Charles Chaplin a eu une fin de carrière compliquée. Après Un roi à New York, sorti en 1957, sa carrière de réalisateur connaîtra un hiatus de dix ans, pour livrer en 1967 ce qui sera son ultime film : La Comtesse de Hong Kong.
Le pitch ? Au cours d'une croisière, un milliardaire américain fait escale à Hong-Kong. Il y fait la connaissance d'une taxi-girl avec laquelle il passe une agréable soirée, ignorant que la jeune femme est, en réalité, une comtesse russe. Il retrouve la belle dans sa cabine : elle souhaite rallier New York...
Deux monstres sacrés
Sa dernière œuvre sera hélas une tentative ratée de comédie romantique, sonnant totalement faux, malgré ses deux monstres sacrés à l'affiche : Sophia Loren et Marlon Brando. La Comtesse de Hong Kong fut aussi son unique film en écran large et en couleur, dont seule la chanson This is My Song écrite par le cinéaste sera un succès au box-office.
Outre de petits rôles accordés à Tippi Hedren et Margaret Rutherford, Chaplin employa son fils Sydney, ses trois filles Geraldine, Josephine et Victoria, et s’accorda même un caméo. En réalité, côté coulisses, la mésentente entre Brando et Chaplin fut patente. Adossée à une projection désastreuse pour la première du film à Londres, qui plongea d'ailleurs Chaplin dans une dépression, l'entreprise fut un naufrage.
Un acteur très tourmenté
Si Brando était un fabuleux acteur, quoique très tourmenté côté vie privée, il avait aussi gagné une solide réputation d'être souvent ingérable sur les plateaux de tournage, avec un comportement lunaire.
Sur La poursuite impitoyable par exemple, le chef-d'oeuvre d'Arthur Penn, il incarnait le Shériff Calder, chargé d'arrêter un Robert Redford en cavale. Brando détesta tourner le film, en plus d'avoir peu de considération pour son personnage, pourtant fabuleux. En service minimum, il déclara s'être contenté de faire errer son personnage sur le plateau...
Toujours est-il qu'il accepta de jouer dans le film de Charles Chaplin sans même avoir lu le script. Il vouait à Chaplin une grande admiration. "C'est probablement l'homme le plus talentueux que le milieu du cinéma ait jamais produit" dira même Brando.
"C'est l'homme le plus sadique avec lequel j'ai travaillé"
Le son de cloche sera radicalement différent, lorsqu'il relatera son expérience de tournage sur le film dans son autobiographie, Songs My Mother Taught Me, publiée en 1994. Chaplin ? "Probablement l'homme le plus sadique que j'ai jamais rencontré. Un tyran égoïste, et un radin".
Brando fut choqué de la manière dont Chaplin traitait son fils Sydney sur le tournage, qui avait du mal à suivre le rythme tendu imposé par son père, tandis qu'il lui faisait faire et refaire les prises, encore et encore, "sans raison" selon Brando, qui nota que Chaplin ne parlait jamais à son fils "avec autre chose que du sarcasme".
Il n'avait aussi pas oublié les brimades du réalisateur le concernant, en prenant à témoin l'équipe du film; comme la fois où il était en retard de 15 minutes sur le plateau. Brando, embarrassé, exigea des excuses, que Chaplin a fini par faire.
De son côté, Chaplin déclara que travailler avec Brando fut une expérience "impossible". Connaissant le passif de l'acteur en la matière, qui ne s'arrangera d'ailleurs pas avec les années, on imagine effectivement qu'elle fut compliquée...