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    Peter Dinklage en VOD : il est un compositeur en panne d'inspiration dans la comédie Addicted to Romance
    Maximilien Pierrette
    Un feel-good movie avec une BO aux petits oignons, un drame situé dans l’Amérique rurale, une pépite qui prend le pouls des États-Unis, il aime se pencher sur la dernière sensation venue de l’autre côté de l’Atlantique.

    Neuf ans après "Maggie a un plan", Rebecca Miller est de retour avec "Addicted to Romance". Disponible en vidéo depuis le 8 février, ce film avec Peter Dinklage était passé par le Festival de Deauville où sa réalisatrice nous en avait parlé.

    Avec six films en un peu moins de trente ans, Rebecca Miller est une cinéaste rare. Mais son parcours l'a plus d'une fois menée sur les planches du Festival du Cinéma Américain de Deauville. C'est là qu'elle a présenté The Ballad of Jack and Rose (dans lequel elle dirigeait son époux Daniel Day-Lewis), Les Vies privées de Pippa Lee et Addicted to Romance, son dernier long métrage en date.

    Qui s'appelait She Came to Me au moment de sa présentation, dans un climat de grève des scénaristes (et des acteurs) auquel Rebecca Miller a affiché son soutien depuis la Normandie, alors qu'elle avait bénéficié d'une dérrogation pour évoquer son nouvel opus.

    Et c'est ainsi que nous avons passé quelques minutes avec elle parler de cette comédie dramatique portée par Peter Dinklage, Marisa Tomei et Anne Hathaway, sur un compositeur atteint du syndrome de la page blanche. Mais également de son écriture, du côté personnel du récit et de son rapport à la comédie romantique.

    Addicted to romance
    Addicted to romance
    Sortie : 7 février 2024 | 1h 42min
    De Rebecca Miller
    Avec Anne Hathaway, Marisa Tomei, Peter Dinklage
    Spectateurs
    2,2
    Disponible sur MAX

    AlloCiné : J'ai tendance à penser que quand un scénariste parle d'un blocage, c'est en référence son propre syndrome de la page blanche. Était-ce le point de départ de "Addicted to Romance" ?

    Rebecca Miller : Oui. J'avais d'abord écrit une nouvelle qui se déroulait à Dublin et parlait du syndrome de la page blanche d'un écrivain. Des années plus tard, il est devenu un compositeur d'opéra qui fait un blocage alors qu'il a l'occasion de revenir sur le devant de la scène. Mais cette histoire s'inspire, d'une certaine manière, de ce qu'il m'était arrivé plusieurs années auparavant.

    J'ai vécu un syndrome de la page blanche très dur, j'étais complètement bloquée. Ce qui, pour quelqu'un qui écrit, est une situation vraiment existentielle, comme vous pouvez vous en douter (rires)

    Pourquoi avez-vous choisi de transformer cet écrivain en compositeur ?

    Il y a plusieurs raisons. L'un de mes enfants est aujourd'hui compositeur et, avant d'étudier la composition, il jouait du violon. C'est avec lui que j'ai commencé à découvrir et apprécier l'opéra. Le nouvel opéra. J'ai commencé à regarder de nouveaux opéras et j'ai été très intéressée par le medium, que je trouve si émotionnel et malléable. On peut faire presque n'importe quoi à l'opéra, car on n'est pas régi par les lois de ce qu'il peut se passer dans le monde.

    C'est très libre, et je me suis dit qu'il serait magnifique d'avoir deux opéras dans le film. Que nous ayons le final de deux opéras à l'écran. J'aime les défis, et j'ai trouvé que celui-ci était énorme.

    J'ai vécu un syndrome de la page blanche très dur, j'étais complètement bloquée. Ce qui, pour quelqu'un qui écrit, est une situation vraiment existentielle.

    Plus généralement, quelle part de votre propre expérience a inspiré les films que vous avez faits ?

    Je ne les utilise pas à l'état brut. C'est-à-dire que je n'ai pas pour habitude de reproduire les choses telles qu'elles me sont arrivées, de les mettre telles quelles dans un scénario. Cela a pu arriver, mais dilué dans l'histoire que je raconte, de façon à pouvoir parler de mes préoccupations. Il y a certainement beaucoup de moi dans le personnage de Steven et, en même temps, ce n'est pas totalement moi. Je peux prendre des décisions en mon nom.

    Ce qui tend à se produire, c'est que tout, de l'histoire aux personnages, se révèle être un cocktail de certains aspects et de certaines expériences de vous-même, ainsi que de choses que vous avez observées, entendues.

    Vous utilisez le mot "observer" : est-ce que, comme Steven, vous observez les gens pour trouver des idées, comme lui le fait lorsqu'il promène son chien ? Les personnages de vos films et ce que vous y racontez sont très tangibles.

    Tout à fait ! Je suis très curieuse des êtres humains. Les gens m'intéressent vraiment. C'est même ce qui me motive le plus dans mon travail. Je suis aussi quelqu'un de très visuel, mais ce qui me pousse tout particulièrement à faire des films, c'est que je continue d'être fascinée par les gens.

    Je ne pense pas immédiatement à ce que je vais utiliser dans un film, ou si je vais le faire, mais il y a souvent des choses qui me frappent. Et je suis toujours à l'écoute. C'est la malédiction de l'écrivain.

    Rebecca Miller au Festival de Deauville Denis Guignebourg / Bestimage
    Rebecca Miller au Festival de Deauville

    Au-delà des personnes, vos films tournent souvent autour des relations et de la recherche du bonheur. Est-ce fait de manière consciente ?

    Certainement oui, car je crois en cette idée que les gens se changent ou se créent les uns les autres. Les êtres humains ne sont vraiment eux-mêmes que lorsqu'ils sont en relation avec d'autres personnes, et cela va bien au-delà de l'enfance. On insiste beaucoup sur ce que l'on apprend pendant l'enfance, à juste titre car il se passe beaucoup de choses importantes.

    Mais je pense que l'on peut aussi rencontrer quelqu'un, dans la quarantaine ou la cinquantaine, qui peut nous changer pour le meilleur ou pour le pire. Et je trouve cela très intéressant, car c'est ça la dramaturgie. Sinon, on ne fait que regarder une personne vivre une expérience seule.

    C'est aussi ce qui nourrit le jeu d'acteur : jouer, c'est écouter et répondre. C'est l'essence d'un bon jeu d'acteur. Donc quand, ici, vous observez Peter et Marisa faire de même dans la scène du bar où ils se rencontrent la première fois, c'est pour moi un cours magistral d'écoute et de réaction. Et on voit comment ils se changent l'un et l'autre en permanence.

    "Addicted to Romance" pointe aussi du doigt le mauvais effet qu'ont les comédies romantiques sur les gens. Est-ce quelque chose que vous ressentez personnellement, vu que vos films sont en quelque sorte des anti-comédies romantiques ?

    Je m'intéresse malgré tout à la forme de la comédie romantique. Dans le sens où c'est pour moi l'une des plus grandes formes d'art américain, qui nous renvoie à Ernst Lubitsch, Billy Wilder et tous ces réalisateurs merveilleux qui ont fait ces films. Mais le genre a été dévalorisé, alors qu'il y a de la place pour des personnages complexes, pour des anomalies.

    Montrer qu'une chose peut être vraie chez un personnage, mais son contraire aussi. Être capable de montrer quelqu'un qui souffre, mais à travers le prisme du pardon et de la légèreté. C'était mon but ici : Steven est très déprimé quand on le rencontre, mais comme Peter est un grand acteur, il transmet son anxiété, sa peur et sa tristesse d'une manière comique, ce qui est très difficile à faire.

    Que je regarde les choses d'un point de vue dramatique ou plus comique, je suis toujours intéressée par la manière dont un personnage va englober des qualités contradictoires.

    Je suis quelqu'un de très visuel, mais ce qui me pousse tout particulièrement à faire des films, c'est que je continue d'être fascinée par les gens.

    Il est aussi question du fait que l'on ne peut pas toujours contrôler les choses dans la vie, et pas seulement pour le personnage principal.

    Oui, c'est quelque chose que j'évoque souvent dans mes films. Car je pense que savoir que l'on ne peut pas tout contrôler dans la vie est effrayant, et qu'il faut accepter que l'on vit dans un univers quelque peu chaotique, qu'on ne sait pas forcément ce qu'il va se passer. Et que vous ne pouvez pas contrôler qui vous entourent, que vous aimez et que vous aimeriez protéger.

    J'ai aussi remarqué un autre motif dans mes films, même si je ne le mets pas nécessairement de manière consciente : la fuite. D'une certaine manière, Addicted to Romance est un grand déballage de vies. La vie de chacun se déroule, et tous s'approchent de leur vision de la liberté.

    Ce qui est parfois contre-culturel, à l'image de ce que fait Patricia [Anne Hathaway], dans le contexte du monde matérialistes dans lequel nous vivons. Ou la manière dont les enfants poursuivent leur premier amour, ce que nous faisons peu en tant qu'adultes.

    Vous avez été actrice avant de devenir scénariste et réalisatrice : dans quelle mesure cela vous aide-t-il lorsque vous écrivez un personnage ou dirigez son interprète ?

    Cela m'aide beaucoup. J'ai toujours eu conscience que le jeu n'était pas mon principal talent, mais je pense en avoir assez fait l'expérience. L'avoir suffisamment étudié et même fait l'expérience des certaines choses négatives qui peuvent leur arriver. Ça m'a aussi permis de comprendre qu'il faut aborder chaque acteur différemment, car ils ont tous des besoins différents. On ne peut pas parler à chacun de la même manière, il faut savoir s'adapter.

    Notamment au fait que chaque acteur ne réagira pas de la même manière face à une situation donnée.

    Absolument. Certains acteurs ont besoin d'espace. D'autres que vous vous rapprochiez d'eux pour travailler en étroite collaboration. Il faut être capable de sentir cela. Et même si l'on ne peut pas toujours viser juste, mais j'ai le sentiment qu'il y a une chose pour laquelle je suis douée, c'est de comprendre les gens.

    Marisa Tomei & Peter Dinklage Originals Factory
    Marisa Tomei & Peter Dinklage

    Dans quelle catégorie d'acteurs placez-vous Peter Dinklage ?

    Il est extrêmement indépendant en tant qu'acteur, mais aussi très réactif. Si vous dites une toute petite chose, il s'en imprègne, comme une goutte de colorant dans un verre d'eau. Il faut donc être très économe lorsqu'on lui parle, car il est très intelligent. Et si sensible. Mais, dans l'ensemble, son instinct est merveilleusement fort. Et il es très réaliste, il parvient à rendre des scènes très réelles, ce que j'adore.

    Est-ce grâce à lui que Bryce Dessner a composé la musique du film ? Vu qu'ils avaient travaillé ensemble sur "Cyrano".

    C'est plus une coïncidence : c'est grâce à Katia Labèque, la pianiste qui joue dans le film. C'est une amie proche de mon mari [Daniel Day-Lewis, ndlr] et moi, et je voulais vraiment qu'elle soit dans le film d'une manière ou d'une autre. Et c'est elle qui m'a recommandé Bryce, en me disant qu'il avait écrit des opéras. Et des concertos pour elle et sa soeur Marielle Labèque. En plus de musiques de film, et de sa présence dans le groupe The National.

    Il a une immense connaissance, non seulement de sa propre musique, mais aussi du genre d'opéra que l'on retrouve dans le film, ce qui est incroyable. Je voulais que cette partie sonne juste, pas d'un pastiche ou d'un compositeur de film qui écrirait des choses ressemblant à de l'opéra contemporain. Quelqu'un qui l'écrive vraiment, pour qu'on le prenne au sérieux. Même s'il y a une part de comédie dans le film, ça n'aurait pas fonctionné si ça ne paraissait pas réel.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Deauville le 3 septembre 2023

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