Ça parle de quoi ?
Kosovo, 2007. Zoé et Volta quittent leur village reculé pour intégrer l’université de Pristina. À la veille de l’indépendance, entre tensions politiques et sociales, les deux jeunes femmes se confrontent au tumulte d’un pays en quête d’identité dont la jeunesse est laissée pour compte.
3 bonnes raisons de voir Notre monde
Luana Bajrami a évoqué avec nous ce projet pendant une bonne vingtaine de minutes, et vous pouvez retrouver l'entretien dans le podcast ci-dessous.
Sinon, voici d'autres bonnes raisons.
1 - Luana Bajrami, l'heure de la confirmation
On l'a vue, en tant qu'actrice, dans L'Heure de la sortie, Portrait de la jeune fille en feu, Les 2 Alfred, L'Événement, Coupez ! ou Une année difficile. Ce qui fait déjà un très beau CV, solide et varié. Mais Luana Bajrami est aussi réalisatrice.
Et après Cannes, où elle avait présenté son premier long métrage à la Quinzaine des Cinéastes en 2021, c'est à Venise qu'elle a dévoilé le second, Notre monde. Et confirmé les belles promesses vues dans La Colline où rugissent les lionnes.
A savoir une passion pour le cadre et la composition, dont elle nous parlait déjà au moment de son précédent film. Une envie d'être au plus proche de ses personnages et de raconter davantage par l'image que par les mots (même si elle avoue que Notre monde devait initialement être beaucoup plus bavard).
Et une manière de faire des films aussi énergiques et en colère que ses personnages, mais qui n'en restent pas moins beaux. Sans oublier des thèmes qui reviennent dans ses deux films.
2 - Une histoire d'indépendances
Dans La Colline où rugissent les lionnes, elle montrait trois héroïnes désireuses de quitter ce village du Kosovo dans lequel elles vivent et se sentent prisonnières. Notre monde part du même postulat, mais commence par le départ de Zoé (Elsa Mala) et Volta (Albina Krasniqi) vers Pristina et son université. En 2007.
Ce qui signifie, et c'est bien précisé dans le film, que leur quête d'indépendance se déroule au moment où le Kosovo est sur le point d'obtenir la sienne : "C'est quelque chose qui est venu pendant l'écriture, car ça n'était une ambition initiale", nous répond Luana Bajrami, née dans le pays en 2000.
C'est une période très méconnue du Kosovo, dont on ne parle pas beaucoup, alors qu'elle est pourtant passionnante
"J'avais envie de mettre ces deux choses en abyme. C'est une période très méconnue du Kosovo, dont on ne parle pas beaucoup, alors qu'elle est pourtant passionnante. Ça n'est pas forcément le sujet du film mais, pour moi, ça servait vraiment ce que je voulais raconter du parcours de ces deux jeunes femmes."
Devant sa caméra et sous sa plume (car elle est aussi la scénariste de ce film produit par Eric Toledano et Olivier Nakache), Notre monde devient un double portrait : celui de Zoé et Volta, et du Kosovo d'alors, les tumultes du pays ayant des répercussions sur la vie des deux jeunes femmes. Sans que cela ne paraisse appuyé ni trop personnel. Bien au contraire.
3 - Un "monde" universel
"[Le fait de situer le récit en 2007] les met dans cette position d'attente, qui fait écho à la situation actuelle. Du Kosovo et même de n'importe quel jeune qui essaye de se projeter et ne sait pas trop où aller, comment se diriger. Qui est souvent en colère. Contre qui, on ne sait. Pour moi, l'un servait l'autre."
L'histoire de Notre monde est localisée, dans l'espace et le temps, mais elle n'en reste pas moins universelle. Plus encore que celle de La Colline où rugissent les lionnes. Car il n'est pas difficile de se projeter dans ses thématiques, comme la jeunesse confrontée à un avenir incertain, ou la dégradation du système d'éducation, toujours d'actualité dans le monde. D'où le titre du film.
Je suis issue de cette double-culture, France-Kosovo, donc j'ai toujours comparé les deux, l'évolution de cette jeunesse en France et au Kosovo, et les deux destins sont intrinsèquement liés
"J'adore qu'on insiste sur cet aspect universel. C'est un film qui parle de ces émotions-là, de ces jeunes qui cherchent à s'émanciper, qui cherchent autre chose. Et ces émotions, je crois qu'elles sont communes à tous, hors-contexte. Moi je suis issue de cette double-culture, France-Kosovo, donc j'ai toujours comparé les deux, l'évolution de cette jeunesse en France et au Kosovo, et les deux destins sont intrinsèquement liés."
"C'est d'ailleurs assez fascinant de se dire que c'est la destinée de tout le monde : on passe tous par là, et les fractures sociales et économiques sont partout." C'est là que réside l'une des nombreuses forces de notre monde, qui nous prouve que Luana Bajrami n'est plus qu'une actrice surdouée doublée d'une réalisatrice prometteuse, mais bien une voix sur laquelle il va falloir compter à l'avenir.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 16 avril 2024 - Montage du podcast : Kellian Sarrazin