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    Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon : découvrez leur histoire avec ce biopic implacable
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Missak Manouchian, grande figure de la Résistance, mort fusillé au fort du Mont Valérien le 21 février 1944, entre au Panthéon. Son combat héroïque et tragique est au cœur du grand film de Robert Guédiguian sorti en 2009, "L'Armée du crime".

    "Ma Chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée, dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. Nous allons être fusillés cet après-midi à 15 heures. Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. [...]

    Je m'étais engagé dans l'Armée de Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la Victoire et du but. Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement [...]"

    Ce sont les derniers mots, absolument bouleversants, écrits par le résistant Missak Manouchian qui s'adresse à sa femme, quelques heures avant qu'il soit fusillé au fort du Mont Valérien, le 21 février 1944.

    80 ans après, cette ultime conviction prend corps pour la postérité, avec le transfert aujourd'hui de sa dépouille au Panthéon. Il est accompagné de son épouse, elle aussi résistante.

    L'annonce a été faite par la présidence de la République lors de la célébration du 83e anniversaire de l'Appel du 18 juin, que le président commémore comme chaque année dans la matinée au Mont-Valérien, près de Paris, où un millier de résistants et otages, dont Missak Manouchian, furent exécutés par l'armée allemande pendant l'Occupation.

    Stéphanie Braunschweig

    Réfugié en France après le génocide arménien en 1915 (sa femme le rejoindra en 1925), Missak Manouchian forma "le groupe Manouchian", un groupe de résistants étrangers très actifs proche du Parti Communiste français, composé d'une soixantaine d'hommes et de femmes des Francs-tireurs et partisans de la Main-d'œuvre immigrée (FTP - MOI). Arrêté le 16 novembre 1943, il sera donc exécuté aux côtés de 23 autres résistants au Mont Valérien.

    Avant sa condamnation à mort, les autorités allemandes prendront grand soin d'exploiter et médiatiser le démantèlement des FTP - MOI, grâce à la célèbre affiche rouge de sinistre mémoire, qui sera massivement placardée en France. "Des libérateurs ? La Libération par l'armée du crime !" proclamait-elle.

    Ci-dessous, une vidéo de propagande du régime de Vichy, montrant notamment les visages de cinq membres du groupe, arrêtés : Manouchian, Rayman, Alfonso, Fingerweig, et Wasjbrot. Tous figurent sur cette affiche rouge.

    Une armée du crime magnifique

    Cette Armée du crime, c'est aussi le titre du formidable film du cinéaste Robert Guédiguian, sorti sur nos écrans en 2009, qui méritait bien plus que ses 438.000 spectateurs.

    "L'Arménien Manouchian, l'occupation allemande (ma mère est née en Allemagne), et le communisme, ces trois éléments réunis me touchaient sans doute de trop près. Depuis que je suis né, j'ai toujours entendu parler de Manouchian. Il fait partie du Panthéon des grands héros résistants communistes.

    Je me souviens en particulier d'avoir lu quand j'étais gamin la lettre qu'il a écrite avant de mourir. Que Manouchian y dise "Je meurs sans haine pour le peuple allemand" me réconfortait sur mes deux origines et sur l'humanité en général. Donc, parce que tout cela m'était trop proche, ce n'est pas de moi qu'est venue l'idée de faire ce film, mais de Serge Le Péron" nous confiait le réalisateur.

    Stéphanie Braunschweig

    Mais son récit héroïque et tragique est aussi largement irrigué par les souvenirs d'Arsène Tchakarian, le dernier membre du groupe Manouchian encore en vie, que Guédiguian avait rencontré et avec qui il s'était lié d'amitié. Le réalisateur lui rendra d'ailleurs un vibrant hommage à sa mort à l'âge de 101 ans, en 2018.

    "Quand on fait un film historique, c'est pour éclairer le présent, c'est parce qu'on a envie, en tant que cinéaste mais aussi en tant que citoyen, d'aller chercher dans le passé des exemples qui peuvent nous aider à vivre aujourd'hui" expliquait Guédiguian, qui n'a jamais caché son intérêt pour la chose politique.

    Baigné d'un vrai souffle historique et romanesque, spectaculaire mais sans jamais se départir de sa dimension pédagogique, L'Armée du crime est porté à bout de bras par un casting à l'unisson, qui mêle les habitués du cinéma de Robert Guédiguian, comme Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, Gérard Meylan et Yann Tregouët, et les petits nouveaux que sont Virginie Ledoyen, Robinson Stévenin, Grégoire Leprince-Ringuet, Lola Naymark et Adrien Jolivet. Simon Abkarian avait déjà tenu un rôle dans Le Voyage en Arménie.

    Lui-même d'origine arménienne, il incarne avec une grande conviction cette figure tragique et magnifique de la Résistance.

    "C'est un film important, engagé. C'est dire l'Histoire, dire qu'à un moment donné il y a eu des personnes qui venaient d'ailleurs, des arméniens, des juifs, des hongrois, des polonais, des espagnols, des italiens, qui avaient, eux, subi le fascisme dans leurs pays. Qui sont venus en France, la patrie des Droits de l'Homme, et n'ont pas hésité à prendre les armes pour la défendre. Et ils l'ont payé chèrement" commentait l'acteur.

    L'armée du crime est disponible sur Paramount +, en VOD ainsi qu'en DVD / Blu-ray.

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