Flux Gourmet, en résumé
Un collectif de musiciens (Asa Butterfield, Ariane Labed, Fatma Mohamed) s'installe dans un centre consacré à la gastronomie et aux performances culinaires. La dynamique dysfonctionnelle du groupe, en proie à des rivalités internes, mène à une accumulation progressive de tensions malsaines qui risquent fort de mettre à mal le projet musical.
En parallèle, un journaliste (Makis Papadimitriou) est engagé pour réaliser un dossier sur le groupe et documenter le quotidien de ses membres, des répétitions aux pauses-repas. Mais alors que les dissensions des artistes ne cessent de croître, le journaliste se retrouve victime de violents troubles digestifs, de plus en plus handicapants…
Une partition délicieusement dissonante…
Si l’étrangeté de Flux Gourmet vous assaille dès la lecture de son synopsis, c’est bien normal : le réalisateur britannique Peter Strickland en fait l’ingrédient principal de tous ses films. Après Berberian Sound Studio et The Duke Of Burgundy, tous deux disponibles sur FILMO ce mois-ci, il remet le couvert avec un film doux-amer qui ne manquera pas de titiller vos papilles !
Filmés dans l’intimité de leur résidence commune, à la manière d’une télé-réalité, les artistes rivaux se livrent à des joutes verbales constantes donc l’acidité désarçonne un temps, mais finit par faire tout le sel de leur collaboration, au-delà même de leurs rares prestations. C’est donc précisément la dissonance de leurs interactions qui devient une mélodie qui parvient à charmer.
Toutefois, le spectateur n’est pas livré à lui-même dans cet environnement aussi hostile qu’étrange, puisque le personnage du journaliste, interprété par Makis Papadimitriou, incarne l’ultime lueur de bienveillance de la résidence. Impossible de ne pas éprouver d’empathie pour ce personnage littéralement déchiré, que l’estomac caractériel vient mettre dans bon nombre de situations gênantes.
Copyright Bankside Films, IFC Productions I
Gwendoline Christie quant à elle, en figure d’autorité hautement stylisée, rappellera aux amateurs de la série Mercredi le charme quasi-gothique du personnage qu’elle y interprétait, et ravira les spectateurs de sa moindre apparition.
… orchestrée par l’héritier de Cronenberg et Östlund
La pâte marquée de Peter Strickland, dont l’esthétique n’est pas sans rappeler les grands classiques du Giallo (Suspiria, The Neon Demon) évoque surtout, par son culte de l’étrangeté, les grands films de David Cronenberg et de son fils : caméra fixe laissant le temps au silence de ses personnages, gros plans sur des éléments organiques (ici culinaires), apparitions çà et là de touches gores ou oniriques…
Copyright Bankside Films, IFC Productions I
Mais loin d’être une pâle copie du genre, Flux Gourmet se dote de quelques originalités qui permettent de rattacher son intrigue à une forme de satire concrète, malgré l’étrangeté ambiante. De quoi rappeler l’écriture de Ruben Östlund (The Square, Sans Filtre). Outre les questionnements artistiques et sociaux soulevés par les interactions souvent belliqueuses des membres de la résidence, la prédominance d’un humour légèrement scatophile devrait séduire les amateurs de la dernière Palme d’Or d’Östlund !
À la croisée des genres et des inspirations, Flux Gourmet s’avère être malgré son étrangeté une douceur drôle et satirique, servie en prime par un casting étoilé. À consommer sans modération !
Flux Gourmet, Berberian Sound et The Duke Of Burgundy de Peter Strickland sont disponibles ce mois-ci sur FILMO.
