Le 23 janvier 1977, ABC diffuse aux Etats-Unis le premier épisode de la mini-série Roots (Racines en France), adaptée du roman homonyme d'Alex Haley. La chaîne ignorait alors que le show allait devenir l'un des plus grands succès de la télévision, et son final être suivi par 100 millions de téléspectateurs à travers le monde. Des chiffres historiques !
On estime à 85% des foyers avec télévision ont regardé au moins l'un de ses huit épisodes, tous diffusés à raison de un par soir du 23 au 30 janvier 1977. On y suit Kunta Kinte (joué par un tout jeune LeVar Burton), Africain capturé et réduit en esclavage dans les années 1700, et emmené de force en Amérique. Racines explore son parcours à différentes époques de sa vie.
Roots fait partie de nos 5 films et séries à voir ou à revoir sur la traite d'esclaves
Racines est l'une des premières œuvres destinées au très grand public présentant les Blancs comme les méchants et les opposant aux Noirs, les véritables héros de ce récit, sans les réduire à leur statut de victimes.
Même s'il existait depuis deux ans déjà The Jeffersons, une sitcom précurseur, abordant ponctuellement des sujets très profonds liés à la culture et l'histoire afro-américaine, Roots a apporté un aspect "docu filmé" via la patte de son producteur David L. Wolper, et assumé de se tourner vers le drame pour aborder frontalement l'histoire du peuple africain.
Le spécialiste des médias Adrien Sebro analysait pour CNN en 2023 : "[Roots] a joué un rôle déterminant dans la façon dont nous percevions la télé ; la vie des Noirs, la façon dont les Noirs sont arrivés en Amérique, était racontée en vérité. Cela a posé les bases du storytelling profond et de l'ampleur que l'on pouvait trouver à la télévision."
Le succès de la série a été tel que plusieurs séries dérivées ont vu le jour au fil des années. D'abord Racines: Les nouvelles générations dès 1979, avec Debbi Morgan, Dorian Harewood et en guests Henry Fonda, Pam Grier, Olivia de Havilland et Marlon Brando, puis Roots: The Gift, avec le retour de LeVar Burton. Une nouvelle adaptation du roman est sortie en mini-série en 2016 avec Malachi Kirby dans le rôle de Kunta Kinte.
L'héritage : l'exemple du rap
Ce personnage a d'ailleurs connu une deuxième vie dans la musique rap, aux Etats-Unis comme en France. Dès 1992, Passi écrit dans le titre Damnés du Ministère A.M.E.R. : "Ai-je un droit sur les terres de chez moi ? Nos ancêtres ont-ils eu des droits ou le schéma était-il encore une fois des damnés comme Kunta Kinte, devant vos lois ?" IAM signe carrément le morceau Tempérament Kunta Kinte en 1997 :
Fers aux mains, chaînes aux pieds, on traîne un boulet / (...) Résidents aigris du négrier / Serviteurs de notre esclavage, armés de Kunta Kinte / De pseudos sauvages illettrés.
En 1999, le collectif Bisso Na Bisso choisit Racines comme titre de son premier album. Dans le morceau Kunta Kinte - Enfant du destin (2012), le rappeur Médine consacre plus de 7 minutes à raconter l'histoire du personnage et du symbole de l'esclavage qu'il représente désormais. Encore en 2023, le rappeur Slkrack a publié un titre reprenant directement un extrait de la série et symboliquement intitulé... Kunta Kinte.