Ça parle de quoi ?
En Inde, un jeune homme sort de prison. Il se retrouve dans un monde où règne la cupidité des chefs d'entreprise et, à l'inverse, l'érosion des valeurs spirituelles.
5 bonnes raisons de voir Monkey Man
Si la carte "film d'action" ne vous suffit pas, voici quelques arguments qui pourraient vous convaincre d'assister à la vengeance de Monkey Man sur grand écran.
1 - Dev Patel, réalisateur prometteur
Découvert dans Skins, Dev Patel a ensuite fait le grand saut vers l'écran de la même taille avec Slumdog Millionaire, récompensé par huit Oscars dont celui du Meilleur Film. L'aventure a ensuite été moins heureuse lorsqu'il s'est aventuré du côté d'Avatar - Le Dernier maître de l'air avec M. Night Shymalan, et la suite de sa carrière a été variée et inattendue, au cinéma (Chappie, Lion, The Green Knight) ou à la télévision (The Newsroom).
Et ce côté inattendu se poursuit avec cette première réalisation. D'après un projet qu'il a mis douze ans à faire aboutir, inspiré par toute une frange du cinéma de genre (des films de Bruce Lee à la saga The Raid, en passant par les productions coréennes, nous dit-il) et la mythologie indienne, pays d'origine de ses parents.
Une histoire d'action et de vengeance aux accents politiques, dans laquelle il tient le premier rôle et révèle au grand public ses talents pour les arts martiaux (il est ceinture noire de taekwando), ainsi que ses aptitudes de réalisateur. Preuve que Neill Blomkamp, à qui Dev Patel avait un temps songé à proposer la mise en scène du film, a bien fait de le pousser à le faire lui-même.
2 - Le film ne devait pas sortir au cinéma
N'est-ce pas le meilleur argument, pour aller voir un film au cinéma, que de savoir qu'il ne devait pas y sortir ? Monkey Man était initialement prévu pour Netflix, qui devait sans doute l'envisager comme son nouveau Tyler Rake. "Mais cela n'a pas marché, pour différentes raisons", nous dit Dev Patel lorsque nous le rencontrons à Londres.
"J'étais alors prêt à dire au revoir à mon film. J'étais très triste, car je me disais qu'il allait rester pendant longtemps sur une étagère. Puis mon agent m'a appelé en me disant : 'Tu as déjà entendu parler de ce gars, Jordan Peele ?' Évidemment que oui ! Nous nous sommes parlé au téléphone pendant trois heures, c'était presque comme une thérapie. Et il m'a dit 'J'espère que tu ne m'en veux pas, mais j'ai montré le film à Universal, et ils vont l'acheter. J'en suis presque tombé de mon siège."
J'étais prêt à dire au revoir à mon film. J'étais très triste, car je me disais qu'il allait rester pendant longtemps sur une étagère
Associé à Universal, qui a distribué ses trois premiers longs métrages en tant que réalisateur (Get Out, Us et Nope), Jordan Peele a donc permis de sauver Monkey Man. Et il lui a ouvert en grand les portes du cinéma, où il a totalement sa place. Comme dans le catalogue de Monkeypaw, société de son sauveur.
3 - La patte Jordan Peele
"Jordan avait vraiment compris ce que je voulais faire avec le film, que j'avais voulu faire un film de genre qui raconte beaucoup plus." On ne sait pas vraiment pour quelle raison Netflix n'a plus voulu de Monkey Man. Mais peut-être que son côté politique prononcé y est pour quelque chose. Car nous avons affaire à un film énervé, qui tabasse, sur tous les plans.
La vengeance du héros est aussi celle des opprimés face aux oppresseurs. Des laissés-pour-compte anonymes face aux puissants corrompus qui règnent sur l'Inde. Que ses principaux adversaires représentent les pouvoirs en place n'est pas un hasard, et le long métrage s'inscrit totalement dans la ligne éditoriale de Monkeypaw.
Monkey Man est un film qui, par bien des aspects, ne devrait pas exister dans le Hollywood actuel
"Je suis tombé amoureux du film lorsque j'ai vu un premier montage", nous confirme Jordan Peele. "Il n'était terminé qu'à 90%, mais je pouvais immédiatement voir à quel point c'était un projet particulier. Un film qui ne ressemble pas à la majorité de ce que l'on produit aujourd'hui. Ça nous renvoie à ces très bons films des années 70, 80 et 90."
"Monkey Man est un film qui, par bien des aspects, ne devrait pas exister dans le Hollywood actuel. Malgré la notoriété de Dev en tant qu'acteur, les studios ne prennent pas le risque d'investir sur des films qui montre le point de vue des petites gens. Et c'est là que réside l'ambition de Monkeypaw. Nous avons fait en sorte de travailler avec des réalisateurs prometteurs et, plus nous le faisons, plus je réalise que ce sont des gens à qui je peux autant donner des conseils qu'ils peuvent m'apprendre des choses."
"Au final, il y a quelque chose d'ironique d'avoir un film qui s'appelle Monkey Man produit par Monkeypaw, il y a comme une drôle d'énergie primale dans tout ça", conclut Dev Patel lorsque nous évoquons le fait que, de par sa nature et son contenu, son long métrage était destiné à tomber dans le giron de Jordan Peele. En faisant ce jeu de mots auquel nous avions pensé, sans l'oser avec lui, ce qui est encore mieux.
4 - Des scènes qui font mal
Monkey Man n'est pas un déluge d'action de plus de deux heures, et il faut même patienter un peu avant de voir la première scène. Mais si Dev Patel prend le temps de poser la situation et dessiner le personnage principal, c'est pour donner plus d'impact lorsque les coups pleuvent. Car il ne les retient pas, notamment lors d'un final jouissif.
La cuisine d'un restaurant, le bar d'un immeuble chic, un ascenseur ou encore un ring de boxe. L'acteur et réalisateur nous offre quelques morceaux de bravoure dans lesquels il affiche une certaine virtuosité, préférant une approche plus brute et viscérale à des scènes qui risqueraient de paraître sur-chorégraphiées.
Des séquences qui font mal, dans tous les sens du terme, puisque Dev Patel nous a expliqué comment il s'est cassé la main sur le tournage de la première d'entre elles... et qu'il a dû continuer, Monkey Man n'ayant pas assez de budget pour repousser les prises de vues ou effacer un plâtre en post-production. "Je ne peux plus jouer de piano", nous répond-il lorsque nous lui demandons s'il a totalement récupéré de cette blessure, l'une des nombreuses dont il a été victime.
5 - Ce n'est pas le John Wick indien
Est-il réellement nécessaire de vouloir voir en un film le successeur d'une autre entité ou franchise, plutôt que d'essayer de le faire vivre par lui-même, comme la recherche d'un "nouveau Zidane" dans l'Équipe de France de Football n'a conduit qu'à une série de fiascos ? Dès que les premières images de Monkey Man sont sorties, les comparaisons avec John Wick sont en effet sorties plus vite qu'il ne faut de temps au héros pour asséner un coup.
Mais ça, Dev Patel l'avait anticipé. Car une réplique de son film (que l'on vous laissera découvrir par vous-mêmes) nous dit clairement qu'il ne souhaite pas être vu comme un simple John Wick indien, mais un film "intelligent et efficace". "J'ai glissé cette phrase car dès qu'ils allaient voir quelqu'un donner des coups en costume, les gens allaient dire 'Ah oui, comme John Wick'", nous explique le réalisateur en souriant, lorsqu'on nous évoquons ce clin-d'oeil malicieux.
Je me sers de l'action comme d'un Cheval de Troie, pour parler de choses qui me passionnent profondément
"J'adore John Wick, que ce soit bien clair. J'adore son réalisateur Chad Stahelski, qui est un bon ami. Mais c'est un autre style. Je me sers de l'action comme d'un Cheval de Troie, pour parler de choses qui me passionnent profondément. En tant qu'homme anglo-asiatique, en tant qu'artiste qui a passé beaucoup de temps en Inde. J'espère que cela permettra aux gens de parler de son aspect mythologique et de ses différents tons."
S'il a en commun le mélange de vengeance et d'action, Monkey Man est bien plus qu'un simple John Wick-like, dont il se démarque avec un aspect politique et rageur plus prononcé. Et cette réplique va bien avec la quête identitaire du héros, qui cherche à se faire un nom et sortir de l'anonymat. En espérant pour Dev Patel un succès, qui fera qu'un jour, un nouveau film sera présenté comme "le nouveau Monkey Man".
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Londres le 26 mars 2024