Présentée en avant-première il y a quelques semaines à Séries Mania, Les Randonneuses, emmenée par Alix Poisson, Clémentine Célarié, Camille Chamoux, Joséphine de Meaux, Claire Borotra et Tiphaine Daviot, débute ce lundi 15 mai à 21h10 sur TF1.
Créée par Fanny Riedberger, Anna Fregonese et Sylvie Audcoeur, cette mini-série en six épisodes raconte l'histoire de Sara, Noémie, Patty, Karen, Valérie et Morgan. Six femmes toutes touchées de près ou de loin par le cancer qui ont l'idée un peu folle de partir en randonnée à l’assaut du Dôme de la Lauze, un sommet de près de 4000 mètres. Le début d'une aventure humaine, afin d'honorer la mémoire d'une camarade de chimio décédée, qui va les transformer et les rapprocher pour toujours.
Rencontrée dans le cadre du Festival Séries Mania, Clémentine Célarié, Alix Poisson et Fanny Riedberger nous ont parlé de cette série extrêmement feel good et touchante, qui aborde de nombreuses thématiques très fortes et fait la part belle à la sororité, sans aucun pathos.
AlloCiné : Comment est née l'idée de la série Les Randonneuses ?
Fanny Riedberger (co-créatrice et productrice) : J’écoutais le JT de loin et à un moment donné j’ai entendu le mot "cancer" et je me suis approché de la télé. Alors qu’en général je fuis ce mot. Et j’ai vu un court extrait d’un documentaire qui parlait d’une association qui existe, Des Sommets pour rebondir, qui permet à des femmes qui sont en rémission du cancer de faire des ascensions, de se reconstruire par le sport, afin de retrouver confiance. Parce qu'on sait que le sport fait partie intégrante de la guérison.
Et en voyant ces images somptueuses, car c’était au Mont Rose en Italie, je n’ai vu que de la lumière, des sourires, de la joie, de la vie, énormément d’humour, alors que pour moi c’était un sujet assez rédhibitoire, qui me faisait très peur, qui était anxiogène. Bien sûr ce n’était pas que gai, car les témoignages étaient assez éprouvants. Mais je me suis dit "On peut parler de ça comme ça, avec de la joie, de la vie, ce n’est pas toujours le cancer qui gagne". J’ai compris que c’était important de parler du cancer avec cette tonalité-là. Ces femmes m’ont inspiré.
Clémentine, Alix, qu'est-ce qui vous a plus dans le scénario lorsque vous l'avez découvert pour la première fois ?
Clémentine Célarié : J’ai eu un coup de cœur pour le scénario. J’étais en tournée, dans le train, quand je l’ai lu. J’ai trouvé cette série hyper bien écrite, très drôle. Pour moi c’est un peu miraculeux, car j’ai eu un cancer et j’en ai guéri. De pouvoir retraverser ça, dans cette transcendance de création nouvelle, ça tient du miracle. J’ai trouvé ça génial.
J’ai aimé ce personnage de Noémie car elle a cette caractéristique, dont j’ai moi-même fait l’expérience, qui consiste à se forger une espèce de carapace pour se défendre face à la maladie, et qui fait qu’on devient un peu excessif, dur, acerbe, car il faut tout le temps se battre. J’ai aimé ses excès, j’ai trouvé ça drôle.
C'est l'autre point important de la série pour moi : on n'est jamais dans le larmoyant. Le larmoyant, ça m'emmerde parce que je trouve que c'est fabriqué. Pour avoir eu moi-même un cancer et rencontré pas mal de femmes dans le même cas, je peux vous dire qu'on a envie de rigoler quand on traverse une telle épreuve. Et ça fait écho à la série d'une très belle manière car, par le rire, mais pas que, on s'est rencontrées de manière très forte toutes les six.
Alix Poisson : C'est vrai, ce que j'ai trouvé hyper juste dans la série c'est qu'elles ont toutes une pulsion de vie très, très forte, et elles ne supportent pas les gens autour d'elles qui les ramènent à leur maladie ou qui s'apitoient sur elles. Le scénario, qui est très bien écrit, très subtil, est très à rebrousse-poil de plein de choses, je trouve ça génial. On évite les clichés.
Chaque personnage a sa propre arche narrative, et je sais que dans le cas de Sara, que j'interprète, c'est vraiment cet apitoiement qui provoque la scission dans son couple dans les flashbacks. Son mari est hyper bienveillant, mais il est tellement focalisé sur le fait de lui rappeler qu'elle est malade et qu'il faut qu'elle prenne soin d'elle, qu'à un moment donné, elle lui dit cette phrase que je trouve très belle : "Si tu fais ça, je ne pourrai pas me battre. Je ne peux pas être une guerrière si tu te comportes comme ça".
Je trouve ça hyper juste. C’est presque une métaphore de notre société. Quand quelqu’un a un cancer, on est hyper précautionneux, on fait comme si ça n’existait pas, et du coup on ne soutient pas véritablement les gens qui sont atteints. Le mari de Sara n’est pas un enfoiré, il fait du mieux qu’il peut, il fait avec les codes qu’il a.
On ressent une vraie alchimie entre Claire Borotra, Camille Chamoux, Tiphaine Daviot, Joséphine de Meaux et vous à l'écran. La magie a immédiatement opéré entre vous six sur le tournage ?
Alix Poisson : Sur le papier je pense qu'on avait toutes un peu peur, parce que s'engager sur Les Randonneuses signifiait passer trois mois ensemble à la montagne, loin de nos familles. En plus, notre société est si bien fichue qu'elle passe son temps à dire que des filles entre elles, ça ne peut pas marcher... Parce qu'il y a forcément un moment où on va se critiquer ou se jalouser. Donc je pense que tout le monde avait une appréhension.
Et en fait, le premier jour, on a commencé par la partie à 4000 mètres d'altitude. On a commencé par le plus dur. Et pour aller à 4 000 mètres, on avait 1 heure 30 de trajet dans des œufs. Des œufs qui, comme le dit si bien Camille Chamoux, dataient de René Coty (rires). On s'est toutes dit qu'à un moment, ils allaient finir par tomber. Et je crois que cette expérience, avec les angoisses des unes, la claustrophobie des autres, nous a vraiment rapproché et soudé. On a beaucoup ri dans ces œufs.
Clémentine Célarié : On a été projetées très près les unes des autres dans ces œufs, ça fusait entre nous, on riait, on s’est vraiment "rencontrées" toutes les six. On a envie de se revoir. Il y a un truc très fort qui est né entre nous. Mais je pense que c'est aussi parce qu'on a eu la chance de tomber sur des chouettes comédiennes, et de chouette femmes.
Il y avait une vraie humilité, une écoute, une générosité et une bienveillance entre nous. Et j'ai l'impression que c'était lié au thème de la série quand même. Ce respect de toutes ces femmes qui vivent le cancer, ou qui l'ont vécu. Et puis la montagne aussi, le fait d'être en pleine nature, dans des paysages magnifiques, dans un truc qui te dépasse un peu, ça force l'humilité et le respect.
Les Randonneuses compte également Elsa Lunghini, Baptiste Lecaplain, Lucien Jean-Baptiste, Gérémy Crédeville et Maxence Danet-Fauvel à son casting. Fanny, en tant que productrice, ça a été facile de convaincre une telle brochette de comédiennes et de comédiens de laisser tomber ses vacances d'été pour tourner trois mois à la montagne, en Savoie ?
C'est certain que ça ne jouait pas en notre faveur de tourner en plein été. Mais c'est ça que je trouve super : ça veut dire que toutes les comédiennes et tous les comédiens qui sont dans Les Randonneuses ont fait cette série par choix. Ils avaient une vraie envie de défendre ce sujet. Donc ça n'a pas été simple mais on a réussi à accorder les plannings des uns et des autres.
Alix, Clémentine, comment définiriez-vous la trajectoire de vos personnages, Sara et Noémie, qui sont au centre des deux premiers épisodes de la série ?
Alix Poisson : Sara, qui a eu un cancer du sein, est quelqu’un de très abîmé au départ. Elle n’a plus aucun contact avec son propre corps. Elle le nie, elle le déteste. Elle a été amputée d’une partie d’elle-même. Pas seulement physiquement, mais psychiquement aussi. Elle croit qu’elle n’a plus du tout droit à la sensualité, au désir. Mais grâce à plusieurs rencontres, elle va retrouver un appétit de vie. Il y a une rencontre amoureuse, bien sûr, mais il y aussi le fait de faire cette ascension avec ces femmes qui ont un regard hyper bienveillant sur elle. Cela va lui permettre de se reconnecter à son corps et à elle-même. Elle part de très très bas, et elle va vers la lumière. J’ai trouvé ça très beau.
Clémentine Célarié : Noémie se bat et se débat pour son fils, à qui elle n'arrive pas à dire qu'elle a tout perdu : son logement, son travail. Elle veut pouvoir continuer à lui payer ses études, alors même qu'elle ne sait pas si son cancer est revenu ou non. Elle est dans l'attente, et elle commence à penser à la pire des solutions pour subvenir aux besoins de son fils.
Ce que je trouve beau avec ce personnage c'est qu'elle essaye de transcender la maladie. A travers mon personnage on aborde l'horreur des assurances vies, je n'ai pas vécu ça, mais c'est terrible, si tu as un cancer et que tu veux prendre un crédit, bon courage...
Et puis à travers Noémie on montre aussi à quelle point on peut être maltraité, économiquement et socialement, quand on a un cancer. Elle se fait quand même virer parce qu'elle a un cancer. Moi, quand j'ai eu mon cancer, je l'ai caché parce que sinon, mes dates de tournée auraient été annulées, parce que les gens pensent qu'on va mourir. Alors que, non, on ne meurt pas forcément. J'ai rencontré des femmes métastasées qui étaient hyper vivantes, même quand on leur dit que c'est irrémédiable. Le moment où elles vivent, elles vivent à 100 milliards à l'heure.
Finalement, la série aborde de nombreuses thématiques qui vont bien au-delà du cancer en lui-même, comme le déclassement social, la ménopause médicamenteuse, dont on ne parle jamais, ou la reconstruction après une mastectomie, dans tous les sens du terme...
Fanny Riedberger : Le cancer ce n’est pas que la maladie dans un lit d’hôpital. C’est aussi les dégâts collatéraux dans une famille, la sexualité, la perte de féminité, le déclassement social, quand on est indépendante et qu’on n’a plus d’argent, tous ces sujets sont rarement traités. On a essayé de brasser le plus de sujets possibles, et ces six femmes ont permis cela.
Quand on traite d'un tel sujet, il faut le traiter à 100%. C'est essentiel à mes yeux. Il fallait dire le mot cancer, il fallait voir des crânes chauves, il fallait voir des cicatrices à l'écran. Cela ne sert à rien si on se sert uniquement du cancer pour faire une série qui fait pleurer. Là, on traite du dépassement de soi et du dépassement de la maladie. Et dans cette maladie, il y a des vraies choses, souvent graves, souvent dures, et de le montrer à l'écran, c'est être dans une véracité des faits tout simplement. Et c'est important, surtout en prime-time sur TF1.
Clémentine Célarié : C'est tout à fait ça. Ce n'est pas une série sur le cancer. C'est une série sur le dépassement du cancer. Il y a un vrai dépassement, une énergie que j’ai vraiment adoré dans cette série. C’est ça qui est beau dans Les Randonneuses, ça ressemble à la vraie vie. Les personnes qui ont un cancer doivent forcément dépasser la maladie car elles doivent la combattre.
L'une des forces de la série est aussi d'arriver à opérer une sorte de numéro d'équilibriste, en étant toujours sur le fil entre drame et comédie. C'est un peu votre spécialité Fanny, après Lycée Toulouse-Lautrec, qui a permis de poser un regard différent et très juste sur le handicap...
C'est tout simplement parce que, selon moi, le rire est la meilleure des armes et la plus grande des forces. C'est une arme redoutable qui nous permet de traiter de tous les sujets. On peut rire de tout en fait, tout le temps. C'est assez jouissif de jouer avec les émotions des spectateurs.
Mais la dramédie ce n’est pas évident à faire. C’est de la dentelle, un fil ténu. Ça passe par l’écriture et la réalisation, mais aussi énormément par le jeu. J’ai eu la chance d'avoir ce très beau casting, ces super comédiennes et ces super comédiens. C'est un casting qui me fout les poils, je n’aurais pas pu rêver mieux.
Espérez-vous que Les Randonneuses puisse faire changer le regard des gens sur le cancer et sur les personnes qui se battent contre la maladie ?
Fanny Riedberger : Bien sûr. Le cancer reste un sujet tabou dans la vie. On ne dit jamais qu’on a un cancer, on a honte, on a peur. Moi j’ai vécu cette expérience, j’ai perdu ma mère à vingt ans, j’ai eu l’impression que j’étais seule au monde à vivre ça. Et je me dis qu’aujourd’hui, avec une série comme celle-ci sur TF1, les gens vont se dire "Il n’y a pas de honte, on peut gagner".
Tout n'est pas gai dans la série, car parfois malheureusement ça ne se passe pas bien. Mais dans plein de cas, pour plein de gens, ça se passe bien, c’est un combat qui est gagné à la fin. Le poids qu’on y met ne fait que rajouter à l’horreur qu’est le cancer. Il y a 95 % de la population qui est touchée de près ou de loin par le cancer. Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas dire ce mot.
Clémentine Célarié : Il faut dire le mot. Il faut que le cancer cesse d’être un tabou. Car après ça existe, c’est dédramatisé, c’est important. On raconte le cancer avec de l’humour, on montre qu’elles peuvent traverser la maladie, c’est super. C’est un très beau message.