De quoi ça parle ?
Après une promotion enviée dans un fonds d'investissement aux méthodes impitoyables, la relation amoureuse entre Emily (Phoebe Dynevor) et Luke (Alden Ehrenreich) tourne au vinaigre. Alors que les rapports de force changent à jamais au sein de leur couple, les amants vont découvrir le véritable prix de la réussite et les limites troublantes de l'ambition.
Fair Play, un film écrit et réalisé par Chloe Domont avec Phoebe Dynevor, Alden Ehrenreich, Eddie Marsan...
C'est avec qui ?
Film indépendant qui a fait l'objet d'une belle bataille aux enchères lors du dernier festival de Sundance, Fair Play s'offre une très jolie affiche avec Phoebe Dynevor – Daphne de Bridgerton – et Alden Ehrenreich (Solo : A Star Wars Story et Oppenheimer). Ils forment ce couple qu'on pense idéal mais qui va se déchirer.
Autour d'eux, on retrouve plusieurs visages familiers du petit écran. Eddie Marsan (Ray Donovan) incarne Campbell, leur supérieur au management brutal. Et parmi leurs collègues, on retrouve Rich Sommer (Mad Men) et Sebastian de Souza, révélé dans Skins.
Ça vaut le coup d'œil ?
D'abord promu comme un thriller érotique, Fair Play est en réalité un drame intime qui s'articule comme un thriller psychologique. Il nous vient de Chloe Domont qui s'est fait un nom en tant que réalisatrice pour la télévision, notamment pour Ballers, Billions et bien d'autres séries. Et Fair Play devrait lui permettre de se faire un nom dans le cinéma.
Elle y propose une exploration captivante des mécanismes de pouvoir aussi bien au sein du couple que dans le monde professionnel, ici la haute finance. Emily et Luke viennent de se fiancer. Mais quand Emily obtient la promotion que Luke espérait, les tensions apparaissent au sein de leur relation.
C'est un film post #MeToo, qui creuse les questions d'agressions physiques, psychologiques et d'abus sexuels ainsi que la masculinité toxique, encore enracinée dans la culture occidentale, et dans ce monde où les femmes sont traitées de manière persistante comme inférieures aux hommes.
Emily et Luke gardent leur romance secrète, car cela va à l'encontre de la politique de l'entreprise – et ils attendent tous deux d'être promus pour rendre leur relation publique. Mais le fait qu'Emily soit promue la première entraîne une avalanche de difficultés au sein du couple.
Alden Ehrenreich dépeint à merveille le malaise de Luke face à la réussite de sa fiancée avec une véracité incroyable. Et il prend le temps de dévoiler ses propres insécurités et son statut d'homme piégé par la masculinité toxique dans laquelle il a été élevé.
Sergej Radovic / Courtesy of Netflix
Insécurités
Après cette promotion, Luke est à présent l'analyste d'Emily, il travaille directement sous ses ordres, ce qui accentue encore son insécurité et montre à quel point il a été influencé/façonné par le monde qui l'entoure. Au début, il semble être le fiancé gentil et encourageant, surtout dans la scène d'ouverture du film.
Au fur et à mesure que le film dissèque cette relation complexe entre Luke et Emily, on commence à voir son vrai visage, et ses pensées toxiques enracinées sur les hommes et les femmes prennent le dessus.
Le personnage de Phoebe Dynevor met en évidence le fait que les femmes sont constamment surveillées par leurs patrons et leurs conjoints, qui attendent à la moindre occasion qu'elles fassent une erreur pour leur tomber dessus.
Dynevor montre bien qu'Emily est toujours préoccupée par trente-six choses à la fois, qu'elle essaie d'équilibrer les attentes que tout le monde a envers elle, y compris sa famille, et qu'elle n'est jamais traitée comme si elle en fait assez. On ressent sa douleur et sa frustration, ainsi que ses brefs moments de bonheur qui sont réduits à néant par la façon dont ses accomplissements sont traités par Luke.
Netflix
Dynamiques mouvantes
Fair Play fonctionne comme une exploration tendue des politiques sexuelles (ou bataille des sexes), en particulier de la façon dont elles évoluent sur le lieu de travail. Les changements observés chez Luke au fur et à mesure que le film progresse sont d'un réalisme terrifiant et montrent comment des hommes qui semblent bons révèlent lentement leurs tendances sexistes au fil du temps.
Luke passe d'un soutien après la promotion d'Emily à un homme fragilisé par un sentiment de mise en péril et de dévalorisation face à son succès, estimant qu'il le mérite plus qu'elle parce qu'il est un homme et qu'elle est une femme. Ehrenreich joue ces changements chez Luke avec sobriété, exprimant des allusions subtiles même dans les moments où Luke est le plus encourageant.
C'est d'autant plus marquant que Fair Play introduit la relation entre Emily et Luke, en montrant d'abord un couple aimant, jusqu'à ce qu'ils quittent tous deux leur domicile en prenant des directions opposées, mais se retrouvent dans le même ascenseur pour se rendre à leur travail au sein du même open space.
En plus d'explorer la façon dont les femmes sont traitées de façon inégalitaire sur le lieu de travail et dans leurs relations, Fair Play met également en lumière les dangers de la masculinité toxique et la façon dont elle peut infiltrer les hommes, les transformant en quelqu'un qu'ils n'ont jamais voulu être. Luke commence à suivre un séminaire de développement personnel censé lui donner confiance en lui, mais qui lui inculque en réalité des idéaux sexistes, toxiques, le poussant à traiter Emily comme un objet.
Slobodan Pikula / Courtesy of Netflix
Le film dépeint de manière réaliste une relation qui s'effondre lorsqu'un homme se sent menacé par le succès de la femme de sa vie, comme si cela faisait de lui un homme moins bien, moins digne que les autres. Et on partage la douleur d'Emily alors que ce moment devrait être une cause de célébration, mais cela la rend de plus en plus consciente de la façon dont le monde perçoit les femmes.
Fair Play réussit parfaitement à nous faire éprouver de la sympathie pour Emily... et Luke. On a vu la personne qu'était Luke au début du film mais aussi son changement de comportement. Et Fair Play montre très bien comment même les personnes en qui on a confiance peuvent montrer leur vrai visage lorsqu'elles se sentent menacées par le pouvoir et le succès d'une femme.
Le parti pris du dernier tiers du film – qu'on ne révélera pas ici – peut provoquer un débat, mais on vous laisse le découvrir par vous-mêmes. Fair Play est en tout cas, assurément, un film qui ne laisse pas indifférent...