Shéhérazade, son premier long-métrage, avait connu les honneurs de la Semaine de la Critique en 2018, et avait triomphé aux César quelques mois plus tard. Jean-Bernard Marlin revient cette année sur la Croisette avec Salem, un deuxième long-métrage présenté en Sélection Officielle dans la section Un Certain Regard.
Tout comme pour Shéhérazade, le cinéaste choisit de situer l'action de son film dans les quartiers populaires de Marseille, rendus tristement célèbres depuis quelques années par une série d'assassinats liés au trafic de stupéfiants. Cette réalité, Marlin l'embrasse, mais choisit de la sublimer avec l'aide de ses comédiens, tous amateurs, et d'un directeur de la photographie, Jonathan Ricquebourgn particulièrement inspiré. Et pour ce nouvel opus, le réalisateur s'accorde une incursion dans le fantastique.
Rencontre dans la chaleur d'une journée cannoise avec Jean-Bernard Marlin.
AlloCiné : Comment avez-vous trouvé vos comédiens ?
Jean-Bernard Marlin : J'ai passé huit mois en casting sauvage dans les quartiers Nord parce que je voulais faire jouer des acteurs qui comprennent mon film, des comédiens qui connaissent la réalité dont je parle. On a ensuite fait plusieurs mois de stage, où ils ont appris à jouer devant une caméra. Et en même temps, cela m'a permis de déterminer le rôle idéal pour chacun de mes acteurs.
C'est une habitude chez vous de diriger des non-professionnels...
Oui, dans tous mes films, il y a des amateurs. J'ai un amour immodéré pour tous les acteurs non professionnels.
Et vous prenez ces acteurs ancrés dans leur réalité pour les inviter dans votre monde, un univers qui vire parfois au fantastique.
Je me demandais si j'allais y arriver. On part de quelque chose de très documenté et ancré dans le réel. Et on va petit à petit dans la réflexion, dans le monde intérieur de Djibril (le héros du film, Ndlr) et dans le fantastique. Et là, le travail avec les comédiens, c'était la part de magie. Et en fait, ça marche très bien. Avec Oumar Moindjie (Djibril), nous avons cherché la tonalité juste, la folie du personnage.
Pourquoi ce choix du fantastique ?
J'avais envie de prendre un risque, de faire évoluer ma façon de fabriquer un film et d'aller vers des choses sur lesquelles je suis moins à l'aise. En résumé, aller un peu en dehors de ma zone de confort. Parce que sinon ce n'est pas très intéressant, et on s'ennuie. Et j'ai peur de l'ennui. Alors que là, je suis dans un processus de découverte de choses que je maîtrise moins sur les émotions. Et pour le prochain film, j'aurai encore envie d'aller voir des choses différentes.
Quelle a été la part d'improvisation ?
Il n'y a aucune impro, tout est déjà écrit. On me pose souvent la question, et la réponse est toujours la même : zéro improvisation.
Votre film montre des scènes violentes...
J'essaie de filmer la violence de la manière la plus juste possible, sans aucun fantasme. L'important c'est d'être réel. Où est la vérité ? Où est l'endroit le plus juste pour poser la caméra ? Ce sont les questions que je me pose à chaque scène. Parfois, je me trompe, et je recommence.
Aviez-vous des références cinéphiliques en tête pour Salem ?
J'en avais deux. Je ne suis pas un grand fan de William Friedkin mais je reconnais que L'Exorciste a été une influence. Et l'autre film c'est Apocalypse Now, pour le côté trip hypnotique.
Salem sort dans les cinémas français le 30 août 2023.