Sorti en salles le 30 janvier 1974, Lacombe Lucien a connu un joli succès, réunissant 1,7 million de spectateurs. Par ailleurs, sur AlloCiné, l'œuvre a obtenu la note presse rarissime de 5 étoiles sur 5 !
Le réalisateur Louis Malle nous emmène en Juin 1944, sous l'Occupation allemande. Fils de paysans, Lucien Lacombe, 17 ans, fait des ménages dans un hospice.
Son père est prisonnier de guerre en Allemagne, sa mère vit avec un autre homme. L'adolescent veut entrer dans le maquis, mais on le refuse. Il se retrouve embrigadé dans la Gestapo tout en tombant amoureux de France Horn, la fille d'un tailleur juif caché dans la région.
Lacombe Lucien est incarné par Pierre Blaise, jeune comédien tragiquement décédé dans un accident de la route en 1975 à l'âge de 23 ans. Louis Malle a continué à voir les parents du jeune homme jusqu'à la fin de sa vie en 1995. Le cinéaste a décidé très tôt que le personnage ne serait pas joué par un professionnel.
Pendant l'hiver 1973, le metteur en scène passe des annonces dans la presse du sud-ouest et rencontre plusieurs centaines d'adolescents. Jusqu'au jour où, dans les bureaux de La Dépêche de Toulouse, il découvre à la fin d'un casting Pierre Blaise, alors âgé de 17 ans, que sa mère a forcé à venir et qui le séduit immédiatement.
Louis Malle avouera que ce qui l'a attiré inconsciemment chez le jeune comédien, c'est sa ressemblance avec Charles Le Clainche, l'ex-collaborateur qui partage la cellule du héros d'Un condamné à mort s'est échappé de Robert Bresson.
UNE APPROCHE MARXISTE
Dans sa vision de la collaboration, Louis Malle a revendiqué une approche marxiste. Pour le personnage de Lucien, il a déclaré en effet s'être inspiré de la réflexion de Marx sur le lumpen prolétariat, cette classe sociale qui n'avait d'autre choix que de collaborer avec les forces de la répression parce qu'elle ne disposait d'aucune culture politique.
Ainsi, dans l'esprit du réalisateur, Lucien Lacombe, en s'engageant dans la milice, n'a pas fait le choix de l'idéologie mais celui du confort matériel et de l'ascension sociale.
POLÉMIQUES ET CONTROVERSES
Lacombe Lucien a suscité de vives contreverses lors de sa sortie en France en janvier 1974. Louis Malle a dû faire face à de nombreuses critiques négatives comme celle du journal Le Monde. Après avoir qualifié le film de "chef-d'œuvre" dans les premiers jours de sa sortie, le quotidien dénonçait quelques semaines plus tard une œuvre "dangereuse".
Des réactions cinglantes ont également émergées de la classe politique : communistes et gaullistes ont notamment reproché à Louis Malle d'avoir osé salir la Résistance en "légitimant un collabo". Le cinéaste s'est toujours défendu d'une telle démarche.
Il avait alors répondu à cette polémique en affirmant que les Français ont été entretenus dans une version "officielle" et idéalisée de l'Histoire selon laquelle le pays dans son ensemble s'était opposé à l'occupant.
"Malle s'attire les foudres de certains de ses contemporains parce qu'il adopte un point de vue neutre, distancié : son personnage central n'est jamais décrit comme un salaud intégral. Lucien est analysé dans sa complexité mais n'est jamais jugé.
Grâce à une mise en scène sobre, le réalisateur laisse le soin au spectateur de trancher", écrit Guillaume Évin dans Quel scandale ! 80 films qui ont choqué leur époque, aux Éditions de La Martinière.
HONNI SOIT QUI MALLE Y PENSE
"Dans les années qui ont suivi la guerre, il y a eu comme une histoire officielle qui affirmait que les Français, unanimes, s'étaient dressés contre l'occupant. Maintenant, on sait que ce n'est pas exactement ce qui s'est passé. Peut-être à cause du Maréchal Pétain, qui a quand même engagé les Français, très insidieusement, dans une position d'attente", indiquait Louis Malle dans une interview le 9 février 1974.
"Ce qui a fait qu'une grande majorité des Français ne se sont pas vraiment engagés d'un côté ou de l'autre pendant pratiquement toute la guerre. La Gestapo était un engagement extrême et à la limite, absurde.
Car il est évident que s'engager dans la Gestapo au printemps 1944 avait quelque chose d'absurde. Ça relève de l'inconscience et surtout, le personnage y trouvait indiscutablement des satisfactions", analysait l'artiste.
Ces diverses polémiques n'ont pas empêché les spectateurs français d'aller voir le film, qui a réuni 1,7 million de personnes dans les salles obscures au début de l'année 1974.