Portrait brisé d’un homme aux mille visages
Après plusieurs années d’addiction, Yazid entrevoit enfin des jours meilleurs lorsque sa carrière de comédien commence à décoller. Mais pour cet homme au passé trouble, dont les racines familiales ont été coupées trop tôt, difficile de jongler entre ses responsabilités de père d’une part et de jeune fiancé de l’autre.
Lorsque ses angoisses reviennent sous la forme de souvenirs enfouis, replonger dans ses vieux démons semble inéluctable…
Après s’être fait connaître du grand public pour son rôle dans La Vie d’Adèle (Palme d’Or à Cannes) et le diptyque Mektoub, My Love d’Abdellatif Kechiche, Salim Kechiouche s’est illustré à la télévision dans des séries à succès telles que Lupin ou Braqueurs.
Sans pour autant abandonner son statut d’acteur, il entame avec L’Enfant du paradis un premier pas derrière la caméra, en tant que réalisateur.
À la fois cinéaste, scénariste et premier rôle, Salim Kechiouche donne vie à un projet si personnel qu’il semble autobiographique. Mais est-ce vraiment le cas ?
“C’est ma vie, mais en même temps, ce n’est pas la mienne.”
S’il est avant tout connu pour ses performances d’acteur, Salim Kechiouche revient en réalité à ses amours originelles avec L’Enfant du paradis : l’écriture et la réalisation. Pas étonnant qu’il ait donc choisi pour ce premier long-métrage un sujet aussi personnel.
Le scénario, qu’il a co-rédigé, semble particulièrement intriqué dans sa vie et celle de ses proches… sans pour autant être autobiographique.
“Le point de départ a été le décès de l’un de mes meilleurs amis, raconte le réalisateur, qui était lui aussi acteur. [...] Je me suis approprié cette histoire, tout en m’en éloignant. Je l’ai imbriquée à la mienne, beaucoup plus fortement que je ne l’avais imaginé au départ, en intégrant des archives personnelles. [...] C’est ma vie, mais en même temps, ce n’est pas la mienne.”
Ponctué de séquences bien réelles de l’enfance de Salim Kechiouche, filmées au caméscope, L’Enfant du paradis ne cesse de questionner les rapports à l’origine, qu’elle soit géographique, historique ou familiale.
Figure brisée en quête de reconstruction, Yazid cherche par tous les moyens à éviter la confrontation avec ce passé abandonné, malgré les interrogations de sa compagne (incarnée par Nora Arnezeder). Ces questions, et plus encore ces absences de réponses, sont toutes liées à un même événement traumatique : la mort de la mère du personnage.
“La mort de la mère est le vrai sujet du film, poursuit Salim Kechiouche. Le propos est si intime qu’il en devient universel parce que tout le monde a perdu quelqu’un de cher. Tout le monde a vécu, de près ou de loin, ce genre de conflits intérieurs et familiaux. [...]
C’est comme si les morts revenaient dans le film pour nous dire au revoir. Même si les gens ne le savent pas, le film se charge de cette matière mortifère.”
Passant du statut d’acteur à celui hybride d’acteur-cinéaste, mêlant son existence à celle de ses proches pour aboutir à une expérience du deuil quasi-universelle, Salim Kechiouche signe avec L’Enfant du paradis un grand premier film, à découvrir en salle dès le 6 décembre.