“Je jure, comme avocate…”
Tout juste diplômée, armée seulement de sa passion pour le droit et de son désir de justice, Nora (Noée Abita) se retrouve malgré elle chargée d’un dossier pénal. Mais rien n’aurait pu la préparer à la sensibilité de son jeune client (Alexis Neises), ni à la gravité du crime dont il est accusé, et encore moins aux méthodes d’interrogatoire de l’agent (Anders Danielsen Lie) en charge de l’affaire.
Témoin de la cruauté de ce milieu où la moindre erreur peut être sanctionnée, Nora va être amenée à questionner ses choix et à remettre en question sa carrière.
“Ce métier a profondément modifié sa personnalité”
De cette dure réalité à laquelle Nora se heurte, vécue par des dizaines de jeunes fraîchement diplômés, la cinéaste Victoria Musiedlak a été une témoin privilégiée. Pour son premier long-métrage, la réalisatrice et scénariste souhaitait prendre comme point de départ un cas de figure qu’elle avait vu s’opérer dans son propre entourage.
“Le changement que j’ai vu s’opérer en quelques mois chez une jeune fille de mon entourage, devenue avocate, a renforcé l’intérêt que j’avais déjà pour la justice et ce métier en particulier, raconte-t-elle. Comme Nora, dans Première Affaire, cette jeune fille vivait chez sa mère.
Elle était timide et débutante et s’est retrouvée, à vingt-cinq ans, envoyée en catastrophe aux Sables d’Olonne, à défendre un grand-père accusé d’inceste sur ses deux petites filles. Je l’ai vue se métamorphoser. La jeune fille que je connaissais est devenue une femme plus affirmée, indépendante mais aussi plus nerveuse. Comme la plupart des jeunes avocats, ce métier avait profondément modifié sa personnalité. D’un point de vue philosophique, rousseauiste, j’ai toujours trouvé passionnant l’impact que la fonction sociale a sur un individu.”
Loin d’être un portrait figé, Première Affaire fascine par la métamorphose forcée qu’il parvient à capter chez sa protagoniste, dans la souffrance d’abord. Dépassée, épuisée et bousculée dans ses croyances, la jeune Nora comprend que la réalité professionnelle est très éloignée de ce qu’il lui a été enseigné sur les bancs de l’école et se meut, presque contre son gré, en adulte.
Formidable de subtilité, aussi touchante dans ses doutes que magnétique dans ses réflexions, Noée Abita séduit dans ce nouveau rôle et confirme son immense potentiel après sa performance remarquée dans Ava (2017).
Face à elle, Anders Danielsen Lie, la révélation d’Oslo, 31 août (2011) et Julie en 12 chapitres (2021) captive par la dualité de son caractère intrigant. Enquêteur aux méthodes parfois extrêmes, son personnage d’Alexis permet à celui de Nora de sonder son propre parcours à la manière d’un puissant miroir déformant.
Fascinante captation d’une métamorphose forcée, inspirée de faits bien réels, Première Affaire séduit par son réalisme cru et la force d’incarnation de ses talentueux interprètes. Une perle sombre et puissante, à découvrir dès maintenant au cinéma.