques jours plus tôt, George Lucas a ainsi donné une masterclass au cours de laquelle il est revenu sur les grands moments de sa carrière pendant une heure et vingt minutes, devant une salles conquise.
Si THX 1138 ou American Graffiti ont été évoqués, au même titre que le Nouvel Hollywood auquel il a participé, plusieurs questions ont évidemment porté sur Star Wars, la saga grâce à laquelle il a bouleversé la pop culture à jamais. Et notamment sur sa réaction lorsqu'il a entendu, pour la première fois, le thème musical iconique composé par John Williams.
Mais il lui a aussi été demandé s'il comptait sortir, en Blu-Ray 4K, des version restaurées de Star Wars originaux. C'est-à-dire les films que le public a découverts au cinéma entre 1977 et 1983, avant que le metteur en scène n'y ajoute des scènes et effets spéciaux numériques en 1997, et ne remplace Sebastian Shaw par Hayden Christensen dans le final du Retour du Jedi.
"Nous avons sorti les Star Wars originaux en Laserdisc [dans les années 90, ndlr], et tout le monde s'est mis en colère", rappelle le créateur de la saga. "Ils ont dit que le rendu était horrible, et je leur ai répondu que je le savais. Lorsque nous avons revu les films, les couleurs étaient passées, il y avait des rayures sur l'image. C'était horrible car il s'agissait des meilleures copies que nous pouvions trouver dans le monde, car c'est ainsi que nous faisons des restaurations."
"Ce que nous avions sous la main était de mauvaise qualité donc, comme nous le faisons avec la Film Foundation [dont George Lucas est l'un des co-créateurs aux côtés de Martin Scorsese, qui en a été à l'initiative en 1990, ndlr], l'idée était de rendre sa beauté à des vieux films en les restaurant. Tout est parti de là. Et je me suis dit que, puisque nous allions faire cela, je voulais corriger les choses que je n'avais pas pu terminer à l'époque. C'est ce que j'ai fait."
Je crois fermement qu'un réalisateur ou un scénariste a le droit de pouvoir faire en sorte qu'un film soit tel qu'il le veut
"Lorsque le Lasedisc est sorti, on m'a reproché d'avoir fait exprès de rendre les films aussi horribles, alors que non. C'est hélas à cela qu'ils ressemblaient. Restaurer chaque film coûtait 6 millions de dollars, alors que je ne parvenais pas à en faire d'autres. C'est cher donc je voulais à la fois les réparer et faire des expériences avec le numérique pour voir ce qui était possible, car ILM apprenait à utiliser cette technologie. Il y avait beaucoup de raisons de faire cela."
"Je crois fermement qu'un réalisateur ou un scénariste a le droit de pouvoir faire en sorte qu'un film soit tel qu'il le veut. Et cela remonte à Michel-Ange : il a passé six mois sur un échafaudage pour peindre une section du plafond de la Chapelle Sixtine. Puis il en est descendu, a regardé le résultat, et dit qu'il allait le refaire. Un bout de plafond entier."
"Je ne pense donc pas que ma décision ait été si scandaleuse que cela. Mais c'est comme ça : quand vous créez quelque chose, que vous travaillez dessus, vous voulez que ce soit bien fait. Pas juste correct." Il faut donc vous rendre à l'évidence : à moins de posséder les DVD des années 2000 qui rassemblaient les deux, seules les Éditions Spéciales de Star Wars seront désormais visibles, en salles, sur Disney+ ou grâce à de futures sorties en vidéo.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 24 mai 2024