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    Après la Palme d’or Moi, Daniel Blake, le nouveau film de Ken Loach est-il inspiré d’une histoire vraie ?
    Isaac Barbat
    Isaac Barbat
    -Rédacteur ciné-séries
    Biberonné aux films de genre dès son plus jeune âge, amoureux des monstres et de l'hémoglobine, ses excursions cinématographiques le mènent parfois jusqu'à Truffaut ou Duvivier… pour son plus grand plaisir !

    Primé quatre fois à Cannes et trois fois aux César, le grand Ken Loach est de retour au cinéma avec The Old Oak, son dernier long-métrage. En salle dès ce 18 octobre, il offre un regard d’une maturité inégalée sur le monde moderne et ses soucis.

    Une fable sociale, touchante et moderne

    TJ Ballantyne (Dave Turner) est le propriétaire du Old Oak, vieux pub décrépi du nord de l’Angleterre où ne se réunit plus qu’une bande de vieux habitués. Divorcé depuis plusieurs années, TJ n’a plus pour seule famille que sa petite chienne fidèle, Marra.

    Copyright Wild Bunch 2023

    Lorsque des familles de réfugiés syriens s’installent dans la bourgade, nombreux sont les habitants à se montrer méfiants, voire agressifs, avec ceux qu’ils considèrent comme des “parasites”. C’est que eux non plus n’ont rien, et craignent de se voir dépossédés du peu qu’il leur reste.

    The Old Oak
    The Old Oak
    Sortie : 25 octobre 2023 | 1h 53min
    De Ken Loach
    Avec Dave Turner, Ebla Mari, Claire Rodgerson
    Presse
    3,3
    Spectateurs
    4,0
    louer ou acheter

    Mais parmi les réfugiés, TJ va faire la rencontre de Yara (Elba Mari), une jeune photographe au grand cœur. Avec sa nouvelle amie, ils vont faire leur possible pour apaiser les tensions et tenter de faire du Old Oak un lieu de partage où se serrer les coudes.

    Un processus de création plus proche que jamais de la réalité

    Avec des films tels que Family Life, La Part des anges ou plus récemment Moi, Daniel Blake, le réalisateur britannique Ken Loach n’a cessé de prendre à bras le corps des sujets sociaux profondément ancrés dans son époque : les conditions de vie des ouvriers, l’avortement, l’addiction, le traitement des personnes en situation de handicap…

    C’est cette fois à une double problématique qu’il s’attaque. D’abord, l’accueil réservé aux réfugiés en Angleterre, notamment dans les milieux ruraux. Ensuite, le sentiment d’abandon dont peuvent justement souffrir les habitants de ces milieux, en comparaison avec ceux des grandes villes.

    Frappés par le réalisme de cette situation, le spectateur attentif pourrait se croire face à l’adaptation d’un véritable fait divers. Pourtant, ce n’est pas le cas : si The Old Oak semble si crédible, presque documentaire, c’est que Ken Loach s’attarde à fabriquer le cadre de son intrigue dans une forme de naturalisme quasi zolien ou le réalisateur ne s’attribue pas la place de démiurge créateur, mais plutôt d’observateur de faits précis. Les personnages de The Old Oak n’existent peut-être pas sous leur nom dans la réalité, mais la situation n’a pourtant rien d’une fiction.

    Copyright Wild Bunch 2023

    En effet, lors du tournage de ses précédents films, Ken Loach avait été le témoin privilégié de la misère des campagnes anglaises : “L’un des points de départ était la réalité d’une région qui a été abandonnée, déclare-t-il. La plupart des villages miniers, autrefois prospères et fiers de leurs traditions de solidarité, [...] ont été laissés à l’abandon par les politiques [...]. Beaucoup de familles ont quitté la région, les magasins ont fermé, tout comme les écoles, les bibliothèques, les églises et la plupart des lieux publics. Lorsqu’il n’y a plus eu de travail, et que l’espoir a disparu, la frustration, le désespoir et un sentiment d’ostracisme ont grandi. De manière inquiétante, l’extrême-droite s’est renforcée.

    À ces problématiques sociales préexistantes s’est donc ajouté une nouvelle tension, celle liée à l’arrivée d’étrangers dans ces milieux ruraux délaissés : “Il y avait deux communautés vivant l’une à côté de l’autre, souffrant toutes les deux de graves problèmes, mais dont l’une avait subi un traumatisme – fuir une guerre d’une cruauté inimaginable – et qui pleurait désormais ses morts et s’inquiétait terriblement pour tous ceux qui étaient restés sur place. Ils étaient étrangers dans un pays qu’ils ne connaissaient pas. Est-ce que ces deux communautés pouvaient cohabiter ? Les réponses sont forcément contradictoires. À une époque aussi sombre, comment trouver l’espoir ?

    Copyright Wild Bunch 2023

    Loin du manichéisme habituel, Ken Loach prouve une nouvelle fois sa grande finesse en interrogeant avec une sincérité évidente les membres de ces deux groupes que tout oppose en apparence, mais que le désespoir peut aussi rapprocher.

    La parole donnée aux ouvriers anglais fascine véritablement. Plutôt que de les tourner en ridicule, le réalisateur cherche à comprendre les raisons de leur rejet, sans pour autant pardonner.

    Comme toujours, nous avons recueilli des témoignages et nous en sommes imprégnés, raconte Ken Loach. Après avoir passé des années à nous intéresser à des conflits sociaux et à des luttes, nous savons à quoi nous attendre, mais le déroulement précis des événements et la réaction exacte des gens sont toujours révélateurs. Ce qui nous a frappés, c’est que chaque point de vue comporte une part de vérité. [...] Il n’y a pas de méchants absolus ici. Un sentiment d’injustice peut pousser les gens vers les extrêmes, mais leur comportement est toujours motivé par une certaine logique. Si on passe à côté de cette dimension, on appauvrit la dramaturgie.

    Fable moderne au diapason des problématiques sociales de son temps, The Old Oak est une nouvelle leçon d’humanité et de cinéma de Ken Loach qui ravira votre cœur et vous fascinera par la justesse de son traitement. À découvrir dès aujourd’hui, exclusivement au cinéma.

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