De quoi ça parle ? À 14 ans, Ali est un adolescent à la dérive. Sa mère qui l’élève seule ne trouve d’autres solutions que de l’envoyer au village au Mali pour finir son éducation. Dix ans plus tard, Ali revient. Malgré les doutes de sa mère auprès de qui il est prêt à tout pour briller, il devient l’imam de la cité. Adulé de tous et poussé par ses succès, Ali décide d’aider les fidèles à réaliser le rêve de tout musulman : faire le pèlerinage à la Mecque.
Le pèlerinage à La Mecque
Le pèlerinage à La Mecque est considéré comme un devoir pour les musulmans. Il a un caractère obligatoire, inscrit dans le Coran, pour tout fidèle qui en a la capacité financière et physique. Le mot "hajj" désigne toute personne qui a accompli ce pèlerinage. Mais entreprendre ce "5e pilier de l’Islam" nécessite des sacrifices financiers pour la plupart des musulmans de France.
En 2019, le consulat d’Arabie Saoudite en France a délivré entre 22 000 et 28 000 visas "spécial hajj". Pour ce "voyage d’une vie", on estime le coût pour un pèlerin entre 5 500 et 7 000 euros. Les visas, valables un mois, permettent d’accéder à tous les lieux saints. Ils sont délivrés aux fidèles uniquement par le biais d’agences de voyage spécialisées accréditées par le ministère saoudien.
Des agences non agréées tentent de profiter des difficultés logistiques et financières que rencontrent les pèlerins pour s’enrichir illégalement. Toujours en 2019, il a été estimé qu’entre 2 000 et 5 000 fidèles musulmans ont découvert que leur voyage avait été annulé faute de visa valide juste avant leur départ. Ce sont parfois les économies de toute une vie qui sont ainsi spoliées.
Arnaques au pèlerinage
Le scénario du Jeune imam est inspiré de plusieurs faits divers autour des arnaques au pèlerinage à la Mecque. Ces derniers sont méconnus car ils touchent des populations fragiles, souvent âgées, qui n’utiliseront pas la justice ou les médias pour essayer de chercher réparation :
"Cette histoire nous a touchés avec mon ami Ladj Ly et nous avons décidé d’écrire ce scénario ensemble. Il y a dedans aussi mon envie de parler des habitants de Montfermeil, ville où j’ai passé tous les étés de mon enfance ; c’est là où a grandi ma mère", explique Kim Chapiron. Il ajoute :
"J’ai toujours vécu avec des gens de différentes confessions, dont des musulmans. Il y avait une grande tendresse entre nous tous. Le Jeune imam est né de vouloir évoquer cela. Je souhaitais entre autres, filmer la religion musulmane pratiquée par une immense majorité silencieuse."
Qui pour le rôle principal ?
Avec Le Jeune imam, Abdulah Sissoko trouve son premier rôle principal au cinéma.
Voulant devenir acteur depuis plusieurs années, le jeune homme intègre le fameux Cours Simon, tout en jouant dans plusieurs pièces comme Negrito de Nicolás Guillén, La Journée de la jupe de Jean-Paul Lilienfeld et Le Misanthrope de Molière. Parallèlement, il passe des castings.
Après une apparition dans le film choc sur la banlieue réalisé par Romain Gavras pour Netflix, Athena, Abdulah Sissoko est choisi par un autre pilier du collectif Kourtrajmé, Kim Chapiron, pour se glisser dans la peau du rôle-titre de son nouveau long métrage, Le Jeune imam.
Questionnement
Kim Chapiron a également mis en scène Le Jeune imam comme un thriller. Il a ainsi voulu montrer que le danger est lié aux erreurs que tout le monde fait dans la vie, et que fait le héros par excès d’orgueil (quand il manque de prudence et qu'il se retrouve au cœur d’une polémique) :
"Son attitude provoque un sentiment d’ambivalence ; on l’aime et on le désavoue, puis peut-être, on le comprendra. Ali veut faire le bien, mais il s’aperçoit qu’on ne peut pas tout contrôler dans la vie. Ce qui lui arrive peut advenir à tous les jeunes gens du monde", confie le cinéaste. Il poursuit :
"Le film parle d’actes d’amour et de leur portée. C’est l’idée fondatrice de mon histoire, celle qui donne la confiance à Ali et lui permet de déployer son talent. Encore une fois, Le Jeune imam décrit un monde de nuances. Il s’agit alors de partager des questions et d’y réfléchir en sortant du film."
Leaders spirituels 2.0
Le pouvoir d’influence de cet imam nouvelle génération est lié à des notions très neuves, comme celle du nombre de followers sur les réseaux sociaux. Ainsi, Le Jeune imam s’inscrit à la fois dans la question universelle de la foi, et celle d’une modernité connectée. Kim Chapiron précise : "Mon film traite de ces nouveaux leaders spirituels 2.0. Comment cette nouvelle famille d’imams constitue une force à travers YouTube, Tiktok, etc."
"Et comment, par conséquent, la tradition est vécue alors par les nouvelles générations. La manière classique de pratiquer sa religion est pulvérisée par les nouvelles façons de communiquer. L’imam qui a le plus de followers fait autorité pour les plus jeunes. Ce règne de la quantité est aussi un des sujets du film. Le Jeune imam pose la question de comment on construit le religieux. Comment toutes ces nouvelles technologies génèrent des dérives."