Après Goodbye Morocco et Lola Pater, découvrez L'Air de la mer rend libre, le dernier film de Nadir Moknèche.
Présenté lors du dernier Festival du Film Francophone d'Angoulême, le long métrage se déroule de nos jours à Rennes. Saïd (Youssouf Abi-Ayad) habite encore chez ses parents. Il vit une liaison secrète avec Vincent (Arturo Giusi Périer). Incapable d’affronter son père (Zinedine Soualem), il accepte un mariage arrangé avec Hadjira (Kenza Fortas).
Après une histoire d’amour malheureuse et quelques démêlés avec la justice, elle aussi s’est résignée à obéir à sa mère. Piégés par leurs familles, Saïd et Hadjira s’unissent malgré eux, pour retrouver, chacun de son côté, leur liberté.
L'Air de la mer rend libre est le cinquième long métrage de la jeune comédienne Kenza Fortas, découverte dans Shéhérazade qui lui a valu le César du meilleur espoir féminin en 2019. Cette dernière est ensuite apparue dans Bac Nord de Cédric Jimenez et dans deux épisodes de la série de Franck Gastambide, Validé.
Elle donne ici la réplique à Youssouf Abi-Ayad dont c'est le premier long métrage de cinéma. Le comédien a déjà fait ses preuves sur les planches, notamment chez Christophe Honoré, et a mis en scène plusieurs pièces de théâtre.
"Tordre le cou aux clichés"
Le personnage de Saïd est né d’un constat que Nadir Moknèche a fait sur la représentation des hommes gays, arabes et français aujourd’hui. Il explique dans le dossier de presse du film : "Si vous tapez ces trois mots sur un moteur de recherche, vous verrez apparaître une majorité d’images pornographiques, des images fétichistes associées à un stéréotype du lascar viril. J’ai toujours travaillé à tordre le cou aux clichés et à déconstruire les poncifs pour proposer une autre représentation des Maghrébins en France.
J’ai ainsi envisagé un jeune homme issu d’une famille intégrée, qui se retrouve pris dans un étau culturel – son homosexualité le marginalise dans sa famille, mais ses origines l’aident sur le marché du sexe, à condition de mimer la racaille qu’il n’est pas. Saïd profite des clichés pour pouvoir draguer. Il en est victime et les utilise à la fois. En parallèle, il y avait cette idée d’un mariage arrangé pour le garçon, prenant le contre-pied de la situation typiquement représentée".
A l'image de ses précédents films, le réalisateur tente ici de casser les préjugés sur la représentation des Maghrébins dans le cinéma français.
Zahia, de retour au cinéma
Le film marque également le retour devant la caméra de Zahia Dehar, quatre ans après Une fille facile de Rebecca Zlotowski. C'est d'ailleurs après avoir vu ce film que le réalisateur lui a proposé le rôle de Fariza.
Il explique : "Zahia Dehar incarne une autre mère que celles de Saïd et Hadjira et, avec Vincent Heneine qui joue son mari, ils représentent une sorte de couple fantasmé, apaisé, que ce soit dans sa virilité à lui ou dans sa féminité à elle. Zahia est une femme assumée et libre." Il ajoute : "J’avais à cœur de la voir incarner une mère de famille, loin de l’iconographie qui lui est associée."
L'Air de la mer rend libre est divisé en plusieurs chapitres. Nadir Moknèche explique que ce séquençage s'est clarifié durant le montage du film. "Je voulais une histoire simple, qui aille à l’essentiel et dont le sujet soit exposé d’emblée. J’aimais l’idée que le film s’ouvre in medias res et qu’on soit emporté par le vent de cette histoire : les dés sont tout de suite jetés, le sort des personnages est scellé, les voici mariés. Que vont-ils faire? On découvre leur entourage s’activer autour d’eux au moment du mariage, avant de les retrouver seuls, confrontés à leur nouvelle vie."
Car il est question ici de mariage arrangé, chacun ayant accepté pour des raisons différentes de se plier à la demande de leurs mères et d'émancipation. Mais le film traite également de l’immigration de deuxième génération.
Le cinéaste déclare : "Les parents de Saïd ont mon âge, ils sont issus de cette immigration, leurs parents étant arrivés en France après la Seconde Guerre mondiale. Ces personnages sont des petits bourgeois qui veulent maintenir leur rang à tout prix. On retrouve la hantise du rejet, la peur d’une désintégration. La boucherie unit cette famille. Ils travaillent ensemble, se voient le dimanche; les parents font tout pour «être des gens bien». Le matriarcat et le patriarcat tiennent cette famille, et cela a ses limites."
L'Air de la mer rend libre est à voir actuellement au cinéma.