Si à Hollywood on adore les Success Story familiales où les enfants continuent de tracer leurs sillons dans la veine creusée par leurs parents, il n'est pas toujours facile, loin s'en faut, de s'affranchir de ses illustres modèles et de parvenir au bout du compte à s'imposer, tant leurs notoriétés peuvent être proprement écrasantes.
Au-delà du talent, Il a par exemple fallu de l'abnégation et beaucoup de travail à Sofia Coppola pour s'émanciper de la figure tutélaire de son père, quand ce n'est pas le neveu, Nicolas Cage, qui décidait carrément de changer de nom pour que le patronyme de Coppola n'handicape pas une carrière en devenir.
Tueurs nés pour de faux
Et puis, à l'opposé total de ce spectre, il y a des héritages familiaux qui sont aussi lourds à porter. Nettement moins glamours aussi. Glaçants même. C'est le cas de Woody Harrelson. Natif du Texas et la soixantaine légèrement entamée, il promène sa silhouette à l'écran depuis près de 40 ans. Si sa carrière est, comme tant d'autres, en dents de scie, il a déjà plus que largement prouvé qu'il est un grand acteur.
C'est bien loin des travées hollywoodiennes qu'il a dû assumer un héritage paternel en forme de lourd fardeau. Car si lui a joué les Tueurs nés pour de faux, son père fut en revanche un authentique tueur à gages, et condamné à la prison à vie pour le meurtre d'un juge fédéral des Etats-Unis...
"Tueur à gages ? C'est un bon résumé de son job..."
"Dans les coupures de Presse, on disait que votre père était tueur à gages, est-ce une forme de glamourisation ou une simplification de son métier ?" C'est l'une des questions que pose le journaliste du Guardian à l'acteur en 2012, alors que ce dernier est venu à Londres pour y faire la promotion de son nouveau film, Rampart. Forcément piqué au vif, Harrelson accepte pourtant de dérouler un long récit.
"Vous savez, je pense que mes parents se sont séparés quand j'avais sept ans. Mais il était déjà parti bien avant, en prison. Il faisait des allers et retours. Allers et retours. Ce n'était pas comme s'il était là tout le temps avant ça".
Au début des années 70, alors qu'il a 11 ans, Woody Harrelson patiente dans la voiture d'une amie de sa mère venue le chercher à l'école. Et entend brusquement le nom de son père à la radio. "J'écoutais la radio et on parlait de Charles V. Harrelson et de son procès pour meurtre et bla bla bla bla...
Et je suis assis là à penser qu'il ne peut pas y avoir un autre Charles V. Harrelson. Je veux dire, c'est mon père ! C’était une réalisation folle. Puis la femme est montée dans la voiture, a vu mon visage et a réalisé que quelque chose se passait. C'était une dame très gentille".
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De retour chez lui, il tente de demander des explications à sa mère, une fervente presbytérienne, élevant seule ses deux fils, qui leur donne une éducation religieuse stricte. Elle est évidemment au courant des activités de son ex-mari mais n'en dira pas un mot. "Vous savez, je dois lui reconnaître du mérite parce qu’elle [...] n’a pas parlé négativement de lui, jamais, jamais. Et elle aurait pu – il n’était pas le meilleur mari. Ou père".
Le meurtre d'un juge fédéral
C'est en se plongeant dans les journaux que Woody Harrelson pourra reconstituer le glaçant parcours de son père. Après une petite carrière de vendeur d'encyclopédie dans les années 1950, Charles V. Harrelson entre dans le monde du banditisme avec des paris illégaux.
Il enchaîne ensuite les vols à main armée qui lui vaudront ses premières condamnations au début des années 1960, avant d'être accusé en 1968 d'avoir assassiné, pour la somme de 2000 $, Sam Degelia, un marchand de grain, père de quatre enfants. Après un premier procès au cours duquel il échappe à la condamnation, il est à nouveau traîné devant la justice en 1973 et condamné pour assassinat à 15 ans de prison.
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Libéré au bout de cinq ans pour bonne conduite, il est à nouveau rattrapé par la Justice en 1981, pour le meurtre du juge fédéral John H. Wood Jr., premier juge fédéral des États-Unis assassiné au cours du XXe siècle. Il est deux fois condamné à la prison à vie (aux Etats-Unis, contrairement à la France, les peines ne se confondent pas, mais s'empilent), avec un supplément de cinq ans pour obstruction à la Justice.
Pendant l'interrogatoire lors de ce procès, Charles V. Harrelson, en pleine montée de cocaïne, confesse ce crime, et ira même jusqu'à dire qu'il a participé à l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy.
Woody, 20 ans, entre en contact avec son père
C'est en 1981, après avoir entendu que son père avait été arrêté pour le meurtre du juge, que Woody Harrelson trouve le courage d'entrer en contact avec lui. "Mon père est l'une des personnes les plus éloquentes, cultivées et charmantes que j'ai jamais rencontré" racontera Woody Harrelson au magazine People, en 1988.
Il dépensera par la suite des millions de dollars pour tenter de faire sortir son père de prison, en vain. "J'ai essayé pendant des années de le faire sortir, pour lui permettre d'avoir un nouveau procès" raconte-t-il au journaliste du Guardian.
"Je pense qu'il n'a pas eu un procès équitable, parce que le gars qui avait supposément embauché mon père pour commettre le meurtre a été acquitté plus tard, lors d'un nouveau procès". L'homme dont il parle n'est autre que Jamiel Chagra, baron de la drogue texan spécialisé dans le trafic de marijuana.
Tentative d'évasion et prison d'ultra haute sécurité
Emprisonné au sein du pénitencier fédéral de Floride à Atlanta, Charles V. Harrelson tentera même de s'évader avec deux autres détenus, avant qu'un garde ne s'en aperçoive et tire dans leur direction en guise d'avertissement.
Il fut alors transféré à l'ADX de Florence, dans le Colorado; une prison de très haute sécurité. Une prison qui a été conçue pour héberger les condamnés pour crimes fédéraux jugés les plus dangereux du pays et nécessitant un contrôle étroit.
Les principaux condamnés pour terrorisme des États-Unis y sont incarcérés ainsi que les criminels jugés comme les plus dangereux, notamment les mafieux ou les membres de gangs. C'est là que Charles V. Harrelson terminera ses jours, victime d'une crise cardiaque survenue le 15 mars 2007, alors qu'il a 68 ans.
Matthew McConaughey, vrai frère de Woody Harrelson ?
En 2023, dans un podcast intitulé Let’s Talk Off Camera animé par Kelly Ripa, le comédien Matthew McConaughey a fait une suprenante déclaration. Ami de très longue date de Woody Harrelson, il racontait que ce dernier pourrait être... son vrai frère.
"Vous savez où je commence et où il finit, et où il commence et je termine, ca a toujours été comme une ligne trouble. Et ça fait partie de notre bromance, non ? Mes enfants l’appellent Oncle Woody. Ses enfants m’appellent Oncle Matthew. Et vous voyez des photos de nous, et ma famille pense que beaucoup de photos de lui sont de moi. Sa famille pense que beaucoup de photos de moi sont de lui".
C’est une déclaration de la mère de Matthew McConaughey, alors qu'ils étaient en vacances, qui a semé le doute. "En Grèce, il y a quelques années, nous nous sommes assis pour parler du fait que nous soyons proches et de nos familles. Et ma mère est là, et elle dit : "Woody, je connaissais ton père". Tout le monde était conscient des ellipses que ma mère a laissées après "connaissais". C’était un C-O-N-N-A-I-S-S-A-I-S chargé".
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La révélation a ainsi conduit Matthew McConaughey à enquêter sur ses antécédents familiaux. “Nous avons ensuite décortiqué ce que "connaissais" signifiait et avons fait quelques calculs et découvert que le père [de Woody] était en congé en même temps que ma mère et mon père étaient dans leur deuxième divorce. Ensuite, il y a des endroits possibles dans l’ouest du Texas où il aurait pu y avoir une rencontre.”
Les acteurs n’ont cependant pas encore décidé de passer un test ADN pour obtenir une preuve concrète. Pour Matthew McConaughey, connaître la vérité n’est pas aussi simple que pour Woody Harrelson…
“C’est un peu plus difficile pour moi parce qu’il me demande de tenter ma chance en disant : "Attendez une minute, vous essayez de me dire que mon père n’est peut-être pas mon père après 53 ans à croire cela ?" J’ai un peu plus d’enjeux dans cette histoire”.
Epilogue...
"Vous savez, je suis né le jour de son anniversaire" poursuit Woody dans son long entretien avec la Guardian. "Je crois qu'il y a un dicton au Japon, qui dit que si vous êtes né le jour de l'anniversaire de votre père, vous n'êtes pas comme votre père, vous êtes votre père. C'était tellement bizarre quand je m'assoyais et parlais avec lui. C'était juste époustouflant de voir toutes les choses qu'il faisait comme moi".
"Comme quoi ?" lui demande le journaliste. "Des choses idiosyncrasiques. La façon dont il riait. Le visage, très similaire". Heureusement pas la même triste trajectoire ni destinée.
