En 1995, sort Heat sur les écrans français, soit l'un des meilleurs films de casse de l'histoire du cinéma et le meilleur film de Michael Mann avec une note moyenne spectateurs de 4,3 sur 5. C'est aussi l'occasion de voir deux légendes s'opposer tout au long de ses 2h50mn. Robert De Niro et Al Pacino partagent alors l'écran pour la première fois.
Mais il faut être patient pour assister à cette rencontre historique lorsque les deux se retrouvent assis l'un en face de l'autre dans un restaurant.
Un moment iconique dans l'histoire du cinéma
Cette scène met en scène deux des plus grands acteurs de leur génération. Faire travailler ensemble ces deux piliers du cinéma sur un même projet était un coup de maître pour Michael Mann, et le réalisateur a livré une scène de six minutes qui a permis aux deux acteurs de se retrouver dans un moment digne d'une master class.
Bien qu'ils jouent tous les deux apparus dans Le Parrain, 2ème partie, c'était la première fois que les icônes hollywoodiennes partagent une scène ensemble, et c'est une réussite à tous les niveaux. Surtout parce que Michael Mann l'a préparée comme un choc des titans.
Comment Michael Mann a préparé cette scène mythique
Associer deux acteurs formidables ne garantit pas toujours une scène mémorable. Elle doit être soigneusement élaborée grâce au développement des personnages, à l'alchimie, au lieu de tournage et à la cinématographie du film.
Al Pacino incarne le lieutenant Vincent Hanna, lieutenant de la police de Los Angeles, un flic déterminé et sans état d'âme qui ne recule devant rien pour coincer sa proie. De l'autre côté, Robert De Niro incarne Neil McCauley, un braqueur professionnel, méticuleux dans son travail et très fier de réaliser des casses complexes et de grande envergure.
Michael Mann a minutieusement développé chaque personnage et leur jeu du chat et de la souris tout au long de la première moitié du film. Et les acteurs se sont eux aussi préparés en amont pour l'affrontement. De Niro, utilisant la méthode familière qui lui a si bien réussi, a discuté avec de vrais criminels, et Pacino a fait de même en suivant des interrogatoires avec de vrais criminels.
Pour ne pas perdre une miette, Mann a décidé d'utiliser trois caméras. Une pour cadrer Pacino, une autre pour cadrer De Niro, et une troisième pour filmer les deux ensemble, assis l'un en face de l'autre à la table autour d'un café.
Capturer le réel
Dans une interview accordée à la Director's Guild of America, Mann évoque la technique qu'il a finalement retenue : "Ce que je voulais faire, c'était tourner avec deux caméras, deux caméras sur l'épaule. J'avais aussi une troisième caméra que nous filmions de profil et que nous n'avons jamais montée dans le film. Je savais qu'il y aurait une unité organique dans une prise et une unité organique différente dans une autre... La plupart de ce que vous voyez est la prise 11."
Il s'agit essentiellement d'une approche du "moins, c'est mieux" qui garantit que chaque acteur soit parfaitement cadré alors qu'ils s'affrontent dans un échange magistralement rythmé.
La scène a été tournée vers une heure du matin dans un restaurant de Beverly Hills souvent fréquenté par les professionnels, le Kate Mantilini's. D'une durée de six minutes et dix-sept secondes exactement, elle capture les deux personnages assis l'un en face de l'autre et laissant tomber tous les faux-semblants qui les ont conduits à ce stade du film.
Une honnêteté brutale
Il s'agit de deux personnages fascinants qui se débarrassent de toutes les formalités dans un échange où Pacino et De Niro sont au sommet de leur art.
Pacino, imperturbable et à la voix rocailleuse, décrit en détail les exigences de son travail, sa vie personnelle troublée et son attitude de ne pas faire de détours pour attraper des hommes comme Neil McCauley qui, à son tour, ne se laisse pas faire, comme seul Robert De Niro peut le faire. Le menton rentré dans la poitrine et le regard fixé sur Hanna avec ses expressions faciales familières, il répond à l'honnêteté brutale du flic avec la sienne.
L'échange est à la fois calme et empreint d'une tension refoulée qui s'est développée tout au long du film. Il y a à la fois un respect mutuel et un dédain palpable que les personnages ont l'un pour l'autre alors qu'ils sont assis très calmement et discutent de leur situation actuelle, et de ce que chacun d'entre eux est prêt à faire pour arriver à ses fins.
Et la scène se conclut sur ce dialogue mémorable. McCauley dit à Hanna : "Il y a le revers de la médaille. Si tu arrives à me coincer et que je dois te tuer ? Quoi qu'il arrive, tu me barreras pas la route. On s'est retrouvés face à face, oui. Mais je n'hésiterai pas. Pas une seconde."
Heat est disponible jusqu'au 31 mai sur Netflix.