De quoi ça parle ?
Alors qu’une longue nuit d’hiver tombe sur la ville d’Ennis, en Alaska, les huit hommes en charge de la station de recherche arctique de Tsalal disparaissent sans laisser de traces. Pour résoudre l'affaire, les détectives Liz Danvers et Evangeline Navarro vont devoir surmonter leurs propres démons et sonder les glaces éternelles à la recherche des secrets les plus profondément enfouis.
True Detective : Night Country, une saison écrite et réalisée par Issa López avec Jodie Foster, Kali Reis, Finn Bennett, Fiona Shaw...
C'est avec qui ?
Depuis la première saison, on connaît la "charte" True Detective : des acteurs estampillés cinéma qui viennent briller dans une série prestige. Après le duo Matthew McConaughey – Woody Harrelson dans la saison 1, le quatuor Colin Farrell – Rachel McAdams – Taylor Kitsch – Vince Vaughn dans la saison 2 et le duo Mahershala Ali – Stephen Dorff dans la saison 3, la saison 4 change "un peu" les règles du jeu.
La star de cinéma, c'est Jodie Foster et elle forme un duo comme dans les saisons 1 et 3 avec Kali Reis, une championne de boxe qui entame depuis peu une carrière d'actrice. Véritable révélation de la série, Kali Reis s'impose par son charisme naturel et aussi sa carrure de boxeuse qu'on ne voit pas si souvent au cinéma ou à la télévision.
Jodie Foster interprète Liz Danvers, cheffe de la police d'Ennis, en Alaska. On peut facilement la qualifier de droguée du travail. Une femme brillante qui pose toujours les bonnes questions et ne lâche jamais rien. Si elle est brillante, elle n'inspire pas vraiment la sympathie. Elle se distingue par son caractère rude, son extrême exigence et son don à appeler ses collègues à toute heure du jour et de la nuit.
Quant à Kali Reis, elle joue Evangeline Navarro, une policière d'origine autochtone d'Ennis. C'est une femme volontaire qui ne considère jamais un "non" comme une réponse définitive. C'est aussi une véritable force de la nature, capable de s'opposer physiquement à de vrais poids lourds sans broncher.
À leurs côtés, on découvre un autre talent, Finn Bennett (déjà aperçu dans Top Boy ou Liar : la nuit du mensonge). Il campe Peter Prior, le jeune et talentueux bras droit de Danvers et le fils de Hank Prior (John Hawkes), lui aussi policier d'Ennis mais à la morale moins stricte. On croise également Fiona Shaw et Christopher Eccleston dans des rôles secondaires.
Michele K. Short/HBO
Ça vaut le coup d'œil ?
Mélange de série policière et de buddy movie, avec option "questionnement métaphysique", True Detective a ébloui le public en 2014 avec sa première saison envoûtante, contribuant à inaugurer un nouvel âge d'or post-Soprano de la télévision de prestige. Une période axée sur l'auteur et chargée de stars avec House of Cards sous l'aura de David Fincher en 2013, Top of The Lake de Jane Campion et toutes les autres séries qui ont suivi.
Toujours écrites par le créateur Nic Pizzolatto, les saisons deux et trois ont laissé le public sur sa faim. La quatrième saison, intitulée "True : Detective : Night Country", démontre de manière quasi irréfutable que la franchise True Detective a besoin d'être portée par quelqu'un avec une vraie vision.
Si la réalisatrice mexicaine Issa López (ils reviennent...) n'avait pas encore reçu le titre d'autrice, sa saison de True Detective – intensément ambitieuse, complexe et totalement obsédante – devrait cimenter cette étiquette pour toujours.
Night Country est captivante dès le départ. S'inspirant du cinéma de John Carpenter (The Thing), de Stanley Kubrick (Shining) et de David Fincher (Seven), elle donne pourtant l'impression d'être une œuvre entièrement originale. Une sorte de western glacial et tentaculaire qui se déroule dans l'énigmatique Arctique. Issa López ramène True Detective à ses racines tout en retournant la série, ce qui donne quelque chose de familier, tout en restant totalement unique.
Issa López s'appuie aussi sur son propre héritage : la prédisposition de la culture mexicaine à célébrer et reconnaître les morts. La protégée de Guillermo del Toro n'hésite pas à injecter de l'horreur en jouant sur le dépaysement total du spectateur. Dans ce nouveau True Detective, le pays de la nuit et les morts ne cessent d'appeler, de chuchoter et de crier...
Michele K. Short/HBO
Les meilleures ennemies
Reprenant la figure récurrente du conflit entre les protagonistes, Night Country se déroule dans la ville minière fictive d'Ennis, en Alaska. Liz Danvers et Evangeline Navarro sont deux flics marquées par des tragédies passées. Et elles ont travaillé ensemble sur une affaire de meurtre-suicide il y a des années, se sont disputées à ce sujet et ont délibérément mis autant de distance que possible entre elles depuis lors.
Mais la disparition troublante et inexplicable de huit hommes qui exploitaient la station de recherche arctique de Tsalal réunit ces deux fortes têtes, d'autant plus qu'elle a un lien indirect avec le meurtre non élucidé d'une militante autochtone, Annie Kowtok. Une affaire si brutale et cruelle qu'elle obsède Navarro depuis des années.
Navarro est instinctive et intuitive, avec un côté spirituel lié à la terre, à l'environnement, aux gens, au passé. Danvers est tout le contraire : analytique, méthodique, soucieuse de poser les bonnes questions, une dure à cuire implacable, tellement préoccupée par son travail qu'elle s'est aliénée tous ceux qui l'entourent. Aveugle aux coutumes et aux manières de la communauté autochtone qui l'entoure, elle s'est inconsciemment enfoncée dans le statut de marginale antipathique.
Au départ, Danvers, profondément sceptique, n'est pas convaincue que l'affaire des chercheurs disparus ait quelque chose à voir avec le meurtre d'Annie Kowtok, une affaire classée il y a des années. Finalement, l'implacable Navarro continue de tirer sur ce fil, et les détectives commencent à découvrir des liens intrigants que même Danvers ne peut ignorer.
Le duo contrarié se reforme, et Night Country commence à nous captiver avec cette histoire sinistre et fascinante qui se déploie lentement touchant aux questions environnementales, aux dynamiques familiales toxiques et aux passés troublés. C'est alors qu'on se laisse glisser, comme les deux héroïnes dans cette spirale infernale – un motif qui va hanter toute la saison – pour mieux prendre la dimension de ce récit.
Michele K. Short/HBO
Un autre True Detective
Tout est lié. L'enquête, les personnages, le contexte, tout prend une dimension sociétale voire politique habilement mise en place. Et pour le coup totalement inédite, au regard des saisons précédentes. Ce True Detective : Night Country propose d'autres représentations.
À commencer par celle du féminin – avec ses personnages mal aimables et auxquels on s'attache à notre corps défendant – et bien plus qu'une simple enquête comme on a pu le voir dans les saisons précédentes. En ce sens, d'aucuns peuvent opérer un rapprochement avec Mare of Easttown, autre production prestigieuse de HBO et portée par Kate Winslet.
Abordant les thématiques raciales, de classe, de l'exploitation, des abus, de la transmission, de l'héritage du colonialisme, du changement climatique, et plus encore, l'intrigue de Night Country est profonde et riche.
Pas tout à fait une série d'horreur, ni un simple thriller, mais une œuvre captivante, Issa López a soigneusement élaboré un classique instantané de la série policière. En fin de compte, ce drame fascinant sur la nuit noire s'attaque à l'âme, au poids des morts, à leur héritage et à l'idée qu'aucun d'entre nous ne sort jamais vraiment de la longue nuit indemne.
