Alfred Hitchcock, ce sont 53 longs métrages et 5 nominations à l'Oscar, mais par quel film commencer sa longue filmographie pour faire connaissance en douceur avec le style du Maître du suspense ? Je suis ici pour vous apporter ma réponse et vous convaincre de débuter par Fenêtre sur cour !
Hitchcock s'amuse
Le photographe Jeff Jefferies (James Stewart) s'est blessé en réalisant un reportage sur une course automobile et a désormais une jambe dans le plâtre. Cloué chez lui par une chaleur accablante, il observe par la fenêtre les activités de ses voisins, dont les vitres donnent sur la même cour que les siennes. Sauf qu'un soir, il remarque que l'un d'eux affiche un comportement suspect laissant à penser qu'il a commis un meurtre...
Ce qui m'avait tout de suite frappé avec le film, c'est cette cour intérieure gigantesque construite en studio, et je me suis dit : 'Hitchcock va pouvoir s'amuser'. Et en effet, ce coûteux procédé permet à Hitchcock de balader sa caméra de fenêtre en fenêtre comme le personnage de James Stewart passe de l'une à l'autre avec ses jumelles.
Oula, mais c'est du voyeurisme !
Et plus je regarde le film, plus je comprends que le réalisateur me place malgré moi dans un voyeurisme assez malsain. Car Jeff assiste à une querelle de couple, au retour d'un homme ivre mort chez lui, aux exercices d'une danseuse en petite tenue... J'assiste comme le photographe à des moments intimes, qui, si ils forment des sous-intrigues que je me surprends à prendre plaisir à suivre, me placent dans une situation un peu inconfortable.
Je vous garantis en tout cas que Fenêtre sur cour propose la tension et le suspense qu'on attend du cinéma d'Hitchcock, mais pose aussi la question du doute, présente à travers toute sa filmographie, du Faux coupable à L'Ombre du doute, justement : le personnage de James Stewart a-t-il vraiment surpris un criminel ou tout cela n'est-il que le fruit de son imagination et de sa paranoïa ? Le suspect est-il vraiment coupable ?
Ah, mais je comprends mieux
Et enfin, il y a le dernier niveau de lecture du film. Celui où j'ai compris que James Stewart n'observe non pas ses voisins mais plutôt symboliquement les méandres de son esprit. Au début du film, on comprend qu'il doit trancher s'il accepte de demander en mariage Lisa, jouée par Grace Kelly, qui le courtise depuis déjà quelques temps. Il pense qu'en se mariant, il ne pourra plus faire de reportages à travers le monde comme avant, et se convainc qu'elle n'est pas une femme pour lui.
Or, ce qu'il observe justement à travers la cour, ce sont des situations amoureuses en plein essor (le jeune couple) ou au contraire compliquées ou finissantes. Toutes ces situations qu'il observe sont en réalité une représentation de sa réflexion et de ses questionnements personnels. Une fois cela compris, le voyeurisme qui me dérangeait au départ a disparu pour faire place à une leçon de mise en scène et de scénario (signé John Michael Hayes, adapté d'une nouvelle de Cornell Woolrich).
Le plus accessible des films d'Hitchcock
Fenêtre sur cour est peut-être le plus accessible de tous les Hitchcock et aussi le plus facilement montrable à un nouveau public, car on y retrouve le suspense mais aussi l'humour - plus ou moins noir - caractéristique du cinéaste. De tous les Hitchcock, commencez donc par Fenêtre sur cour et croyez-moi : vous ne le regretterez pas !