La double grève historique des scénaristes de la WGA (Writers Guild of America, le syndicat des scénaristes américains qui protège leurs droits d'auteur) et des acteurs et actrices sous l'impulsion de la SAG-AFTRA (Screen Actors Guild ‐ American Federation of Television and Radio Artists, le syndicat professionnel américain des acteurs) contre les studios bat toujours son plein.
Les deux syndicats militent pour une revalorisation des droits et des conditions de travail, une augmentation des salaires fixes et résiduels notamment sur les contenus de streaming et des processus de castings moins lourds.
Mais il y a une autre cause qui fait énormément réagir les personnalités du milieu : l'Intelligence Artificielle. Les deux syndicats manifestent pour un encadrement de l'utilisation de l'IA, avec une régulation éthique de l'usage des visages des artistes interprètes, avec leur consentement, et une garantie de rémunération appropriée lorsque les performances technologiques sont mises en œuvre, mais aussi contre la génération de scripts par ordinateur.
Tom Cruise en avait d'ailleurs fait l'un de ses sujets de préoccupation lorsqu'il a tenté de raisonner les studios et l'AMPTP (l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision) le mois dernier avant la grève. La star de Mission Impossible : Dead Reckoning - partie 1 - dans lequel les dangers de l'IA sont au cœur du récit - a en effet pris part à une séance de négociations avec des représentants des deux parties pour tenter de trouver une issue, en vain.
James Cameron contre l'Intelligence Artificielle
Aujourd'hui, c'est un autre nom majeur du cinéma qui a pris la parole sur l'Intelligence Artificielle : James Cameron. Le réalisateur d'Avatar a fait savoir qu'il n'utilisera jamais cet outil pour écrire un scénario. Dans une interview pour CTV News, il a exprimé ses doutes sur la capacité de l'IA à écrire "une bonne histoire" :
"Personnellement, je ne crois pas qu'un esprit désincarné qui ne fait que régurgiter ce que d'autres esprits incarnés ont dit - sur la vie qu'ils ont eue, sur l'amour, sur le mensonge, sur la peur, sur la mortalité - et qui met juste tout cela ensemble dans une salade de mots pour ensuite le régurgiter puisse créer une histoire capable d'émouvoir un public. Il faut être un humain pour écrire un bon scénario. Je ne connais personne qui envisage d'utiliser l'IA pour écrire un scénario."
Même s'il est plutôt optimiste sur l'incapacité d'une IA à écrire un bon scénario, il ne prend pas le sujet à la légère. "Attendons 20 ans, et si une IA remporte l'Oscar du meilleur scénario, je pense que nous devrons la prendre au sérieux", a-t-il ajouté.
Mais la préoccupation du réalisateur est ailleurs : "Je pense que la militarisation de l'IA est le plus grand danger. Je pense que nous allons faire face à ce qui pourrait être l'équivalent de la course aux armements nucléaires, et si nous ne travaillons pas dessus, d'autres le feront, et la situation va s'aggraver".
James Cameron estime qu'une IA pourra combattre d'autres ordinateurs tellement rapidement que l'espèce humaine ne pourra pas intervenir. "Je vous avais prévenus en 1984 et vous n'avez pas écouté", a même "plaisanté" le réalisateur.
Il fait ici référence à son film Terminator, qui raconte la guerre qui oppose ce qui reste de l'humanité, décimée par un holocauste nucléaire, aux machines de Skynet, un système informatique contrôlé par une intelligence artificielle en 2029.
Son acteur principal, Arnold Schwarzenegger, avait récemment pris la parole, via People, sur le sujet lors d'un évènement à Los Angeles en évoquant le film de James Cameron :
"Aujourd'hui, tout le monde en a peur, tout le monde a peur de savoir où cela va nous mener. Et dans Terminator, nous parlons des machines qui deviennent conscientes d'elles-mêmes et qui prennent le dessus... Maintenant, au fil des décennies, c'est devenu une réalité. Donc ce n'est plus de la fantaisie ou une idée futuriste. Ça se passe aujourd'hui. C'est l'écriture extraordinaire de James Cameron."
Suite aux déclarations de James Cameron, c'est un autre réalisateur qui a fait part de son inquiétude face à l'IA. Guillermo del Toro a cité l'interview de son collègue et ami avec ce message sur Twitter : "Une IA qui n'est pas réglementée, qui n'est pas vérifiée, qui n'est pas maîtrisée et qui est sous-estimée juste par cupidité pourrait être le dernier coup d'échec avant que nous ne soyons mis échec et mat."
S'il est impossible de déterminer jusqu'à quand la double grève des scénaristes et des acteurs et actrices va durer, il est certain que l'Intelligence Artificielle restera un sujet de discussion majeur quand de nouvelles négociations seront mises en place entre les studios et les deux syndicats.