Il y avait bien eu certaines scènes d'Happiness Therapy et American Bluff. Ou encore le récent et satirique Don't Look Up. Mais Jennifer Lawrence ne s'était encore jamais lâchée dans une comédie comme elle le fait dans Le Challenge, sorti au cinéma ce mercredi 21 juin.
Devant la caméra de Gene Stupnitsky (Good Boys), la comédienne oscarisée incarne une jeune femme qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui, menacée de perdre sa maison, accepte une offre d'emploi étonnante venue d'un couple de parents : emmener un ado de 19 ans dans une série de "dates" afin de le décoincer en vue de son entrée à la fac.
De passage à Paris il y a quelques jours, Jennifer Lawrence et son partenaire Andrew Feldman ont évoqué cette comédie gentiment trash et irrévérencieuse à notre micro. Tout comme le réalisateur et scénariste Gene Stupnitsky, qui a accompli l'un de ses objectifs.
AlloCiné : Comment ce film a-t-il commencé ? Êtes-vous allé voir Jennifer pour lui proposer le rôle, ou est-celle qui est venue vers vous ?
Gene Stupnitsky : Je l'ai écrit en pensant à Jennifer, avec mon co-scénariste John Phillips. Elle a toujours été notre but. Nous ne savions pas si elle accepterait, nous avions son rythme de jeu à l'esprit lorsque nous écrivions le personnage.
Cela veut-il dire que le personnage est basé sur elle, ou que vous vouliez trouver quelque chose pour la challenger ?
Si l'on prend en compte son passé, le personnage n'est pas basé sur elle, non. Mais sa manière de parler… C'est quelqu'un de très drôle dans la vie. Très vive et pleine d'esprit, et on le retrouve dans le personnage de Maddie, à ceci près qu'elle n'est pas en colère. Je le connaissais, mais je voulais que le reste du monde découvre cet aspect d'elle. Elle est prête à relever n'importe quel défi, et ça en a été un pour elle sur certains aspects. Mais elle était prête pour ça.
Je savais qu'elle ferait une comédie un de ces jours et je voulais, très égoïstement, être le premier réalisateur à la diriger dans ce registre
On ne la voit pas souvent dans des comédies alors qu'elle y est excellente. Quand avez-vous commencé à penser qu'elle serait parfaite dans le genre ?
Peu de temps après l'avoir rencontrée je pense. Je la connaissais avant de faire ce film, et je me disais que les gens n'avaient pas vu cette facette d'elle. On l'a vue dans beaucoup de rôles sérieux, sombres, mais quand on la voit faire des interviews et sur des tapis rouges, elle est très charmante, très drôle.
Je ne suis pas le seul à l'avoir remarqué et à en avoir parlé, mais je savais qu'elle ferait une comédie un de ces jours et je voulais, très égoïstement, être le premier réalisateur à la diriger dans ce registre.
Quel est le plus gros défi pour un réalisateur, lorsque l'on dirige une habituée des drames dans une comédie comme celle-ci ?
La première chose à laquelle je pense est : ne pas essayer d'être drôle. C'est la clé. Quand les gens tentent d'être drôles, cela ne marche généralement pas. Il faut faire comme si l'on ne savait pas que l'on est dans une comédie et prendre les choses au sérieux. Je n'ai pas eu à le dire à Jennifer ou Andrew sur ce film, car ils le comprenaient très bien. Mais c'est en étant sérieux que l'on rend les choses drôles.
Y a-t-il une autre personne, que l'on connaît surtout ses drames, qui serait parfaite dans la comédie selon vous ?
Je pense à Tom Hanks. Il a débuté dans la comédie et j'adorerais le revoir en faire une. Il a fait beaucoup de grands films, mais j'aimerais le voir y revenir.
Aux États-Unis, "Le Challenge" est classé R (interdits aux moins de 17 ans non-accompagnés par un adulte). Était-ce prévu dès le début ?
C'était le but, et je suis plus intéressé par ces comédies. Cette idée de pousser le bouchon, d'être subversif. Ce n'est clairement pas une comédie familiale, et je ne dis pas que je n'en ferai jamais, mais les histoires de passage à l'âge adulte fonctionnent mieux lorsqu'elles sont classées R.
Vous êtes vous quand même fixé des limites ? Ou cette classification vous a permis de ne pas en avoir ?
Les seules limites sont celles de la créativité et de l'imagination. Il n'y a rien qui ne peut pas être fait, mais les limites sont bonnes pour la créativité. Il est bon d'en avoir, dans un cadre donné.
Quelle est pour vous le meilleur matériau pour une comédie ?
(il réfléchit) J'aime les personnages qui sont mesquins. Il y a quelque chose que je trouve très drôle dans la mesquinerie. Cameron Diaz dans Bad Teacher [qu'il a co-écrit, ndlr] est une prof qui n'aime pas les enfants, et lorsqu'il n'y a aucun adulte dans les parages, elle devient fidèle à elle-même et pas si gentille avec eux. Ça me fait toujours rire. Briser un tabou m'amuse.
On sent effectivement un air de famille entre la Cameron Diaz de "Bad Teacher" et Jennifer Lawrence ici.
Oui. Ce sont deux ouragans qui traversent le film en détruisant tout sur leur passage (rires)
C'est en étant sérieux que l'on rend les choses drôles
Pourquoi le choix de ce titre original, "No Hard Feelings" ?
Il y a déjà cette expression anglaise, qui signifie "Sans rancune", et décrit ce qu'il se passe entre elle et lui : ça n'est pas contre Percy mais elle doit sauver sa maison. Mais on peut aussi le lier à Maddie, qui tente d'échapper aux émotions et à l'intimité, et érige un mur dès que les sentiments s'en mêlent. Et il y a un autre sens, plus sexuel.
Qui est votre plus grosse influence en matière de comédie ?
J'adore Billy Wilder, Mike Nichols et Harold Ramis. Un jour sans fin est une comédie parfaite, c'est mon film préféré. Il y a beaucoup de réalisateurs de comédie que j'aime, comme Judd Apatow, Elaine May qui a fait The Heartbreak Kid. La version anglaise de The Office m'a aussi beaucoup influencé [il a participé à la série américaine par la suite, ndlr].
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 13 juin 2023