Préparez-vous à vivre une expérience de cinéma aussi dérangeante que décapante avec la ressortie de Tetsuo, réalisé par Shinya Tsukamoto en 1989.
Si son nom ne vous dit rien, son visage vous rappellera sans doute quelque chose. Considéré comme le chef de file de la mouvance cyberpunk au pays du Soleil Levant, le cinéaste est aussi comédien.
Le grand public a pu le voir dans Silence, le chef-d'oeuvre de Martin Scorsese se déroulant dans le Japon du 17ème siècle. Il y incarnait le villageois Mokichi.
Depuis la fin des années 1980, Shinya Tsukamoto est passé maître dans l'art du cinéma transgressif japonais, nous offrant des longs-métrages radicaux tels que Tokyo Fist, Bullet Ballet et les deux premiers opus de Tetsuo.
Dans le premier épisode, Tsukamoto nous présente un homme qui s’insère une tige métallique dans la cuisse. La plaie s’infecte rapidement. Pris d’effroi, il s’enfuit en courant et se fait percuter par une voiture.
Après s’être débarrassé du cadavre, le conducteur remarque un morceau de métal qui sort de sa joue. Dès lors, son corps devient un aimant qui attire à lui tous les détritus métalliques de la ville.
UNE OEUVRE FAUCHÉE ET RADICALE
Interdite aux moins de 16 ans, Tetsuo a été entièrement auto-financé par Shinya Tsukamoto. L'artiste a tourné pendant un an et demi accompagné d'une équipe réduite. Si le film dure seulement 1 heure et 7 minutes, il parvient à exploser les codes du cinéma japonais, s'inscrivant dans la mouvance cyberpunk également représenté par le film d'animation Akira (1988).
Dans la lignée de Videodrome, mis en scène par David Cronenberg, Shinya Tsukamoto étudie la thématique de la métamorphose, s'inspirant également de l'esthétique étrange et surréaliste de David Lynch.
"Je voudrais que les spectateurs se projettent dans mes films et sentent qu’ils sont entre la vie et la mort", martèle le cinéaste, qui ne fait aucune concession à son public, sondant les travers de l'âme humaine comme personne.
Le réalisateur nous emmène avec lui dans cette ville anxiogène, nous étouffant dans un espace urbain austère avec un homme devenant peu à peu une machine. Ce dernier sera la pure création d'une société nipponne aliénée cherchant le sens de la vie au coeur de la souffrance.
Le visionnage de Tetsuo, véritable expérience hypnotique et sensorielle, ne laissera aucun spectateur indifférent. Avec son esthétisme particulier, angoissant, l'oeuvre de Tsukamoto nous interpelle, nous choque, nous fait sortir de notre de confort pour mieux nous faire ressentir ce mélange détonant entre matières organique et métallique.
LA VIOLENCE ET L'ANGOISSE
Entre violence graphique et images chocs, le metteur en scène ne nous épargne rien. Il utilise sa caméra comme outil ultime afin de pointer du doigt la société japonaise dans toutes ses contradictions, notamment les ravages de la société de consommation sur la population.
Shinya Tsukamoto donnera une suite à Tetsuo en 1992, s'émancipant du côté expérimental du premier opus pour proposer une oeuvre encore plus viscérale. Le cinéaste ira encore plus loin dans l'exploration du thème de l’homme-machine broyé par la société.
Ces deux films sont à découvrir en ce moment au cinéma en version restauré 4K grâce à Carlotta Films. Par ailleurs, Bullet Ballet (1995 et Tokyo Fist (1998) ressortent aussi sur grand écran en version restaurée. Elles sont toutes interdites aux moins de 16 ans.
À noter que Tsukamoto réalisera un 3ème volet de Tetsuo en 2009 : The Bullet Man. De Quentin Tarantino à Darren Aronofsky en passant par Gaspar Noé, la radicalité de Shinya Tsukamoto a influencé de nombreux cinéastes occidentaux. Tarantino, obsédé par Tetsuo, tentera d'en produire un remake qui devait s'intituler Flying Tetsuo. Malheureusement, le projet ne verra jamais le jour.