Une file d'attente qui avait commencé plus d'une heure avant l'ouverture de la salle, des rumeurs folles sur ce que pouvait être le film surprise teasé par le cinéaste, des billets se vendant dit-on au marché noir... L'événement mystère de Quentin Tarantino n'avait pas encore débuté que le public était on ne peut plus fébrile.
La salle du Théâtre Croisette (à la Quinzaine des cinéastes) était bondée à l'orchestre comme au balcon par des invités mais aussi des fans venus avec des goodies à faire dédicacer. Quentin Tarantino est arrivé sur scène sous les applaudissements nourris d'une foule acquise à sa cause.
Le réalisateur de Kill Bill, Pulp Fiction (Palme d'or 1994) ou encore Reservoir Dogs a tenu lui-même à révéler sur scène son film surprise : une copie 35 MM de Légitime violence (ou Rolling Thunder en VO), un film sorti en 1977 et mis en scène par John Flynn.
Une fois l'annonce faite sous les hourras du public, Quentin Tarantino a rejoint son siège et a assisté à la projection du film avec les festivaliers, alors même qu'il l'avait de son propre aveu déjà beaucoup vu, passion oblige. Avant l'envoi de la première bobine, il a aussi recommandé au public de se détendre :
Asseyez-vous, détendez-vous, regardez le film et n'hésitez pas à être un peu moins français que d'habitude ! Si vous voulez vous lâcher, lâchez-vous ! Et si vous voulez crier pendant les coups de feu, criez pendant les coups de feu ! On va apporter du grindhouse à Cannes !
C'est quoi Légitime violence ?
On y suit le personnage de Charles Rane (William Devane), vétéran de retour d'un camp de prisonniers où il a été violemment torturé. Fêté par la ville, il obtient une grosse somme d'argent remise par une groupie (Linda Haynes) qui attendait la libération de Rane avec impatience. Lorsque des voleurs s'introduisent chez lui pour lui voler l'argent et massacrer sa femme et son fils, Rane (re)prend les armes et avec l'aide de sa groupie et d'un ancien camarade (Tommy Lee Jones), va tenter de retrouver les meurtriers.
Pur film de vengeance typique de la fin des années 60 et 70, Légitime violence est né de la plume de Paul Schrader, qui sortait tout juste du scénario de Taxi Driver. Mais sa version de Rolling Thunder est réécrite par Heywood Gould, qui en modifie la fin et notamment sa portée politique (que nous ne dévoilerons pas ici pour ne pas spoiler). Après ces changements, Schrader a renié le film en le qualifiant de "fasciste".
Lors de sa masterclass, Quentin Tarantino a expliqué que Schrader avait voulu écrire une critique du film de vengeance fasciste, et qu'une fois les réécritures effectuées, il n'en est plus resté qu'un film de vengeance fasciste, "mais c'est le plus génial de tous !" a déclaré au public un Tarantino arborant sur le visage un sourire complice.
Légitime violence est actuellement disponible aux abonnés de la plateforme UniversCiné et disponible en DVD et Blu-ray.
Sur scène, la discussion s'est ensuite dirigée vers d'autres sujets, comme la violence dans les films de Tarantino. Le cinéaste ne la juge pas problématique puisqu'il s'agit pour lui simplement de cinéma et de "faire semblant" : il ne faut aucunement y voir une quelconque glorification. La discussion a ensuite abordé tour à tour L'Inspecteur Harry, La Prisonnière du désert ou Taxi Driver, dont le cinéaste a évidemment parlé avec érudition.
Après 1h07 d'entretien, Quentin Tarantino a finalement été interrogé sur son prochain, dixième et dernier film, consacré à la critique de cinéma dans les années 70. D'abord tenté de réciter l'un des monologues à venir du long métrage, le réalisateur s'est finalement ravisé pour en réserver la surprise aux spectateurs dans quelques années, en concluant d'un "To Be Continued" cet événement hors du commun, et que personne dans la salle ne souhaitait voir s'arrêter.